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prison du Temple en 1804; il figura comme témoin dans le procès de Moreau, et il se coupa la gorge avec un rasoir le 27 осtobre 1805.

La mort du capitaine Wright inspira aux royalistes et surtout aux Anglais les accusations les plus absurdes et les plus horribles contre le gouvernement de Bonaparte: Le malheureux prisonnier avait subi dans un affreux cachot le supplice de l'ancienne torture; on lui avait brûlé les pieds, en les frottant de graisse et en approchant ensuite des plaques de cuivre rougies au feu, sans pouvoir obtenir de lui aucune révélation; on lui avait coupé successivement, et tout aussi inutilement, un bras et une jambe; enfin le capitaine Wright avait été étranglé1.

C'était l'Angleterre qui accusait ainsi, avec les plus sottes calomnies, la justice du gouvernement de Bonaparte; c'était l'Angleterre qui, du haut de ses affreux pontons, reprochait au premier consul les souffrances fabuleuses d'un prisonnier anglais ! Que signifiait la prison du Temple, à côté de ces pontons anglais, de ces vastes abattoirs où l'on assommait à huis clos les hommes et les principes?... Les pontons anglais! imaginez un gouffre, un abîme, un cloaque immense, tout rempli de sang et de boue; imaginez un supplice perpétuel qui vous empêche de mourir et qui vous empêche de vivre; imaginez l'enfer du Dante, mais l'enfer avec une sorte d'espérance... l'espérance d'être noyé, fusillé ou empoisonné; imaginez des vaisseaux amarrés les uns aux autres, au milieu de vases pestilentielles dont l'exhalaison fétide vous donnait la fièvre tout d'abord, le délire ensuite, et un peu plus tard la pulmonie aiguë, ce mal cruel que les hommes d'État de Londres appelaient en riant, avec une sauvage ironie, le rhume des Français!... En songeant aux pontons anglais, que pensez-vous de la prison du Temple, où un serviteur entrait chaque matin dans votre chambre pour y faire du feu?...

On nous a raconté bien des abominables histoires à propos de la tyrannie de Bonaparte et de Napoléon. S'il faut en croire ces dramatiques souvenirs de la colère et de la haine, le consul-empereur ne savait que tuer des millions de soldats pendant la guerre, et persécuter des millions de citoyens pendant la paix. L'ogre de Corse n'aimait à entendre que le bruit du canon sur les champs de bataille, et le bruit des chaînes dans les cachots de ses prisons d'État. Eh bien! M. Barthélemy Maurice nous a prouvé par des raisons incontestables, c'est-à-dire par des chiffres, que le nombre des prisonniers politiques, pour les quatorze années du consulat et de l'empire, « ne s'élève qu'à 1262, dont il conviendra de re<< trancher au moins la fraction, eu égard au nombre des prison<< niers qui figurent sur les registres des deux prisons d'État. En « outre, ces 1262 ne supposent pas douze cent soixante-deux in<< dividus différents arrêtés, car plusieurs l'ont été deux, trois et <<< quatre fois : Fauche-Borel, entre autres, l'a été cinq fois. »

1 Ces niaises turpitudes ont été recueillies dans un méchant livre, publié en 1814 sous le titre de Histoire générale des prisons sous le règne de Buonaparte.

Voici, d'après les calculs de M. B. Maurice, la répartition officielle des prisonniers politiques, sous le règne de la tyrannie consulaire et impériale :

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Au mois de juin 1808, les prisonniers du Temple furent transportés dans le donjon de Vincennes, suivant un ordre de Fouché, ministre de la police générale de l'empire. Aur nombre de ces détenus, se trouvait le général Malet, cet audacienx conspirateur, qui devait, en 1812, porter la main sur la couronne de l'empereur.

La tour du Temple fut démolie en 1811. A cette époque, les bâtiments qui avoisinaient le donjon furent restaurés, pour recevoir le ministère des cultes. La restauration fit planter des arbustes sur l'emplacement où s'élevait naguère la prison de Louis XVI et de sa famille; un saule pleureur remplaça la dernière pierre de la grande tour.

Louis XVIII institua, en 1815, sur les débris de l'ancienne résidence des templiers, une congrégation religieuse, à laquelle il

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donna pour supérieure une fille du prince de Condé. Les pieuses pénitentes de ce monastère ont prié bien des fois, sans doute,

pour le repos d'un roi et d'une reine de France; elles ont oublié peut-être de prier pour les malheureux chevaliers du Christ, et pour les pauvres prisonniers de tous les temps qui ont souffert dans les tours du Temple.

En creusant, il y a quelques années, de nouveaux égouts dans la rue des Enfants-Rouges, dont le terrain dépendait autrefois de l'enclos du Temple, on trouva un cercueil qui renfermait le corps d'un homme revêtu de l'ancienne robe des templiers. La richesse de l'agrafe qui ornait la chlamide de ce chevalier fit supposer à des antiquaires que l'on venait de découvrir les restes d'un commandeur de l'ordre du Temple; la science osa même affirmer que c'était là le corps de Jehan le Turc; il nous semble pourtant que, sous Philippe le Bel, on exhuma, pour le brûler, le cadavre d'un templier nommé Jehan le Turc. La science est comme tout le monde: elle ne s'avise jamais de tout.

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