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coustumé, choquant à la porte, vous me fistes respondre que vous estiez chez le Roy. Toutesfois, vous parliez à la Chastre et à quelques autres des noms desquels il ne me souvient, qui avoyent esté des principaux exécuteurs de la Sainct-Barthélemy et du tout serviteurs de M. de Guise, qui me fit croire que vous desiriez plus vous servir de ceste maison que de ceux qui ont eu cest honneur de vous estre plus proches et plus fidèles serviteurs. Le lendemain, ne me voulant de rien rebuter de ce que je savois néantmoins venir de vous, je retourne encores pour vous trouver en vostre chambre, de laquelle vous estiez sortie pour aller chez le Roy. Pensant y entrer, vous commandastes qu'on me dist que le Roy dormoit, encores que, passant par la salle, plusieurs gentilshommes, mesmes de ceux de mon gouvernement, y eussent veu entrer cinq ou six du conseil. Sachant cela, je choque à la porte; lors vous me fistes dire que le Roy ne vouloit pas que j'y entrasse ; qui me fut une grand'honte, mesmes en la présence de tous les gentilshommes qui le virent. Cela estoit suffisant de me mettre en une extreme peine, n'ayant jamais rien sceu qui importast à votre service que je n'en eusse adverty le Roy de Pologne, comme il vous a tesmoigné de La Rochelle et de Vitry. Et vous, madame, estant à Reims, ayant ouy parler de quelque requeste qu'on vouloit présenter à Vos Majestez, je ne faillis incontinent à le vous dire. Cela ne méritoit pas de vous faire concevoir une desfiance de moy, mais au contraire vous convioit à vous y fier.

«Or, voyant que mes ennemis avoyent telle part auprès de Vos Majestez, que pour nul de mes effects vous ne pouviez perdre la desfiance qu'à grand tort vous aviez prinse de moy, je creu certainement que les bruits qu'on faisoit courir, qu'on nous vouloit mal-faire, estoyent véritables. En ceste peur, monsieur le duc, qui n'en avoit pas moins, me contoit les desseins qu'on luy faisoit, et je lui dy les miens en la présence de Thoré. De là Vos Majestez allèrent à Chantilly et puis à Sainct-Germain, où vindrent les nouvelles qu'on avoit failly à prendre La Rochelle; et fut dit tout haut que, si elle eust esté prinse, 'on eust mis prisonnier monsieur de Montmorency et exécuté sur nous la mauvaise volonté qu'on nous porte. Voyant les grandes mesfiances que Vos Majestez avoyent de nous s'accroistre tous les jours, et recevans beaucoup d'avertissemens tous nouveaux qu'on nous vouloit mesfaire, cela fut cause que monsieur le duc se résolut, pour s'oster de ce danger et pour l'asseurance de sa vie, de s'en aller, où je luy promis de l'acompagner, et de là m'en aller en mon pays, tant pour ma seureté que pour donner ordre en Béarn et Navarre, où pour mon absence je ne suis nullement obéý. Et lorsque nous estions, pour l'asseurance de nos vies, sur le point de nous absenter de la présence de Vos Majestez, avint que vous en fustes advertis, et nous appellastes en vostre cabinet, où nous vous dismes tout ce que nous savions. Alors vous nous asseurastes de nos vies, et nous distes que le Roy y donneroit si bon ordre que nous n'aurions cy-après occasion de nous plaindre.

‹ Depuis, estans aux fauxbourgs Sainct-Honnoré nous eusmes les mesmes alarmes qu'auparavant, et disoit-on que nous serions menez prisonniers au bois de Vincennes. Alors le vicomte de Turaine arriva de la part où vos Majestez l'avoyent envoyé, lequel nous conferma les mesmes occasions de peur et de crainte, et nous mit devant les yeux le danger où nous estions de nos vies; qui fut cause que M. le duc m'envoya, dire par la Vergne et Montegu qu'il estoit résolu de se retirer pour ces mesmes raisons; ce qu'entendant je déliberay de partir pour l'acompagner, et de là me retirer en mes pays, pour les mesmes raisons que j'ai cy-devant dites. Voilà, madame, tout ce que je sçay, et vous supplie très humblement de considérer si je n'avois pas juste et apparente occasion de m'absenter, et qu'il plaise au Roy et à vous me vouloir doresenavant faire tant de bien et d'honneur de me traitter comme estant ce que je vous suis, et qui n'ay autre vouloir que de vous estre à jamais, à tous deux, très humble, très obéissant et très fidèle serviteur.»

Déposition de Yves de Brinon (14 avril).

Yves de Brinon, aagé de quarante ans ou environ. après serment par luy fait, a dit qu'il y a environ trois sepmaines qu'un serviteur, jadis sien et maintenant à la Nouë, s'adressa et dit à luy déposant qu'il avoit à avertir le Roy d'un gentilhomme nommé Vaufenin, qui avoit esté au feu amiral et de présent estoit escuyer de M. le duc, lequel Vaufenin alloit et venoit, par le commandement dudit seigneur duc, vers les ennemis du Roy, pour faire des menées et pratiques. Lors luy déposant s'adressa à un nommé le sieur de Grandchamp (1), et luy dit, en la maison où estoyent logez le comte de Coconnas et la Mole, près le bout du pont Sainct-Michel, qu'il avoit un homme qui pouvoit faire service au Roy et descouvrir les menées de ses ennemis. Grandehamp lui dit qu'il n'estoit pas besoin de se haster, mais de voir quelle issue prendroyent les afaires. Quelques jours après, le déposant dit à Grandchamp que le personnage qui luy

(1) Guill. de Grandrye, seigneur du Grandchamp, chambellan du duc d'Alençon.

donnoit advertissement estoit pressé de s'en aller vers la Nouë, à qui il estoit, et qu'il déposant vouloit s'aider de ce personnage pour le service du Roy. Lors Grandchamp lui fit response qu'il laissast ceste entreprise, et qu'il n'y alloit que de la vie, pource qu'il ne pourroit jamais approcher jusques au Roy pour lui donner advertissement; mais s'il vouloit tenir le party de M. de duc, l'asseuroit de luy faire donner tel estat en sa maison qu'il voudroit, et le feroit participant au butin de quatre cens mil escus qu'ils auroyent bientost à la prinse d'une ville aussi bonne que Rouen. Lors luy déposant, voulant passer outre en ce propos et s'attendant de descouvrir autres choses puis après, fréquentoit ordinairement avec Grandchamp et voyoit ordinairement plusieurs gentilshommes, et autres venir parler à luy, entre autres un qui l'accompagnoit ordinairement, nommé la Nocle, ensemble le comte de Coconnas. La Nocle ne vouloit que luy déposant entendist leurs afaires, parmi lesquelles estoit meslé un nommé la Vergne et le vicomte de Turaine. Depuis, le sieur de Grandchamp, ayant opinion queluy déposant pourroit servir en quelque chose, commença à luy dire, le dimanche précédent celuy des Rameaux, estans sur les rempars près le moulin à vent des PetitsChamps, que le Roy avoit envoyé quérir une dispense pour faire mourir M. le duc, et qu'il délibéroit se retirer et eschapper ce danger; ce que Grandchamp affermoit estre vray, et, en continuant de jour à autre, communiquoit des afaires secrettes audit déposant, lesquelles se traitoyent au conseil de M. le duc, ès maison de la Nocle et la Mole. Ce qui estoit délibéré en ce conseil estoit puis après apporté entre eux, tellement qu'ils adjoustoyent leurs opinions et faisoyent estat que, après avoir impatronisé M. le duc du royaume de France, ils tiendroyent pour

eux les villes qu'ils auroyent prinses pendant les guerres. Faisoyent aussi estat d'exterminer le Roy, la Royne, et tous ceux de la maison de Guise; s'associoyent de la maison de Montmorency et du sieur Strosse, lequel avoit promis à Grandchamp douze compagnies de gens de pied pour les guerres qui se présenteroyent, dont il en avoit jà livré une commission à un nommé Berthaucourt, pour le capitaine Tourtay. Et lorsque M. le duc se retiroit à Paris pour tenir conseil sur tels afaires, c'estoit sous couleur de venir gouverner certaines dames de la cour. Et ce qui estoit arresté au conseil estoit rapporté au déposant par Grandchamp; et n'y avoit encor résolution du temps de l'exécution, à cause d'une somme de deux cens mil livres qui estoit affectée au voyage; et attendoit-on M. de Mande, chancelier de M. le duc. Depuis on pratiqua certains Italiens, sans que on les luy nommast, qui avoyent promis bailler six mil escus audit sieur duc, dont on bailloit deux mil pour le payement de certains hommes retenus pour le fait de l'exécution, mil escus pour la Nocle, et mil escus pour le sieur de Grandry, lequel promettoit (au moyen d'un certain secret qu'il disoit avoir) convertir l'argent en or pour fournir aux frais qu'il conviendroit faire en toutes les guerres. Avoyent par entre eux départi les estats de France; Grandry devoit estre grand-maistre, la Nocle grand-chambellan, Grandchamp sous-chambellan, la Mole maistre degarderobe, et M. de Montmorency lieutenant-général.

Le déposant, voyant que le terme de l'exécution préparée approchoit, voulant en avertir Sa Majesté, le dimanche des Rameaux au matin s'en alla vers M. le premier président pour luy communiquer de cest affaire, lequel premier président luy conseilla de s'en aller vers le Roy et l'instruire de tout; ce qu'il fit aussitost, délibérant

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