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son valet, qui, par malheur, portait une croix de SaintAndré, marque des enseignes du duc de Bourgogne (1).

Parmi les superstitions militaires de ce temps, nous en choisirons une qui a de la grace et de la naïveté. Le maréchal de Gié, désirait avoir une épée de la main du grand maître Antoine de Chabannes, qui lui répondit : « Monsieur le mareschal, je me recommande a vous, » tant et de si bon coeur que je puis. Mon neveu Vigier » m'a dit que vous aviez vollonté d'avoir une espée que » j'ay; je voudrois bien avoir meilleure chose, de quoy » vous eussiez envie, car vous en finiriez bien, si homme >> en finoít. Je veux garder les statuts du deffunt roy, a >> qui Dieu pardoint, qui ne voulloit point qu'on donnast » a son amy chose qui piquast; mais je l'envoie a M' de >> Bajaumont qui vous la rendra (2), etc. »

Le comte de Dammartin envoya dire à M2 de Bajaumont, qu'il vendît l'épée dix blancs, pour en faire célébrer une messe en l'honneur de monsieur Saint George, à cause de l'opinion qu'il exprime dans sa lettre.

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La marine était dirigée par un autre grand dignitaire. La charge d'amiral était inconnue chez les ducs de Bourgogne de la première race; mais les quatre derniers étant devenus les maîtres des Pays-Bas, elle fut une des principales de leur maison. Cet officier qu'on nommait amiral de Flandre, commandait toutes les troupes de mer et avait plusieurs droits et prérogatives (3).

Néanmoins il y a une observation importante à faire

(1) T. II, p. 60.

(2) Add. à l'Hist. du roi Louis XI, dans l'Édit. de Commines. Brux., 1723, T. III, p. 229.

(3) Mém. pour servir à l'Hist. de Fr. et de Bourg. B. 29, 30, 31.

et que nous croyons avoir consignée ailleurs, c'est que la plupart des villes des Pays-Bas exerçaient le droit de protéger elles-mêmes leur navigation, non-seulement par des réclamations en leur nom, mais par des traités qu'elles faisaient avec les nations étrangères, ainsi que par des armemens à leurs frais et de leur chef; ce qui dura jusqu'à l'établissement des amirautés, en 1487 (1). La Ligue Hanséatique s'était étendue de bonne heure en Belgique; mais vers la première moitié du quinzième siècle un schisme sépara d'elle la Hollande, la Frise et la Zélande; les villes d'Amsterdam, de Rotterdam et de Middelbourg, d'associées qu'elles étaient, devinrent ses rivales et même ses ennemies. Cependant l'union hanséatique trouvait encore chez les Belges d'immenses avantages, et Charles-le-Téméraire lui-même, quoiqu'elle tendît à empiéter sur la prérogative des princes, la protégea hautement et s'intéressa avec chaleur à obtenir des Anglais une paix favorable pour elle (2).

Dans l'épitaphe du duc Philippe on lui fait dire:

Et pour la foi chrestienne maintenir en vigueur,
J'envoyai mes galères jusques en la mer majeur (3).

En effet, en 1446, il envoya à Rhodes et vers la Palestine, trois galères bien armées, commandées par Jean de

(1) Mém. sur le Comm. aux XVe et XVIe siècles, p. 227.

(2) P. H. MALLET, de la Ligue Hanséatique, pp. 286, 289. On trouve des particularités intéressantes sur nos rapports extérieurs au XIIe siècle dans un ouvrage de M. Auguste Von Wersebe, trop peu connu parmi nous et intitulé: Ueber die Niederlandischen Colonien welche im Nördlichen Teutschlande im XII jahrh. gestiftet worden. Hannover, 1815-1816, 2 vol. in-8°.

(3) T. IV, p. 308. On appelait mer majeure la mer Noire. TOME I.

Portugal, espèce d'aventurier d'une intrépidité reconnue. (1) En 1464, Philippe équipe dans les ports de la Zélande douze galères et d'autres navires de transport montés par dix mille hommes choisis, sous la conduite de ses deux bâtards, Antoine et Bauduin. Les Gantois, en cette occasion, armèrent à leurs frais 330 citoyens. « Et fut messire Simon de Lalain, seigneur de Montigny, >> lieutenant general de monsieur le bastard, en cette » armée : et estoit belle chose de veoir les bannières et les >> pennons en chascun bateau, car chascun capitaine vou»loit montrer quel homme il estoit en ce haut et sainct >> voyage. Les trompettes et clairons sonnoient à monter » les géns d'armes chascun en son navire, et sous leur >> capitaine, qui donnoient moult grand rejouissement, » et d'autre part tiroient l'artillerie, qui espouvantoit et >> effrayoit toute la compagnie (2). »

Du Clercq dit seulement que le duc envoya à cette expédition deux mille combattans, mais peut-être comptet-il par lances, et alors son calcul reviendrait à celui de la Marche, ce qui n'est pas vraisemblable, puisqu'il dit expressément plus tard, que des deux mille combattans la contagion en emporta quatre ou cinq cents (3). Il ajoute que le bruit courait «< qu'aulcuns fils du diable ou plains » de mauvais esprit avoient tant fait devers le roy Loys » qu'il avoit retardé le dit sainct voyage; » mais c'était mal connaître les intentions de Louis qui, en l'absence de Philippe, n'aurait point manqué de lui tendre quelque piége. Les promesses réitérées du duc n'aboutissaient à

(1) Olivier de la Marche dit 1463; mais Meyer et Du Clercq sont ici d'accord avec la suite des événemens.

(2) Olivier de la Marche, p. 1, ch. 36. (3) T. IV, p. 92.

rien; Louis savait bien qu'il n'oserait quitter ses étals, et s'il feignit de le retenir, ce fut pour combattre ses soupçons et lui inspirer quelque confiance (1).

La boussole, que les Melphitains inventèrent vers l'an 1302, avait produit une révolution immense dans la navigation (2). Goropius Becanus a voulu faire honneur à la Belgique de cette découverte, sur le fondement que les noms des vents inscrits sur la rose sont flamands. Montucla a combattu cette opinion. En effet on peut concevoir facilement que diverses nations aient successivement perfectionné la boussole. L'Italien suspendit l'aiguille sur son pivot, et peut-être en resta là. L'Anglais imagina la suspension de la boîte où l'aiguille est contenue. Les noms des rumbs de vents ont été dérivés, dans l'Océan, de la langue qui fournissait le plus de monosyllabes pour désigner les points cardinaux, afin de pouvoir plus facilement en composer les noms des rumbs moyens. La langue flamande s'est trouvée jouir de cet avantage, et c'est, dit l'illustre

(1) T. IV, p. 48.

(2) Guyot de Provins, dans sa Bible écrite vers la fin du XIIe siècle, parle de la boussole dont il fait la description suivante que nous donnons dans la traduction de Legrand d'Aussy, comme plus intelligible. L'ouvrage entier de Guyot est imprimé dans le recueil de M. Méon, T. II, pp. 307-393.

« Ils se font outre cela, par la vertu de la Marinière,un art qui ne peut les tromper. Ils ont une pierre laide et brune qui attire le fer. Ils tâchent de trouver ses pôles, et y frottent une aiguille qu'ils couchent sur un brin de paille, et qu'ils mettent ainsi, sans plus d'apprêt, dans un vase plein d'eau. La paille fait surnager l'aiguille, et celle-ci tourne sa pointe vers l'étoile polaire (Guyot l'appelle Tresmontaine). Quand la mer est couverte de ténèbres et qu'on ne voit plus dans le ciel ni la lune, ni les étoiles, ils apportent une lumière près de l'aiguille, et ne craignent plus de s'égarer. »

Fabliaux ou Contes du XIIe et du XIIIe siècles, T. II. p. 27.

historien des mathématiques, ce qui a fait donner aux vents les noms qu'ils portent aujourd'hui (1). Quoi qu'il en soit, cette imposition de noms annonce un peuple qui dominait les mers et qui s'y était, en quelque sorte, naturalisé. C'est rarement par des raisons grammaticales ou de convenance d'expression que les mots usuels s'établissent.

Un préjugé faisait croire à la noblesse qu'elle dérogeait en cherchant les périls de la mer, à moins que ce ne fût pour une cause sainte. Ce préjugé devait cependant s'affaiblir chez un peuple essentiellement navigateur. Outre les deux bâtards de Bourgogne, et Simon de Lalain, déjà nommés, deux des fils de ce dernier, le S de Cohen, le S de Bossu, Jean de Longueval et plusieurs autres s'embarquèrent à l'Écluse (2).

Le duc avait donné à Antoine pour les frais du voyage cent mille couronnes d'or, le comté de la Roche en Ardennes avec plusieurs autres terres. La folie romanesque des croisades encouragée, excitée par le pape et le clergé, réveilla tous les coureurs d'aventures et promit des ressources à une jeunesse extravagante ou corrompue.

<«< En ce temps aussy se croiserent grand nombre de » gens, et la pluspart touts josnes hommes, et se par>> toient par routes, chy dix, chy vingt, chy quarante » ensemble sans capitaines, et les aulcuns avecq bien >> peu d'argent ne habillements de guerre, et a pied, et >> tirerent touts vers Rome; et disoit-on que des pays du >> duc en estoient partis grand nombre, et bien jusques » au nombre de vingt mille ou plus. Pareillement des

(1) Hist. des Math., 2o éd., T. I, p. 527. (2) T. IV, p. 52.

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