jusques à minuict passé, et là interrogué et enquis de plusieurs poincts, mesmes contraint d'enseigner certaines lettres, papiers et autres choses d'importance avant que mourir; et dit-on encores qu'avant qu'estre frappé on luy mit une corde au col, qu'on serra pour l'estrangler et garder de crier. Mais celuy qui a récité ce que dessus, à savoir qu'il fut tué bien tost après qu'il fut sorty de son logis, dit l'avoir ouy dire aux archers mesmes qui estoyent à sa mort. Sa femme, qui ne pensoit rien moins que la mort de son mary, voyant qu'il n'estoit retourné le soir en son logis, va le lendemain parler au sieur de la Chastre, se jette à genoux devant luy, et avec grand pleur prie qu'on luy rende son mary, et qu'elle abandonne tout son bien; response luy est faite qu'il s'est sauvé, et qu'on est bien marry de cela, pour le doute qu'on a qu'il n'ait mal, et que plustost il se devoit fier en la promesse que on luy avoit faite que ne bougeant il n'auroit point de mal. Or, on parle diversement de ceste mort du bailly Johanneau; car comme ainsi soit que le sieur de la Chastre eust non-seulement juré en général (comme portent les articles), mais aussi promis de ne recercher personne en particulier, aucuns disent que cela n'est point venu deluy, mais qu'à la poursuite de quelques gentilshommes du pays, et autres qui luy en vouloyent, on l'a fait ainsi mourir. Toutesfois plusieurs trouvent merveilleusement estrange que cela se soit fait ledit sieur de la Chastre estant encores à la ville et logé à cent pas près du lieu où il fut tué, et doute-on qu'il ne se soit ressenty de la mort de son tabour, qui luy fut retenu et tué dans la ville durant le siége (comme il a esté dit cy-dessus), car il en a esté tousjours merveilleusement fasché. Ce bailly Johanneau (commej'ay dit cy-devant) avoit jà : esté esleu gouverneur de la ville de Sancerre (d'où il estoitnatif) aux autres troubles, et, comme le plus propre, avoit encores esté continué et remis en ceste charge ceste dernière guerre. Et de fait, il estoit homme grave, ayant l'entendement bon, comprenant bien un faict, et ayant acquis une merveilleuse authoritéentre les habitans du lieu et en ceste ville-là, les afaires de laquelle il conduisoit entièrement; brief, il estoit des premiers de sa robbe. Cela avoit-il qu'il estoit trop particulier en son opinion et n'expédioit pas assez tost les afaires concernans la guerre, tellement que les capitaines luy ont souvent dit que Mars ne se manioit pas à la façon de Bartole. Le quatorziesme, le sieur de la Chastre alla à Bourges, où l'artillerie joua à son arrivée, et fut receu comme victorieux de la ville de Sancerre, laquelle cependant ne fut pas prinse par assaut, canon, ni force d'armes, mais par famine, et encores sous l'asseurance d'une paix avec les autres de la religion. Le second jour d'octobre, Pierre de la Bourgade, ministre de la parole de Dieu, et sa femme sortirent de la ville, et furent conduits par un soldat nommé le Suisse, que les assiégez avoyent tenu prisonnier, et estoit un de ceux qui eschappèrent à la surprinse du chasteau (comme il a esté veu du commencement), jusques au-delà du bourg de Menétréol, distant d'un quart de lieue de Sancerre, où, après leur avoir demandé la bourse, qu'ils baillèrent volontairement, ils furent tuez l'un après l'autre (le mary le premier) à coups de pistoles; puis, achevez de massacrer de coups d'espées et dagues, furent jettez en la petite rivière appelée la Vauville, qui passe audit lieu. Ils emmenoyent avec eux une petite fille allemande, aagée d'environ six ans, qu'ils nourrissoyent pour l'honneur de Dieu, la tenant comme leur fille, d'autant qu'ils n'avoyent point d'enfans; laquelle, ayant veu ce piteux spectacle, s'en retourna à la ville bien esplorée, où elle récita ce que dessus, et comment ses père et mère (ainsi appelloit-elle la Bourgade et sa femme) avoyent esté tuez de ceste façon. Cependant que ces choses passent et que les paysans, qui furent mandez de dix ou douze lieues à la ronde, démanteloyent et ruinoyent Sancerre, le bailly de Berry, qui y avoit esté laissé et estably gouverneur, le capitaine Durbois, sa compagnie, une enseigne des vieilles bandes, et autres du pays qui y demeurèrent, pillèrent plusieurs logis jusques aux meubles de bois, surtout où ils trouvoyent les maisons vuides ou bien n'estoyent traitez à leur appétit, vendirent le tout à vil prix, et firent charrier fort grande quantité et la plus grand' part des biens et meubles de Sancerre (qu'on avoit rachetez de quarante mille francs) à Cosne, aux autres villes et villages voisins. Outre cela, les pauvres gens qui estoyent retenus par force et demeurez parmy ceste désolation, pensans sortir de la ville, furent pour la pluspart rançonnez. Qui plus est, le bailly de Berry, pour espuiser les pauvres Sancerrois de fond en comble et leur oster tout moyen de se pouvoir jamais relever ni mettre sus, les accablant du tout avec les murailles et maisons de leur ville, fit deux ou trois tailles montans à grandes sommes, lesquelles il a falupromptement trouver, et entre autres une de dix à douze mille livres tournois, en laquelle la pauvre vefve de Johanneau, jà affligée au possible, principalement de la mort de son feu mary, a esté taxée et cotisée à douze ou treize cens livres tournois. Brief, les habitans naturels de Sancerre, et plusieurs de ceux qui en estoyent retirez, n'ont pas seulement perdu leurs TOME VIII. 6 meubles, mais ont esté contrains pour la pluspart vendre et engager leurs héritages, et sont entièrement demeurez apauvris. Mais le principal est qu'ils sont aussi privez des biens spirituels, par la ruine et dissipation de leur église, laquelle avoit fleury dès si long-temps au milieu et comme au centre de la France, l'idolatrie et les superstitions, qui en estoyent comme bannies, y estans maintenant establies, et plusieurs menacez et contraints d'y assister contre leur conscience. Et comme ainsi soit que le chasteau dudit lieu n'ait pas esté démoly, on y a mis vingt-cinq ou trente soldats en garnison, aux despens des habitans, desquels par ce moyen on achèvera de succer le sang et la moelle. Voilà l'estat déplorable de la pauvre ville de Sancerre, jadis refuge et retraite de beaucoup de pauvres fidèles et enfans de Dieu, fugitifs et chassez pour sa parole, laquelle a subsisté, tenu et enduré autant, pour la doctrine du Fils de Dieu, que ville ni place qui ait jamais esté, comme on peut juger par les choses susdites. LE TVMVLTE DE BASSIGNI, APPAISE' t esteinct par l'auctorité, conseil, et vigilance de Monseigneur le Cardinal de Lorraine. ENSEMBLE LA REPRISE DV chasteau de Choiseul par l'armee du Roy, Jean Par I. Lebon Hetropolitain, medecin de |