de ces sabots espagnols avant celle d'un esquif ou d'un canot quelconque, un trait de génie plus heureux eût été de les réunir, et sous ce rapport on peut dire que la découverte en question est plutôt un pas en arrière qu'un pas en avant. Quant à la difficulté très-réelle de conserver l'équilibre dans cette posisition, c'est sans doute un talent qui demande autant d'adresse et d'exercice que la danse de corde et tous les autres tours de force de ce genre. Nous n'avons pu savoir ni le nom du mécanicien espagnol, ni celui de son élève; car ce n'est pas l'inventeur de la machine lui-même qui en a fait publiquement l'essai ; nous savons seulement qu'il s'était donné le titre d'académicien de Barcelonne et de pensionnaire de Sa Majesté Catholique, et que ces deux titres lui ont été disputés d'une manière assez humiliante, par M. l'abbé de Ximènes, dans une lettre envoyée au Journal de Paris. Voyage dans les Deux-Siciles, de M. Henri Swinburne, dans les années 1777, 1778, 1779 et 1780; traduit de l'anglais par mademoiselle de Kéralio. Un volume in-8vo. Tous les Voyages d'Italie connus n'empêcheront point de lire encore celui-ci avec plaisir. Un pays qui rassemble tant de monumens curieux, tant de souvenirs intéressans, tant de chefs-d'œuvre de l'art, antiqués et modernes, offre des richesses qu'il ne paraît pas facile d'épuiser; il n'y a pas, comme disait madame la princesse d'Ascof, il n'y a pas jusqu'à la terre même en Italie qui ne soit classique. Swinburne a voyagé en philosophe et en littérateur; ses observations éclaircissent très-heureusement plusieurs passages des Auteurs anciens; et cette partie de son ouvrage mérite la reconnaissance de tous ceux qui s'appliquent à l'étude de l'antiquité. La traduction de mademoiselle de Kéralio est d'un style simple et pur; on ne peut douter qu'elle ne soit fidèle, puisqu'elle a été revue par l'auteur, qui sait très-bien notre langue. VERS de madame d'Andlau, mère de madame de Genlis et de M. le marquis Ducrest, à M. Seyffer, son médecin. O toi, qui seul soutiens ma très-faible existence, Accepte ce tribut de la reconnaissance, Comme les Dieux acceptent notre encens. Dédaigne le prix des présens; Près d'eux et près de toi la plus légère offrande Exauce donc mon ardente prière, Le monde n'a plus rien qui flatte mon envie; Pourra me pardonner de chérir trop la vie. SUR le Mur qu'on fait autour de Paris, par M. le comte de La Touraille. Pour augmenter son numéraire De nous mettre tous en prison. VERS de mademoiselle Aurore, de l'Académie royale de Musique, à M. le baron de Wurmser, qu'elle avait aidé à se relever dans une chute qu'il fit à Fontainebleau. Ce monde est un sentier glissant Où chacun tant soit peu chancelle; Le sage au sens rassis, l'étourdi sans cervelle, Cette dernière est la moins dangereuse; Qui la répare promptement Peut même la trouver heureuse. De celle dont je fus témoin Vous m'accusez d'être la cause. Voyez à quel reproche un tel soupçon m'expose ! Que nulle assurément ne me démentira, Et nos auteurs sont les seules personnes Que nous ne parons pas de ces accidens-là; Les aider à tomber est tout ce qu'on peut faire, Les relèvera qui pourra, Le public en fait son affaire. Pour vous, depuis loug-temps instruit dans l'art de plaire. RÉPONSE. Impromptu au nom de M. le baron de Vons avez bien raison, ma chute était heureuse Et je doutais encor d'une telle faveur, De l'Aurore j'appris que vous êtes la sœur, Je ne fus plus alors surpris de mon bonheur, Le doyen des gens de lettres, M. l'évêque de Burigny, né à Reims, de l'Académie des Inscriptions, vient de terminer enfin sa longue carrière. Il vécut près d'un siècle, sans chagrin, presque sans infirmité, et peut-être n'y a-t-il que la douceur et la tranquillité de sa mort qui puissent paraître encore plus dignes d'envie qu'une existence si heureuse et si paisible. Il n'a pas senti l'approche de la mort plus douloureusement qu'on ne sent celle du sommeil; il a fait ses dispositions pour mourir comme on arrange son oreiller pour reposer plus doucement sa tête lorsqu'on sent le besoin de dormir. La seule légère inquiétude qu'il ait éprouvée dans ses derniers jours était de n'avoir pas cessé de vivre avant le retour de son amie madame de La Ferté-Imbault, chez qui il demeurait; elle était à la campagne, et il désirait aussi vivement qu'il pouvait désirer quelque chose de lui épargner la tristesse et l'embarras de son convoi; ce dernier voeu-là même n'a pas manqué d'être accompli. Le Sommeil et le Trépas sont frères dans l'Iliade; M. de Burigny aurait pu dire comme le vieux Gorgias qui, près de mourir, répondit à un de ses amis qni s'informait de son état le sommeil est sur le point de me remettre à la garde de son frère: II y a dans les ouvrages qu'a laissés M. de Burigny plus de savoir que d'esprit et de talent; mais le premier de ses écrits, son Traité de l'Autorité des Papes, fit cependant dans le temps une sorte de sensation. Nous avons de lui une Histoire de la Philosophie païenne, une Histoire générale de Sicile, un Traité sur Porphyre, les Révolutions de Constantinople, la Vie de Grotius, celie d'Erasme, celle de Bossuet, etc. Il fut un des plus humbles et des plus dévoués serviteurs de madame Geoffrin, et n'en fut pas plus à la mode. Lorsqu'elle était deux fois vingt-quatre heures sans le gronder,. il se croyait oublié, perdu, et ce furent là, je crois, les plus rudes épreuves que sa philosophie eut peut-être à soutenir dans le cours d'une si longue vie. Il était né bon, timide et laborieux; mais il travaillait plutôt par goût que par ambition; et ce genre de travail qui l'occupait sans fatigue, sans tourment, ne pouvait guère altérer le calme et la paix de son âme. |