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épreuve à satiété. Les trois billets portaient 20 ans, perpétuité, mort, et constamment celui portant vingt ans s'est dégagé le premier de son enveloppe1. »

Dans le quartier réservé aux jeunes filles détenues correctionnellement, en vertu des articles 66 et 67 du code pénal, une classification est établie. Les détenues comme voleuses sont séparées de celles qui le sont comme prostituées. Trompé par quelques physionomies jeunes et candides, vous croiriez que ce sont là de pauvres orphelines sans asile ou de jeunes mendiants qui ont tendu la main pourassouvir leur faim; mais si vous interrogez le livre d'écrou, vous saurez que telle qui n'a pas quinze ans est déjà vieille d'expérience dans le vol, telle autre compte autant d'arrestations que d'années. Presque tous ces enfants de la grande ville ont sucé avec le lait de leurs mères le vice et la corruption. Est-ce bien l'enfant qu'on devrait frapper? La société n'est-elle pas plus coupable que lui ? Cette question si souvent agitée devient banale, et cependant bien des générations passeront encore avant qu'on ait trouvé le remède à cette épidémie morale; cependant, il faut le dire, à côté des paroles des utopistes, il s'est trouvé des intelligences saines qui ont accompli de belles œuvres, et ont sauvé quelques victimes dans ce grand naufrage de mœurs.

En présence de tant de maux, on ne peut oublier un nom illus

1 Quelques mots sur une question à l'ordre du jour.

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<< Lorsque l'accusé aura moins de seize ans, s'il est prouvé qu'il a agi sans discernement, il sera acquitté; mais il sera, selon les circonstances, remis à ses parents, ou conduit dans une maison de correction pour y être élevé et détenu pendant tel nombre d'années que le jugement le déterminera, et qui toutefois ne pourra excéder l'époque où il aura accompli sa vingtième année. (Art. 66.)

« S'il est décidé que l'accusé a agi sans discernement, les peines seront prononcées ainsi qu'il suit :

<< S'il a encouru la peine des travaux forcés à temps, de la détention ou de la reclusion, il sera condamné à être enfermé dans une maison de correction pour un temps égal au tiers au moins, et à la moitié au plus, de celui pour lequel il aurait pu être condamné à l'une de ces peines, etc. (Art. 67.)

« Dans tous les cas où le mineur de seize ans n'aura commis qu'un símple délit, la peine qui sera prononcée contre lui ne pourra s'élever au-dessus de la moitié de celle à laquelle il aurait pu être condamné s'il avait eu seize ans. » (Art. 69.)

tre qu'une femme au cœur noble a glorifié encore davantage par les actes nombreux de sa charité. Madame de Lamartine prend la libérée sur le seuil de la prison, lui montre la maison hospitalière que l'aumône a édifiée, elle accorde une place à la jeune fille, à la seule condition qu'elle accepte l'apprentissage d'une profession industrielle, et le jour où la repentie peut suffire honorablement à ses besoins, la porte de ce temple-école s'ouvre et rend au monde celle qui peut désormais marcher d'un pas ferme dans la vie.

C'est là une belle institution; mais l'œuvre isolée d'une femme éclairée et bienfaisante ne suffit pas... Ce noble dévouement mourrait à la tâche. Il faut plus pour guérir cette large plaie sociale.

Nous avons fait l'inventaire moral de Saint-Lazare; son histoire politique aura sa place dans le chapitre réservé à la prison de l'Abbaye. Le drame révolutionnaire s'est joué en même temps sur cette double scène; les épisodes ne peuvent être disjoints.

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IV

LE DONJON DE VINCENNES.

Le premier pas de l'historien, du penseur ou du poëte, sur les dalles du château de Vincennes, éveille en même temps deux mystérieux échos de l'histoire, qui répètent à la fois le grand nom de Condé. Ces deux échos ne se ressemblent guère : l'un retentit

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à nos oreilles comme un coup de fusil : on se rappelle soudain la mort sanglante du duc d'Enghien; l'autre résonne dans le lointain comme un cri de victoire : on se souvient aussitôt de la captivité du prince de Condé, au dix-septième siècle; on croit le voir arroser les fleurs de son petit jardin, en se moquant de ses deux nobles compagnons d'infortune, le prince de Conti qui pleure et le duc de Longueville qui se désole. Le duc d'Orléans disait, à propos de l'infortune de ces trois illustres prisonniers : « Oh ! le beau coup de filet!... on a pris du même coup un lion, un singe et un renard. »

Le lion ne se laissa point abattre aux pieds du chasseur qui l'avait blessé : le prince de Condé appela à son aide la musique, la stratégie, la dévotion et l'horticulture; il fit des plans de bataille... contre la France ou contre les étrangers? Il chanta des psaumes et des refrains équivoques; il jeûna trois fois par semaine, et il cultiva des œillets, les plus vilaines fleurs du monde. On ne parla dans tout Paris que du jardin du grand Condé; la flatterie anonyme écrivait au noble prisonnier : « Vous plantez des lauriers dans le parterre de la victoire.>>> -Une belle dame de la cour, une précieuse sans doute, lui disait le plus ridiculement qu'il lui était possible : « N'oubliez pas de jeter quelques roses parmi vos lauriers. » Mademoiselle de Scudéri lui adressait un madrigal :

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Le donjon de Vincennes au dix-septième siècle... mais, nous n'en sommes pas encore aux prisonniers d'État de Louis XIII et de Louis XIV: nous saluerons un peu plus tard le maréchal d'Ornano, le cardinal de Retz et le ministre Fouquet.

Nous étions à Vincennes durant une belle soirée du mois de juillet de l'année dernière ; c'était bien peut-être le 13 juillet.

Assis au pied de la plate-forme du château, nous pouvions voir se dérouler autour de nous un vaste et magnifique panorama : la Marne et la Seine, Conflans, la succursale mondaine de l'archevéché de Paris, et Bercy, le riche entrepôt d'un vaste commerce, l'avenue de Bel-Air et le cimetière de Saint-Mandé, où repose l'illustre Carrel.

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