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» Laquelle justice feit cesser que on n'osat plus les femmes >> violer; car le comte aussy avoit juré que touts ceulx

qui violeroient femmes, FUISSENT NOBLES OU NON NO>> BLES, qu'il les feroit mourir (1). » Cette rigueur était à sa place, mais quelquefois elle dégénérait en férocité. Souvent le comte frappait ses gens d'armes et «menaçoit » de faire mourir prestement dès qu'ils ne faisoient a sa » vollonté, et pour peu de chose, comme on disoit; il >> tua un archier, pour ce qu'il ne se tenoit pas bien en >> ordonnance, et s'y n'estoient pas devant leurs ennemys; » pour telles choses et moindres, plusieurs en blessa et >> navra, et mesme ferit plusieurs nobles hommes et >> hommes d'armes, et n'y avoit sy grand homme ne ar>> chiers qui ne le crenissent, et n'y avoit point tant d'a» mour que de crevecoeur (2). » Dans un autre endroit Du Clercq dit encore: « Il n'y avoit sy grand sur qui il » n'euist frappé de quelque baston qu'il tenist, quant il >> les trouvoit en desroy, ou qu'ils ne faisoient ce qu'il >> commandoit, et n'euist epargné de faire mourir, en >> cas de desobeissance, NON PLUS LE GRAND QUE LE PE» TIT (3). » Ce fut peut-être cet emportement qui occasionna sa mort ; en effet quelque temps avant la bataille où il perdit la vie, il avait insulté Nicolas de Montfort, comte de Campo-Basso, dans le royaume de Naples, en lui appliquant un soufflet avec son gantelet. On n'ignore pas que Campo-Basso passa du côté des ennemis ; mais il est vrai qu'il trahissait déjà son maître avant d'en avoir été outragé. Louis XI lui-même en avait averti Charles qui refusait de le croire. D'après une tradi

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(1) T. IV, p. 278.

(2) T. IV, p. 262.

(3) T. IV, p. 239.

TOME I.

tion populaire dont Waller Scott a tiré parti en la rectifiant, Commines, dans sa jeunesse, se trouvant à la chasse avec le comte de Charollois, le prince lui avait dit de lui tirer ses bottes; Commines, abusant de la familiarité qui régnait entre le comte et lui, avait réclamé ensuite le même service de sa complaisance; le prince, mécontent de ce manque de respect, l'avait frappé de sa botte à la tête, d'où lui était resté le surnom de téte bottée (1). Le mouvement de colère du comte de Charollois paraît naturel; l'indiscrétion attribuée à Commines n'était pas dans son caractère mesuré, et Walter Scott l'a senti.

La terreur que Charles inspirait retenait les soldats, quoiqu'ils fussent mal payés; on prétendait que le maréchal de Bourgogne dérobait quelquefois une partie de l'argent destiné aux troupes. Aussi le duc Philippe s'écria-t-il un jour dans un accès de fureur: « Qu'esse-cy? Jamais je ne >> croirai personne a payer més gens d'armes, que je ne les >> fasse payer moy mesme : suis-je donc mis en oubly (2)?» C'étaient les provinces qui en souffraient. Durant la guerre contre les Liégeois, les gens d'armes, malgré la crainte que leur causait le fils du duc, «< tenoient, pour ce qu'ils » ne pouvoient entrer au pays de Liége, moult grande

cruauté, car ils ne se pouvoient tenir ensemble sans » argent; sy se partirent par le plat pays de Braband, » Namur et ailleurs, et y en avoit jusques au pays de » Lorraine, et jusques a Vallenciennes ; pourquoi les dits

pays, par iceulx quinze jours durants, feurent encore » tout pilliés et mangiés (3). » Heureusement pour le duc

(1) Biogr. Univ. T. IX, p. 349.

(2) T. IV, p. 261.

(3) T. IV, p. 247.

de Bourgogne que ce vice était alors général, car avec des forces peu nombreuses mais régulières, il eût été facile d'exterminer ces bandes éparses. Charles VII avait dû néanmoins ses succès contre les Anglais à l'établissement d'un corps entretenu sous les armes, ou des francs archers. « Icelluy roy Charles ordonna en son royaume » xvc hommes d'armes et v a vjm archiers, lesquels il >> meit es frontieres du royaume par especial du costé » des Anglois, lesquels gens d'armes estoient payés aux » despens de ses pays, et y avoit certaines tailles et im» positions, que touts ceulx de ses pays payoient, s'ils » n'estoient clercqs, nobles ou privilégiés, dont on payoit » les gages des gens d'armes, et avoit chacun homme >> d'armes a trois chevaux, pour le mois quinze francs, » xvj sous monnoye royale pour le franc, qui valloient » onze couronnes et demi d'or ou environ.; et pour cha>> cun archier vij francs et demi pour le mois, monnoye » dite, et estoient très bien payés (1). »

Les gens d'armes dont chacun, avec les archers, le coustillier et le page formait une lance fournie, étaient convoqués à jour fixe, personnellement ou sous la bannière et le pennon de leurs seigneurs, à peine de la hart, de la confiscation de corps et de biens ou du bannissement. Dès qu'ils étaient réunis on faisait une montre ou revue générale et l'on entrait en campagne.

L'armée assemblée en 1464 était de 1400 lances, 8000 archers et « le demourant crannequiniers, coulevriniers, >>coustilliers et aultres gens de guerre, sans les compa>> gnons qui gardoient le carroy, qui estoit grand nom~» bre; chacun portoit un maillet de plomb (2). » Les

(1) T. III, p. 140. HENAULT, Abr. chr. à l'an 1445.

(2) T. IV, p. 139.

ordonnances militaires du duc Charles qui parurent plus tard, nous apprennent au juste l'équipement et la discipline de ses troupes, que l'on peut voir aussi dans le père Daniel. Les hommes d'armes, de trails, ou portant piques, obéissaient à l'homme d'armes sous qui ils étaient ordonnés, et les hommes d'armes ensemble et leurs gens de traits et piquenaires obéissaient aux chefs de chambre, dizeniers et conductiers sous qui ils étaient distribués par les commissaires du duc.

Les conductiers ou capitaines devaient veiller à ce que tous les gens de guerre de leur compagnie logeassent avec leurs chefs de chambre, et à ce que l'ordre se maintînt dans la distribution des vivres ainsi que durant la marche, sans que les dizaines et leurs subdivisions se confondissent. Telle était la hiérarchie observée dans la milice per-manente du duc Charles, qui se composait de 1250 hommes d'armes, dont chacun avait sous lui trois archers à cheval, un arbalétrier, un coulevrinier et un piquenaire à pied, tous gens choisis. L'homme d'armes devait avoir un harnais complet et être monté de trois chevaux, dont le moindre valût trente écus. Il était tenu d'avoir au moins une selle de guerre et un chanfrein (1) orné .de plumes blanches et bleues comme la salade ou le casque, ce qui tenait lieu d'uniforme et d'autres signes de reconnaissance. « Le coustillier, dit l'ordonnance de 1471, » sera armé par devant de placquart blanc à tout arrest, >> et le derrière sera de brigandine (2), et s'il ne peut >>> trouver le dit habillement, se pourvoye de corset

(1) Le chanfrein qui était ou de métal ou de cuir, servait d'arme défensive au cheval, il lui couvrait la tête par-devant, et c'était comme une espèce de masque qu'on y ajustait.

(2) Voy. plus bas.

» blanc à tout arrest: et s'il ne peut recouvrer que » brigandines pour la première monstre, soit fourni >>> d'un placquart dessus à tout arrest, et sera l'un des » trois habillements souffisant pour ledit coustillier. » Son habillement de tête sera d'une bonne salade et » d'un gorgerin ou houscou, aura petit garde-bras, » avant-bras, gantelets ou mitons (1), selon l'habille»ment du corps qu'il pourra recouvrer, et aura aussi » bonne javeline a façon de demy lance qui aura poi» gnée et arrest de lance, avec une bonne espée de » moyenne longueur, qui soit destre et de taille pour » soy en aider à une main, et bonne dague à deux tail» lans d'un pied d'alemelle.

» L'archer sera monté sur un cheval de dix escus du » moins, habillié d'un jacque (2) a hault collet en lieu de » gorgerin (3) a tout bonnes manches, haubergerie (4) >> dedans ledit jacque, qui sera de douze toiles du moins, >> dont les trois seront de toile cirée, et les autres neuf » d'autres toiles communes; aura bonne salade sans » visière, bon arc et bonne trousse de deux douzaines

(1) Gants, mitons, mitaines.

que

(2) T. IV, p. 386.

(3) Hausse-col en fer qui garantissait la gorge.

(4) Mailles légères.- Le hauber (auber, haubert) était une chemise de mailles, longue jusqu'aux dessous des genoux, du mot albus, parce les mailles de fer bien polies, fourbies et reluisantes en semblaient plus blanches. Cette chemise n'avait pas toujours la longueur que lui assigne Faucher, et à l'époque dont nous parlons, elle l'avait, je crois, entièrement perdue. On appelait aussi le hauber, brugne. Du Clercq dit, T. IV, p. 304, qu'aux obsèques de Philippe, à Bruges, il y avoit quatre rois d'armes embrungnes, et le Glossaire explique embrungnes, par de couleur sombre, de deuil, p. 384. N'est-il pas plus naturel de lire en brugnes, c'est-à-dire, revêtus de leurs brugnes ou hauberts?

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