« Nous ne savons point ni la cause d'une telle sujétion, ni le temps qu'elle commença; bien davantage, nous ne savons pas quand elle a cessé, quoique ç'ait été de nos jours, ou le siècle passé vers la fin. D'ailleurs, nous savons aussi peu comment elle s'observait à Paris; si c'était de même qu'à Toulouse, voici en deux mots comment la chose se passait. « On choisissait un jour qu'il y avait audience en la grand'chambre; ce jour-là, le prince présentait les roses, faisait joncher de roses, de fleurs et d'herbes odoriférantes toutes les chambres du parlement avant l'audience. Il donnait à déjeuner splendidement aux présidents et aux conseillers, même aux greffiers et huissiers de la cour; ensuite il venait dans chaque chambre, faisant porter devant lui un grand bassin d'argent, non-seulement plein d'autant de bouquets d'œillets, de roses, et autres fleurs de soie et naturelles qu'il y avait d'officiers, mais aussi d'autant de couronnes de même rehaussées de ses armes. Après on lui donnait audience en la grand'chambre, puis on disait la messe; cependant les hautbois jouaient incessamment, hormis pendant l'audience, et même allaient jouer chez les présidents durant leur dîner. >>> : << A cela, je puis ajouter trois choses pratiquées à Paris: que celui qui écrivait sous le greffier avait son droit de roses; que le parlement avait son faiseur de roses, appelé lé rosier de la cour, et que les pairs achetaient de lui celles dont ils faisaient leur pré sent. - N'y avait-il pas autour du grand Châtelet une galerie que le luxe des marchands et les visites du beau monde rendaient célèbre? Non; cette brillante galerie n'a rien de commun avec les constructions du Châtelet; elle était située dans la grande cour du Palais, tout près de la Sainte-Chapelle; galerie superbe, en effet, tout à fait à la mode, et que les poëtes du temps n'ont pas dédaigné de chanter. Je me souviens d'avoir lu, au-dessous d'une gravure du dix-septième siècle, les vers suivants, inspirés par le spectacle de la Galerie des Merciers : Tout ce que l'art humain a jamais inventé Ici les cavaliers les plus adventureux, En lisant des romans, s'animent à combattre; Ici, faisant semblant d'acheter devant tous Des gants, des éventails, des rubans, des dentelles, Ici quelque lingère, à faute de succèz, Le Châtelet n'avait-il point sa basoche, aussi bien que le parlement? : - Oui; cette basoche comprenait tous les clercs de la cour, employés par les notaires, les commissaires, les procureurs et les greffiers; elle se qualifiait, même dans les ordonnances, de basoche régnante en titre et triomphe d'honneur. Le jour de Saint-Nicolas, les clercs du Châtelet assistaient à une messe solennelle; ils offraient aux magistrats de leur cour des fêtes et des repas magnifiques; les frais de cette journée solennelle étaient à la charge du domaine. Dans les circonstances extraordinaires, la cour du Châtelet marchait après la cour des monnaies dans l'ordre suivant : Le chevalier du guet, avec ses sergents et ses archers; Le lieutenant criminel de robe courte, avec ses lieutenants, ses exempts et ses archers; Le lieutenant de l'île, avec ses lieutenants, ses exempts et ses archers; Les sergents à verge, tenant à la main un bâton d'azur, semé de fleurs de lis d'or; Les notaires, en bonnet carré et robe de drap; Les sergents à la douzaine, en hoqueton de drap blanc, tanné; Les huissiers audienciers, en robe et bonnet; Le greffier en chef, en robe de camelot noir, doublé de velours; Le lieutenant civil; Le lieutenant criminel; Le lieutenant particulier; Le lieutenant de police, - tous les quatre en bonnet carré et robe rouge; Les conseillers, en robe, comine le greffier; Les avocats et procureurs du roi, en robe rouge; Les substituts, en robe noire; Les procureurs du Châtelet, en robe noire; Les sergents à cheval, avec un guidon, et le clerc de leur communauté ayant à la main un bâton d'azur, semé de fleurs de lis d'or, vêtu d'une robe à manches blanches, et couvert d'une toque de même étoffe. -Quelles étaient les attributions judiciaires du prévôt de Paris, siégeant au grand Châtelet? Le prévôt de Paris rendait la justice au nom du roi; il connaissait de toutes les causes ordinaires, des crimes capitaux et des délits de simple police; il faisait arrêter et emprisonner, par ses sergents, les malfaiteurs, les vagabonds, tous les perturbateurs de la tranquillité publique. Sous le règne de Philippe-Auguste, le prévôt de Paris fut chargé de juger les Israélites, que l'on accusait à cette époque de chercher à convertir au judaïsme des serviteurs chrétiens; de préter à si gros intérêts, qu'ils obligeaient les débiteurs à vendre leurs biens; de profaner les vases sacrés que les églises leur donnaient en gage. Le prévôt de Paris représentait donc le roi, au fait dejustice, et, à cette cause, il avait le droit d'élever un dais au-dessus de son siége. Il était chef de la noblesse, au ban et à l'arrière-ban, sans jamais dépendre des gouverneurs. Il était installé au Châtelet par un président à mortier et quatre conseillers de la grand'chambre. L'on y plaidait, le jour de son installation, une cause que l'on vidait par un arrêt. |