XI LES MADELONNETTES. A l'époque où la faiblesse de la police fut appuyée, par ordonnance du roi Louis XV, sur la force militaire, les gardes françaises et les Suisses durent partager les fonctions difficiles du guet et des sergents du Châtelet. Le soldat contraint d'obéir à cette nouvelle consigne prit à cœur de se faire distinguer de l'agent habituel des arrestations, par l'urbanité et la modération avec lesquelles il ac La maison des Madelonnettes, que le peuple regardait alors à tort comme un couvent de femmes perverties qu'on avait contraintes de se faire religieuses, était un asile ouvert par des âmes charitables à quelques victimes de la séduction qui avaient fait un retour sur elles-mêmes. Dans le principe, cette association s'était régie avec harmonie; mais le bon ordre s'étant relâché, les protecteurs de l'œuvre appelèrent des religieuses de la Visitation, et leur donnèrent l'administration de ce cloître-refuge. Les sœurs admirent par la suite des recluses de bonne volonté, d'autres qui y vinrent contraintes et forcées pour y être retenues par ordre supérieur. En 1759 les Madelonnettes reçurent, pour un temps plus ou moins long, un grand renfort de pensionnaires. En cette année parut une ordonnance de police portant défense à toute revendeuse publique et colporteuse, de vendre des fleurs ou bouquets en aucun endroit de Paris, et à tous marchands, bourgeois et autres, de leur donner asile contre la poursuite des officiers de la police. Cette ordonnance peint l'esprit du temps, et les entraves singulières que l'autorité mettait à quelques industries fort inno centes. Ces défenses furent motivées sur les réclamations de la communauté des maîtresses bouquetières de Paris, et sur ce que la ven te des bouquets et fleurs occasionnait des attroupements. Mais ce qu'il y a de plus remarquable, c'est d'y entendre le lieutenant général de police se plaindre de l'opposition apportée par les bourgeois à ce que les agents de police saisissent des marchandises et arrêtent des revendeuses. N'était-ce point chose toute naturelle qu'une pareille résistance? et ne sait-on pas que pour défendre ses plaisirs contre les empêchements de l'autorité, le peuple a, de tout temps, montré une énergie sans égale? Touchez à ses droits politiques, souvent il vous laissera faire; mais n'entamez pas ses fêtes. On a vu des révolutions à propos de la suppression de processions ou de danses; il s'en pourrait faire une à l'occasion des bouquetières. Toujours est-il que, selon l'ordonnance elle-même qui réglementait la vente des fleurs, les archers chargés de faire exécuter cette ordonnance étaient souvent mal |