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MEMOIRES

HISTORIQUES, LITTÉRAIRES

ET

ANECDOTIQUES.

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Paris, Janvier, 1783..

Lettre de la chevalière d'Eon à M. le comte de

Maurepas (1).

"MONSEIGNEUR, je désirerais ne pas interrompre un instant les momens précieux que vous consacrez au bonheur et à la gloire de la "France; mais animée du désir d'y contribuer "moi-même dans ma faible position, je suis forcée "de vous représenter très-humblement et très-for66 tement que l'année de mon noviciat femelle étant "entièrement révolue, il m'est impossible de " à la profession. La dépense est trop forte pour "moi, et mon revenu est trop mince. Dans cet "état je ne puis être utile ni au service du roi, ni à "moi, ni à ma famille, et la vie trop sédentaire "ruine l'élasticité de mon corps et de mon esprit.

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(1) Cette lettre est datée du 8 Février, 1779, et aurait dû être insérée dans notre secoud volume.

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Depuis ma jeunesse, j'ai toujours mené une vie "fort agitée, soit dans le militaire, soit dans la poli

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tique; le repos me tue totalement.

"Je vous renouvelle cette année mes instances, "Monseigneur, pour que vous me fassiez accorder "par le roi la permission de continuer mon service "militaire; et comme il n'y a point de guerre de

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terre, d'aller, comme volontaire, servir sur la "flotte de M. le comte d'Orvilliers. J'ai bien pu, 16 par obéissance aux ordres du roi et de ses mi"nistres, rester en jupes en temps de paix, mais

en temps de guerre cela m'est impossible. Je suis "malade de chagrin et honteuse de me trouver en "telle posture dans un temps où je puis servir mon "roi et ma patrie avec le zèle, le courage et l'ex

périence que Dieu et mon travail m'ont donné. "Je suis aussi confuse que désolée de manger pai"siblement à Paris, pendant la guerre, ła pension que le feu roi a daigné m'accorder. Je suis tou"jours prête à sacrifier pour son auguste petit-fils 66 et ma pension et ma vie,

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"Aidez-moi, Monseigneur, à sortir de l'état "léthargique où l'on m'a plongée, qui a été l'unique cause de mon mal, et qui afflige tous mes "amis et protecteurs guerriers et politiques. Je "dois encore vous faire observer ici qu'il importe "infiniment à la gloire de toute la maison de M. "le comte de Guerchy de me laisser continuer mon "service militaire, du moins c'est la façon de pen

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ser de toute l'armée, de toute la France, et, j'ose

"dire, de toute l'Europe instruite. Une conduite "contraire fait le sujet des interprétations les plus "fâcheuses et donne matière à la malice des con"versations du public. J'ai toujours pensé et agi comme Achille : Je ne fais point la fais point la guerre aux "morts, et je ne tue les vivans que lorsqu'ils m'at"taquent les premiers. Vous pouvez à cet égard

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prendre par écrit ma parole d'honneur sur ma "conduite présente et future. Vos grandes oc"cupations vous ont fait oublier, Monseigneur, qu'il

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y a plus de quinze mois que vous m'avez donné "votre parole que je serais heureuse et contente "quand j'aurais obéi au roi en reprenant mes habits "de fille. J'ai obéi complètement, je dois espérer "d'un ministre aussi grand et aussi bon que M. le comte de Maurepas, qu'il daignera tenir sa pa"role et me remettre in statu quo. Il ignore que "c'est moi qui soutiens ma mère et ma sœur, et "de plus mon beau-frère et trois neveux au service "du roi ; que j'ai encore à Londres une partie de "mes dettes, ma bibliothèque entière, mes papiers,

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et mon appartement qui me coûte 24 livres de ❝loyer par semaine, tandis que je ne suis pas en"core payée ici de ce qui me reste légitimement " dû par la cour; qu'après avoir servi le feu roi " à son gré en guerre et en politique depuis ma jeunesse jusqu'à sa mort, je ne suis pas encore en "état de meubler ma maison paternelle en Bourgogne pour l'aller habiter. M. le comte de Maurepas doit sentir que mon obéissance silencieuse

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