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Quentin un Évangéliaire dont la couverture était en or et garnie de pierres précieuses (1). Dans la préface du Bréviaire de Saint-Quentin, imprimé à Paris à la même époque (1642), on déclare nettement que ce précieux manuscrit est encore conservé dans l'église « Caroli magnificentia... Evangeliorum textum quem integrum etiam num et incorruptum conservat.»

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D'après l'abbé Peitavi, Mémoires sur la ville et les environs de SaintQuentin (p. 192)(2), Mabillon, qui a vu ce manuscrit, a jugé qu'il était du temps de Charlemagne.

Toutefois ces divers témoignages ne doivent pas être acceptés sans contrôle. Les deux premiers, celui d'Hémeré et celui du Bréviaire de Saint-Quentin, reposent sur la même autorité : celle d'un ancien nécrologe dont il est fait souvent mention. Or, la basilique de Fulrad, achevée en 823, fut presque entièrement brûlée en 882. Les premières restaurations ne furent commencées qu'au début du XII° siècle, par le comte Raoul le Vaillant, de la seconde maison de Vermandois; et elles continuèrent pendant trois siècles. Il est probable que des déprédations nombreuses y furent commises pendant cette longue période, et aussi à la suite du siège de 1557. On cite même plusieurs reliques précieuses qui disparurent à la suite de ce dernier désastre, et dont un certain nombre furent restituées à l'époque où écrivait Hémeré, mais dépouillées de l'or, de l'argent et des pierres précieuses dont elles étaient ornées autrefois. Si donc l'Évangéliaire donné par Charlemagne est le même que celui d'aujourd'hui, on peut croire qu'il a subi une première fois à l'extérieur des détériorations considérables, puisqu'il était primitivement couvert en or garni de pierres précieuses et qu'on n'y voit plus que des traces de feuilles d'argent et d'une plaque d'ivoire; à moins que l'argent n'eût été doré. Ces détériorations doivent d'ailleurs être antérieures à la rédaction du Bréviaire en 1642, en effet, l'Évangéliaire était intact, c'est-à-dire dans un état parfait de conservation intérieure et extérieure. Il aurait ensuite été l'objet d'un nouveau vandalisme, qui s'expliquerait très bien, lors de la période révolutionnaire.

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(1) Voir aussi les Mémoires pour servir à l'histoire du Vermandois (t. I, p. 321), de L.-P. Colliette, érudit, doyen du doyenné de Saint-Quentin, qui vivait dans la seconde moitié du xvII° siècle. (Note de M. F.)

(2) Inséré dans les Nouvelles recherches sur la France (a vol. in-12, Paris, Hérissant, 1766). (Note de M. F.)

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Quant à l'opinion de Mabillon, elle porte uniquement sur l'âge probable du manuscrit, d'après l'écriture: et encore n'avons-nous sur ce point que l'attestation de l'abbé Peitavi, qui ne peut être acceptée sans réserves. Voici le passage relatif aux deux manuscrits conservés dans le trésor de la sacristie: On conserve dans le trésor deux manuscrits précieux, en parchemin. L'un contient les actes du martyre de saint Quentin : les savants critiques prétendent qu'il est du sept ou huitième siècle. Dans l'autre manuscrit sont les quatre évangiles. Le P. Mabillon a jugé qu'il était du temps de Charlemagne. »

Or, le manuscrit appelé l'Authentique, et contenant les actes du martyre de saint Quentin, est du xir° siècle. L'abbé Peitavi ne donne pas son opinion personnelle; il rapporte celle des savants critiques, qui se trompaient; et il n'a pas été faché de suivre une tradition qui consistait à vieillir ce manuscrit pour lui donner plus de valeur. Il en est de même pour l'Évangéliaire: il semble être plutôt de la fin du Ix siècle que du commencement. Il appartient à la grande période appelée carlovingienne, mais est-ce celui-là même dont Charlemagne fit présent à l'antique collégiale? Sans doute il serait plus simple d'accepter la tradition sans restriction; mais outre les difficultés qu'on éprouve à faire concorder le texte du nécrologe avec l'état actuel extérieur du manuscrit, les caractères de l'écriture ne sont pas ceux de la fin du vio ou du commencement du Ixe siècle.

On se trouve alors en face d'un double problème: Que serait devenu l'Évangéliaire de Charlemagne, s'il y en a eu un, et d'où proviendrait celui-ci ? J'avoue que je suis incompétent pour le résoudre. Mais ce que je regarde comme certain, c'est qu'on a souvent attribué à Charlemagne (comme à César) des actes qui devaient être reportés à d'autres; et s'il n'y a pas eu erreur dans le nécrologe en mettant au compte de Charlemagne un don qu'il n'a peut-être pas fait (ce qui cependant ne serait pas incroyable), l'Évangéliaire primitif a disparu à une époque très reculée, et a été remplacé par celui que nous avons aujourd'hui. Si au contraire il n'y en a pas eu d'autre (et ce serait mon avis), il aura été donné par un des comtes de Vermandois, de la famille des Carlovingiens, abbés de Saint-Quentin peut-être par Albert Ier (943-988), le dernier qui porta ce titre, et dont la générosité envers son église est mentionnée dans le même nécrologe.

Ce n'est là qu'une hypothèse, bien entendu; mais si à l'inspection du manuscrit on ne peut admettre qu'il remonte jusqu'à Charlemagne lui-même, il n'en est pas moins d'une respectable antiquité, bien qu'il soit de quelques années plus jeune qu'on n'a été porté à le croire jusqu'à présent.

Si nous l'étudions en lui-même, nous y trouvons des détails très intéressants qui le recommandent à l'attention des paléographes. Les seize premières pages sont occupées par les Canons, dont je donne ici un fac-similé (1), contenant les canons vi et 1x (pl. I.). La page initiale de chacun des quatre évangiles renferme de grandes lettres en argent noirci par le temps, avec des ornements en or, mis en arabesques sur fond vert. J'ai reproduit la première page de l'évangile selon saint Jean (pl. II.). On trouve au commencement de chaque évangile de belles lettres en capitales gallicanes, avec des onciales de forme ronde en tête de chaque verset. Les minuscules sont très belles; la distinction existe plutôt entre les syllabes qu'entre les mots. Les majuscules des arguments et des sommaires renferment dans le vide une marqueterie régulière, mais peu artistique. Il y a aussi des capitales rustiques en rubrique pour indiquer les premiers mots des chapitres (voir pl. III et IV). A la suite de l'évangile selon saint Jean, on lit cette mention: Finit: Deo gratias, amen, in x1 Kal. aprilis.

Le lectionnaire qui termine le volume est dressé selon l'usage romain. On y remarque cette particularité que la série des dimanches qui séparent la Pentecôte de l'Avent n'est pas comptée comme aujourd'hui. Au lieu des vingt-sept dimanches qui sont indiqués dans la liturgie actuelle, et que nous avons déjà dans le missel de Winchester (vers 1120), on trouve la division suivante :

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(1) Les fac-similés dont parle ici M. Fierville sont déposés à la Bibliothèque nationale.

Si l'on en retranche les quatre dimanches de l'Avent, on a les vingt-sept dimanches après la Pentecôte.

CH. FIERVILLE,

Correspondant du Ministère de l'instruction publique,
Censeur du lycée de Versailles.

COMPTES RENDUS

DES TRAVAUX publiés par LES SOCIÉTÉS SAVANTES.

AVIS.

Les revues des sociétés savantes, qui ne paraissent pas toutes au même moment. parviennent au Ministère à des époques très diverses; il en résulte pour l'impression des comptes rendus faits par les membres du Comité un désordre inévitable. On publie dans le présent numéro, en suivant l'ordre alphabétique des départements, tous les articles qui ont été déposés avant le 1 juillet: les autres viendront ensuite, et une table générale sera jointe au dernier fascicule du Bulletin.

BASSES-PYRÉNÉES.

Jean I, comte de Foix, vicomte de Béarn, lieutenant du roi en Languedoc; étude historique sur le sud-ouest de la France pendant le premier tiers du xv siècle (1398-1425), par M. Léon FLOURAC, archiviste des Basses-Pyrénées.

Jean I, fils d'Archambaud de Grailly, captal de Buch, et d'Isabelle de Foix, sœur de Mathieu, vicomte de Castelbon, devenu comte de Foix et vicomte de Béarn en 1391 après la mort du célèbre Gaston Phoebus, naquit vers 1382 ou 1383 et succéda en 1413, comme comte de Foix et vicomte de Béarn, à Archambaud, son père, lequel avait lui-même recueilli ces seigneuries au mois d'août 1398, après la mort de Mathieu, son beaufrère, décédé ab intestat et sans enfants. Les trente premières pages de ce mémoire présentent un abrégé de l'histoire d'Archambaud de Grailly et des luttes qu'il eut à soutenir contre le gouvernement de Charles VI pour se faire reconnaître comme comte de Foix et vicomte de Béarn après la mort de Mathieu, son beau-frère. Le chapitre 1, intitulé Jean de Grailly, vicomte de Castelbon (1402-1412), contient plusieurs rectifications importantes.

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