Telles sont les principales richesses que possède encore l'ancienne librairie des ducs de Bourgogne (1). Philippe légua à son fils naturel, Raphael de Marcatellis (2), le goût qu'il avait pour les livres. Nous terminerons ici cet aperçu de l'ancienne librairie de nos princes, et, après avoir parlé de l'éducation particulière du comte de Charollois, nous toucherons un mot de l'éducation publique. L'université de Louvain avait été fondée par le duc de Brabant Jean IV, à la sollicitation d'Engelbert de Nassau (3) qui appartient à une famille à laquelle la Belgique doit aujourd'hui le système d'instruction le plus sage et le plus libéral qu'il y ait peut-être en Europe, système qui confie la surveillance des études à une représentation des pères de famille, et qui laissant toute liberté pour le bien, est assez fort pour réprimer sans secousse et sans scandale les moindres tentatives de la licence. Philippe-le-Bon fit peu de chose en faveur de cette université, si ce n'est qu'il obtint d'Eugène IV qu'on y enseignerait la théologie, et qu'il ratifia les lettres patentes de son prédécesseur, en y ajoutant la défense à toutes personnes d'acheter ou de prendre à gage aucun livre ou ustensile des écoliers, sans le consentement du recteur (4). Celui-ci jouissait d'une considération égale à son pouvoir, il avait même le droit de commuer la peine (1) V. La danse aux aveugles et autres poésies du XVe siècle extraites de la Bibl. des ducs de Bourg. Lille, 1748. On y lit, p. 208, le Traittiet du malheur de France, dont le Disc. prél. de Vander Vynckt contient un extrait. (2) SANDERUS, Fland. illust. T. I, p. 303. DOM PLANCHER, Hist. de Bourg. T. IV, p. 351. (3) Il était l'aïeul de celui dont il est question plus haut. (4) VAL. ANDR. Fasti Acad. p. 15. de mort contre ses justiciables; de plus il prenait le pas sur les prélats et les princes, et l'on prétend même que l'empereur Charles-Quint donna la droite au recteur Ravestein; ce qui rappelle que le modeste Rollin se regardait comme obligé, pour l'honneur des lettres, à disputer la préséance au premier président du parlement de Paris. Parmi ceux qui furent revêtus de la dignité de recteur, à Louvain, on distingue Denis de Montmorency, Nicolas Everaerts, père de Jean Second, Jean de Groesbeck, et le pape Adrien VI (1). Dans les occasions difficiles, les princes aimaient à s'éclairer des lumières de ce corps savant ou à revêtir leurs actes de son suffrage. Lorsque les poursuites dirigées contre les Vaudois d'Arras indignaient tous les honnêtes gens, on chercha à justifier ces cruautés en les scellant de l'approbation des docteurs; une députation se rendit à Bruxelles aux dépens des prisonniers. Le duc «< envoya » en la ville de Louvain en Brabant, ou il y a université » très renommée et des très notables clercqs, querir » tous les plus grands clercqs qui y fuissent et leur com→ » manda de venir a Bruxelles (2); » d'autres personnes réputées instruites, leur furent adjointes. « De ce qu'ils » convenoient ny de leurs opinions, je ne peus rien sa» voir, avoue Du Clercq, car, comme on disoit, ils ne >> furent pas bien unis ensemble. » C'est assez l'habitude savans, mais il faut ajouter, pour leur honneur, qu'il y en eut qui revoquèrent en doute la réalité des accusations dont les Vaudois étaient l'objet (3). Ce jugement qui nous paraît si naturel, était alors un prodige de raison. des (1) Suppl. aux Trophées de Brab. T. II, p. 386. (2) T. III, p. 49. (3) Ib. P. 50. TOME J. 9 Ce fut un Belge, Jean Wesselus Gransfortius, de Groningue, qui réforma l'université de Paris, sous Louis XI. Ce cordelier s'était acquis la connaissance d'Aristote et de quelques auteurs grecs, par ses voyages au Levant; il fit publier l'édit contre les nominaux (1), qui semblent avoir saisi le point de vue autothétique ou transcendental de la philosophie, et avoir pressenti les doctrines allemandes modernes. L'édit contre les nominaux ou terministes ne fait pas honneur à la philosophie de Wesselus, quoi• qu'on le surnommât la Lumière du monde, et qu'il ait mérité d'être appelé par Oudin le précurseur de Luther (2). Comme nous avons traité ailleurs des livres classiques en usage à cette époque, ainsi que des écoles les plus célèbres, nous éviterons de fastidieuses répétitions. Il est temps d'ailleurs de mettre fin à ce discours préliminaire déjà trop prolixe. Nous le ferons en tirant de ce qui précède une nouvelle conclusion en faveur de ce bon siècle de fer. Qu'on nous permette d'emprunter les paroles de Montesquieu. « Platon remerciait le ciel de ce » qu'il était né du temps de Socrate, et moi je lui rends » grace de ce qu'il m'a fait naître dans le gouvernement » où je vis et de ce qu'il a voulu que j'obéisse à ceux » qu'il m'a fait aimer. » (1) Add. à l'hist. de Louis XI, éd. de Commines, Brux. 1723, T. III, P. 91 PHILIPPUS BONUS. MONSTROLIUM patri facturus justa subegit, Quo neque læta diù, neque lecto juncta priori, Quod salis insuetum vectigal solvere nollent, Ante fatigatis quàm scripsit fœdera Gallis, Esonides olim quùm Colchidis aurea terræ BIBLIOPOLA quidam reddidit mihi Davidis quondam Ultrajectini præsulis galerum, villis hirsutum sericis, mihi quidem nulli futurum usui, sed tamen hoc nomine gratum, quod mihi cùm ipsius, tùm Philippi fratris ejus, qui illi in dignitatem successit, memoriam refricat; sub quorum altero sacris initiatus sum, alterum habui singulari studio meis faventem commodis: qui et annulum insigni saphiro decoratum, germani Davidis olim gestamen, ceu μμóv quoddam penes me esse voluit. Utriusque certè memoria mihi sacrosancta est, non tantùm ob id, quod imaginibus magnum illum Philippum patrem, cognomento bonum nobis referebant ; quo non temerè reperias alium inter Bra. bantiæ duces laudatiorem, verùm etiam quod studio pacis et religionis amore præcelluerunt, in hoc quoque laudatissimum parentem nobis referentes. ERASMUS, oper. ed. Cler. Epist. contra quosdam qui se falso jactant evangelicos. T. IX, 1573, A. B. |