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» lui fort sanglant, se retira à eulx comme au milieu du >> champ. >> etc. Enfin n'est-ce pas à Commines que Walter Scott doit les traits les plus vifs du tableau des emportemens de Charles-le-Téméraire, des terreurs et des mences de Louis XI à Péronne?

Jacques Du Clercq confirme les faits rapportés par les historiens que nous venons de citer, ou conserve des particularités qu'ils ont omises; telles sont celles relatives aux persécutions qu'éprouvèrent les prétendus Vaudois, où le comte d'Étampes joua un rôle si odieux, et qui retombèrent principalement sur les membres du corps municipal dont l'indépendance et l'attachement pour leurs priviléges étaient les véritables crimes, et sur des citoyens opulens dont on convoitait la dépouille. Les personnages qu'il met en scène ont le caractère qu'on leur connaît, quelquefois il est placé dans un nouveau jour.

Il existe entre Louis XI et Tibère plus d'un rapport. Tous deux eurent une jeunesse dissolue; l'un fit à Genappe ce que l'autre avait fait à Rhodes. Amis du pouvoir réel et affectant d'en mépriser les dehors, cruels, actifs, railleurs, superstitieux, ils donnèrent à leur mort le même spectacle. Caprée était une retraite semblable à celle du Plessis-lez-Tours. La Balue tomba comme Séjan; le duc de Guyenne périt comme Germanicus. Mais Louis avait des desseins plus vastes et qu'il poursuivait avec plus d'habileté. Grand besogneur en négociations et en rompemens de foi, après avoir négocié pour s'agrandir, dit un homme d'esprit (1), il trompa parce qu'il avait négocié; il tua, parce qu'il avait trompé, et le plus familier de tous les rois en devint le plus sombre...

(1) Courrier Français, 16 juillet 1823, article signé M.

Sa popularité était moins l'amour des petits que la haine des grands : les idées chevaleresques qui dominaient encore ceux-ci lui coûtaient trop à combattre; il ne fallait point tant de façons avec des gens qu'il tirait des dernières classes de la société. Mais s'il était le roi bourgeois, le duc de Bourgogne représentait le souverain féodal. Qui l'eût cru pourtant? Le prince qui accueillait le mieux les nobles fut aussi celui qui porta à la noblesse le coup le plus funeste, en la conférant pour de l'argent, exemple qu'avait déjà donné en France Philippe-leBel (1); c'est ainsi que l'inconséquence a quelquefois l'air d'une politique profonde et en recueille le fruit.

Du Clercq n'apprend pas seulement à connaître les personnes, mais les coutumes, les moeurs et quelquefois les institutions; pour en convaincre le lecteur, nous avons réuni les détails de cette nature qu'on trouve épars dans ses Mémoires, et nous avons tâché de donner ainsi une idéo de l'état de l'Église, de l'armée, de la cour et des lettres, aux Pays-Bas, durant les vingt années dans lesquelles il s'enferme. Nous commencerons par le clergé qui s'arrogeait le premier rang.

Les mœurs de ce clergé étaient scandaleuses. On lit souvent, dans les anciennes poésies, des plaintes énergiques contre ses débordemens. Guyot de Provins s'écrie dans sa Bible:

Corz de Rome, come estes toute
Plaine de pechiez criminax,

Il n'est nul tant desloïax.

(1) Flandriæ Generosa suppl., p. 119, et plus bas où nous avons cité tout le chapitre consacré à Philippe.

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Dans les cent nouvelles nouvelles, les meilleurs tours sont ceux des moines et des prêtres. Un fabliau traduit par Legrand d'Aussy, contient une fiction assez ingénieuse et qui sert de complément à ce que dit Guyot de Provins: «Dieu, quand il eut créé le monde, y plaça trois espèces d'hommes, les nobles, les ecclésiastiques et les vilains. Il donna les terres aux premiers, les décimes et les aumônes aux seconds, et condamna les derniers à travailler toute leur vie pour les uns et les autres. Les lots ainsi faits, il se trouva néanmoins encore deux sortes de gens qui n'étaient pas pourvus; c'étaient les méné→ triers et les catins. Ils vinrent présenter leur requête à Dieu et le prièrent de leur assigner de quoi vivre; Dieu alors donna les ménétriers à nourrir aux nobles, et les catins aux prêtres. Ceux-ci ont obéi à Dieu, et rempli avec zèle la loi qu'il leur a imposée; aussi seront - ils sauvés incontestablement. Mais quant aux nobles qui n'ont eu nul soin de ceux qu'on leur avait confiés, ils ne doivent attendre aucun salut (3). »

(1) Ils boivent et mangent avec excès, ils surmangent, ils surboivent. (2) Recueil de Mr Méon, T. II, pp. 330, 334. (3) Fabliaux ou Contes, T. II, p. 117.

Nous parlerons ailleurs de Jacques de Croy, évêque de Cambrai, qui fixait des legs pour ses bâtards existans, et tenait une somme en réserve pour ceux qu'il pourrait avoir par la suite (1). En ce temps, dit Du Clercq, c'est-à-dire en 1460, au pays de Liége, en la ville de Dynan, queyerent si grandes eauwes, qu'une partie d'une abbaye estant en icelle ville et plusieurs edifices furent abbatus, et mesme l'abbé d'icelle abbaye, estant en sa chambre avec une femme qu'il tenait en concubinage, furent tous deux emportés et noyés en l'eauwe, et avec eulx plusieurs moisnes et aultres hommes et femmes (2). Ailleurs c'est un jeune prêtre, exerçant les fonctions saintes de pasteur et qui, trop dissolu, tant en luxure que aultrement, se dérobe long¬ temps à la justice de son évêque, célèbre les mystères malgré la sentence d'excommunication dont il était atteint; et quant il disoit la messe, mectoit assez près de l'autel emprès lui, ung bon espieu de fer trenchant, qui estoit baston de guerre, pour se deffendre, si aulcuns le fuissent venus querre, et avoit garni et boulloverquié sa maison (3). Ce ne sont là que des faits particuliers. Du Clercq va faire une observation générale, et notez que ce n'est pas un esprit fort qui triomphe des désordres de l'Église, mais un écrivain religieux qui s'en afflige.

« Le xvR jour d'aoust, l'an dessus dit mil iiij xiiij, » cloist son dernier jour le pape Pius, et disoit-on que » a l'heure de sa mort, autour de Rome et ailleurs, les » vignes, les arbres et aultres biens de terre feurent

(1) T. IV, p. 316.
(2) T. III, p. 35.
(3) T. III, p. 28.

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>> fouldroyés par tempeste d'orage, et mourut icelluy pape, comme on disoit, de mort diverse et en grand » dangier pour son ame, et en parloit-on en mauvaise>> maniere; et aussy, au vrai dire, au temps dudit pape » Pius et devant, tout alloit très mal en l'Eglise, car » les benefices estoient donnés à la requette des princes » et sieurs ou par forche d'argent, et avoit ung cardinal » ou ung evesque plusieurs benefices; par especial les » cardinaulx tenoient en commanderie (1) vingt ou » trente que evesquiés, que abbayes, que priorés con» ventueulx, et n'y avoit nul preslat esleu par les » colleges ou couvents; plusieurs fils de princes on fai» soit archevesques ou evesques sans estre prestres, et » tenoient abbayes en commanderie, et en ce temps le » plus de gens d'Eglise, les grands jusques aux moindres » mendians et aultres, estoient sy abbandonnés et sy >>oultrageulx en orgueil, luxure et convoitise, qu'on » ne polroit plus dire: en ce passoient oultre mesure » toutes gens seculiers (2). »

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Ailleurs reviennent les mêmes doléances: « Lors c'es>> toit grande pitié que le pechié de luxure regnoit moult » fort, et par especial es princes et gens marriés; et >> estoit le plus gentil compagnon qui plus de femmes >> sçavoit tromper et avoir au moment, qui plus luxu>> rieulx estoit; et mesme regnoit encore plus icelluy » pechié de luxure es preslats de l'Eglise et en touts » gens d'Eglise (3). »

Il eût été raisonnable que ces ministres du ciel, si enclins aux faiblesses de la terre, eussent montré pour

(1) Commande.

(2) T. IV, p. 65. (3) T. II, p. 204.

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