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PETIT JEAN.

L'Intimé!

(à part.)

Il a déjà bien peur de me voir enrhumé.

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Que diable! si matin que fais-tu dans la rue?

PETIT JEAN.

Est-ce qu'il faut toujours faire le pied de grue,
Garder toujours un homme, et l'entendre crier ?
Quelle gueule ! Pour moi, je crois qu'il est sorcier.
L'INTIMÉ.

Bon!

PETIT JEAN.

Je lui disais donc, en me grattant la tête, Que je voulais dormir. « Présente ta requête Comme tu veux dormir, » m'a-t-il dit gravement. Je dors en te contant la chose seulement.

Bonsoir.

L'INTIMÉ.

Comment, bonsoir? Que le diable m'emporte Si... Mais j'entends du bruit au-dessus de la porte.

SCÈNE III.

DANDIN, L'INTIMÉ, PETIT JEAN.

DANDIN, à la fenêtre.

Petit Jean! l'Intimé!

Paix.

L'INTIMÉ, à Petit Jean.

DANDIN.

Je suis seul ici.

Voilà mes guichetiers en défaut, dieu merci.
Si je leur donne temps, ils pourront comparaître ;
Çà pour nous élargir, sautons par la fenêtre.

Hors de cour.

L'INTIME.

Comme il saute!

PETIT JEAN.

O monsieur, je vous tien.

DANDIN.

Au voleur! au voleur !

PETIT JEAN.

Oh! nous vous tenons bien.

L'INTIMÉ.

Vous avez beau crier.

DANDIN.

Main-forte ! l'on me tue!

SCÈNE IV.

LÉANDRE, DANDIN, L'INTIMÉ, PETIT JEAN.

LÉANDRE.

Vite un flambeau, j'entends mon père dans la rue.
Mon père, si matin qui vous fait déloger?

Où courez-vous la nuit?

Et qui juger? tout dort.

DANDIN.

Je veux aller juger.
LÉANDRE.

PETIT JEAN.

Ma foi! je ne dors guères.
LÉANDRE.

Que de sacs! il en a jusques aux jarretières.

DANDIN.

Je ne veux de trois mois rentrer dans la maison.
De sacs et de procès j'ai fait provision.

Et qui vous nourrira?

LÉANDRE.

DANDIN.

Le buvetier, je pense.
LÉANDRE.

Mais où dormirez-vous, mon père?

DANDIN.

A l'audience.

LÉANDRE.

Non, mon père, il vaut mieux que vous ne sortiez pas. Dormez chez vous; chez vous faites tous vos repas. Souffrez que la raison enfin vous persuade :

Et pour votre santé...

DANDIN.

Je veux être malade.

LÉANDRE.

Vous ne l'êtes que trop. Donnez-vous du repos;
Vous n'avez tantôt plus que la peau sur les os.

DANDIN.

Du repos! Ah! sur toi tu veux régler ton père?
Crois-tu qu'un juge n'ait qu'à faire bonne chère,
Qu'à battre le pavé comme un tas de galants,
Courir le bal la nuit, et le jour les brelans?
L'argent ne nous vient pas si vite que l'on pense.
Chacun de tes rubans me coûte une sentence.
Ma robe vous fait honte. Un fils de juge! Ah! fi!
Tu fais le gentilhomme: hé! Dandin, mon ami,
Regarde dans ma chambre et dans ma garde-robe
Les portraits des Dandins : tous ont porté la robe;
Et c'est le bon parti. Compare prix pour prix
Les étrennes d'un juge à celles d'un marquis :
Attends que nous soyons à la fin de décembre.
Qu'est-ce qu'un gentilhomme? Un pilier d'antichambre.
Combien en as-tu vu, je dis des plus huppés,
A souffler dans leurs doigts dans ma cour occupés,
Le manteau sur le nez, ou la main dans la poche;
Enfin, pour se chauffer, venir tourner ma broche?
Voilà comme on les traite. Hé! mon pauvre garçon,
De ta défunte mère est-ce là la leçon?
La pauvre Babonnette! Hélas! lorsque j'y pense,
Elle ne manquait pas une seule audience.
Jamais, au grand jamais, elle ne me quitta,
Et Dieu sait bien souvent ce qu'elle en rapporta :
Elle eût du buvetier emporté les serviettes,
Plutôt que de rentrer au logis les mains nettes.
Et voilà comme on fait les bonnes maisons. Va,
Tu ne seras qu'un sot.

LÉANDRE.

Vous vous morfondez là, Mon père. Petit Jean, remenez votre maître, Couchez-le dans son lit; fermez porte, fenêtre; Qu'on barricade tout, afin qu'il ait plus chaud.

PETIT JEAN.

Faites donc mettre au moins des garde-fous là-haut.

DANDIN.

Quoi! l'on me mènera coucher sans autre forme?

Obtenez un arrêt comme il faut que je dorme.

LÉANDRE.

Hé! par provision, mon père, couchez-vous.

DANDIN.

J'irai; mais je m'en vais vous faire enrager tous :

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Eh bien, à la bonne heure.

Qu'on ne le quitte pas. Toi, l'Intimé, demeure.

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J'ai ma folie, hélas ! aussi bien que mon père.

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Diantre! l'amour vous tient au cœur de bon matin.
Vous me voulez parler sans doute d'Isabelle.
Je vous l'ai dit cent fois, elle est sage, elle est belle;
Mais vous devez songer que monsieur Chicaneau
De son bien en procès consume le plus beau.
Qui ne plaide-t-il point? Je crois qu'à l'audience
Il fera, s'il ne meurt, venir toute la France.
Tout auprès de son juge il s'est venu loger:
L'un veut plaider toujours, l'autre toujours juger.
Et c'est un grand hasard s'il conclut votre affaire
Sans plaider le curé, le gendre, et le notaire.

LEANDRE

Je le sais comme toi. Mais, malgré tout cela,
Je meurs pour Isabelle.

L'INTIMÉ.

Eh bien, épousez-la.

Vous n'avez qu'à parler, c'est une affaire prête.

LÉANDRE.

Hé! cela ne va pas si vite que ta tête.

Son père est un sauvage à qui je ferais peur.
A moins que d'être huissier, sergent ou procureur,
On ne voit point sa fille; et la pauvre Isabelle,
/Invisible et dolente, est en prison chez elle.
Elle voit dissiper sa jeunesse en regrets,
Mon amour en fumée, et son bien en procès.
Il la ruinera, si l'on le laisse faire.

Ne connaîtrais-tu pas quelque honnête faussaire
Qui servit ses amis, en le payant, s'entend;
Quelque sergent zélé?

Mais encore?

L'INTIMÉ.

Bon! l'on en trouve tant!

LÉANDRE.

L'INTIMÉ.

Ah monsieur! si feu mon pauvre père
Était encor vivant, c'était bien votre affaire.
Il gagnait en un jour plus qu'un autre en six mois :
Ses rides sur son front gravaient tous ses exploits.
Il vous eût arrêté le carrosse d'un prince;

Il vous l'eût pris lui-même : et si dans la province
Il se donnait en tout vingt coups de nerfs de bœuf,
Mon père pour sa part en emboursait dix-neuf.
Mais de quoi s'agit-il? suis-je pas fils de maître?
Je vous servirai.

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