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vint à Toulouse, en 1533, satisfaire par lui-même au vœu qu'il avait fait aux corps saints de la basilique de Saint-Sernin durant sa captivité à Madrid. La belle Paule, pour lors âgée de quinze ans, le harangua, ét le monarque chevalier, charmé de ses grâces, ne chercha pas à outrager sa vertu. Touché du bon accueil des Toulousains, ce prince, lors de son second voyage dans leur ville en 1541, voulut n'être servi à table, et gardé dans sa demeure, que par les bourgeois qui s'étaient formés en compagnie d'honneur.

Cependant les Huguenots croissaient dans Toulouse en nombre et en audace; la haine que les Catholiques leur portaient augmentait dans la même proportion: de chaque côté on s'observait, on se mesurait sans cesse ; et de là à tirer l'épée, la distance était médiocre, elle ne tarda pas à être franchie. Déjà dans plusieurs circonstances les protestans, en brisant les images des saints, en profanant les choses sacrées, avaient exaspéré les esprits; de l'autre part on cherchait à les pousser à bout par des tracasseries sans nombre, par des persécutions journalières, et telles qu'il les faut pour jeter les hommes dans les plus fâcheuses extrémités. Des personnages recommandables furent obligés à faire en public des amendes honorables, en déplorant leur erreur; des ministres du nouveau culte furent exilés, d'autres payèrent de leur vie leur dévouement à une secte condamnée par l'église. En vain la cour de France, flottant entre les divers partis, accordait aux protestans des édits favorables; le parlement de Toulouse se refusait à les enregistrer, ou du moins ne le faisait qu'avec des modifications qui rendaient leurs dispositions illusoires.

Lassés d'un tel acharnement, voyant d'ailleurs leur cause triompher dans un grand nombre de cités du royaume, les Huguenots toulousains formèrent, en 1562, le complot de s'emparer de la ville. Cette trame ourdie entre les capitouls, le viguier Portal, les conseillers au parlement, Cavaigne et Coras, hommes d'un rare esprit et de grande résolution, le ministre Barelles, et autres gens de marque, éclata vers le milieu du mois de Mai. L'épée une fois sortie du fourreau, n'y rentra que sanglante. Les deux religions coururent aux armes avec un égal acharnement, et la guerre civile sẹ montra avec toutes ses atrocités.

Les protestans, maîtres de l'hôtel de ville, poussèrent leurs attaques bien avant dans la cité; ils pillèrent les couvens, massacrèrent les religieux et les religieuses, commirent une foule de sacriléges, et ne respectèrent rien. Les catholiques furieux, après plusieurs combats meurtriers, ne craignirent pas d'incendier les quartiers situés entre la place Saint-George et le Capitole. La flamme, attisée par le fanatisme, dévora près de deux cents maisons, sans produire l'effet qu'on en avait espéré; d'une autre part, le meurtre, le viol, le pillage, tout fut permis, ou plutôt tout parut légitime.

une

Des renforts nombreux survinrent aux catholiques; leurs adversaires ne purent recevoir ceux qu'ils attendaient, et dès ce moment leurs affaires déclinant, ils ne purent se maintenir plus long-temps dans la ville; ils l'abandonnèrent le 17 Mai, après avoir fait la Cène solennellement, et proposé une capitulation qu'on leur refusa. Ils furent vivement poursuivis dans leur retraite ; plus de quatre mille périrent dans cette circonstance, et leur départ, loin d'appaiser l'exaspération des catholiques, la porta au plus haut degré. Le parlement, avec justice, déclara traîtres au roi et à la patrie tous ceux qui avaient trempé dans la conspiration : trente de ses membres furent chassés de son sein. Le viguier Portal, le capitoul Mandinelly, le capitaine Saux, infinité d'autres de tout âge, de tout rang, trouvèrent la mort en de cruels ou d'ignominieux supplices. Le sang qui coula sur les échafauds fut presque égal à celui répandu dans les combats précédens : l'exil, la prison, la suspicion, la mise en surveillance, rien ne fut épargné pour punir des rebelles à qui l'on croyait faire grâce en leur laissant la vie, les liens de la parenté et ceux plus forts de l'amitié, pussent les soustraire en entier au châtiment. On fuyait comme des pestiférés ceux de la religion prétendue réformée ; et chaque catholique en portant sur ses habits une croix blanche, ou en la plaçant sur la porte de sa maison, dévoua par ce fait aux avanies, au danger même de la mort, tous ceux qui ne se couvrirent pas de ce signe sacré de notre rédemption.

sans que

Deux ans après, en 1564, Charles IX fit son entrée solennelle à Toulouse: des fêtes somptueuses lui furent

pour

données ; il dîna dans l'hôtel de ville avec son frère le duc d'Orléans et Catherine de Médicis ; il confirma les priviléges de la ville, mais sa présence n'y ramena pas l'union et la paix. En 1568, les habitans catholiques se réunirent former entre eux une association sous le nom de croisade destinée à exterminer les Huguenots : elle devint le modèle de la trop fameuse ligue qui peu de temps après agita tout le royaume, et fut sur le point de faire passer la couronne de France dans une maison étrangère.

La résistance du parlement et des Toulousains aux édits de la cour en faveur des religionnaires, est sans exemple; aussi avec quelle épouvantable joie apprit-on dans cette. Cité la nouvelle de la sanglante catastrophe de la Saint-Bar thelemi en 1572. Déjà les protestans en armes dans les villes voisines, avaient insulté les remparts de Toulouse, et ravagé sa banlieue; on s'empressa de leur rendre le mal qu'ils avaient fait. Ceux de leur parti qui n'avaient pas cherché leur salut dans la fuite, furent saisis conformément aux vos lontés du roi: on renferma trois cents Huguenots des plus qualifiés, dans les prisons, en attendant les ordres du monarque; ils arrivèrent! le remords ne l'avait pas encore touché au bout d'un peu de temps, on fit sortir un à un les malheureux renfermés dans la conciergerie, et ils furent égorgés dans la rue par huit scélérats qui déshonorèrent le corps des étudians auquel ils appartenaient. Les magistrats restèrent inactifs pendant cette horrible boucherie, comme naguère on a vu un petit nombre de misérables renouveler dans les journées des 2 et 3 Septembre 1792, les crimes dont nos devanciers nous ont donné l'exemple : car on ne peut trop répéter que ce bon vieux temps si regretté, nous a ôté le funeste avantage des prémices de ces horribles forfaits; il en a commis en tout genre, et nous n'avons pu que l'imi ter. Les assassins furent également payés des deniers publics; les reçus qu'ils firent du prix du sang, existent encore. Trois conseillers au parlement, les plus savans de la compagnie, Coras, Ferrière et Ladger, après avoir perdu la vie, furent pendus, revêtus de leur robe rouge, au grand orme de la cour du palais, tandis que leurs confrères, sans paraître s'occuper de ces abominables scènes, continuaient à rendre des arrêts.

Cependant la guerre civile, loin de diminuer, prenait plus d'accroissement. Les protestans exaspérés, mais non abattus par les suites de la Saint-Barthelemi, avaient tous couru aux armes et à la vengeance. Les traités étaient aussitôt rompus que consentis. La ville de Toulouse, malgré la vigilance de ses magistrats, fut sur le point, en 1574, de tomber au pouvoir des religionnaires; ce nouveau complot découvert amena de nouvelles exécutions; il fallut aussi se défendre contre le maréchal de Damville, devenu l'un des chefs du parti protestant. Plus de repos dans Toulouse; les soupçons, les inquiétudes, les haines, agitaient tous les esprits, divisaient toutes les familles. L'ambition des Guises acheva de tout perdre ces princes étrangers voulurent usurper la couronne; pour parvenir à de telles fins, ils se mirent à la tête du parti catholique; profitant ensuite de tous leurs avantages, ils surent rendre le faible Henri III odieux à ses sujets, et le roi de Navarre son légitime héritier fut marqué du sceau de la réprobation, parce qu'il était infecté du venin de l'hérésie.

A la journée dite des Barricades à Paris, Henri de Valois put juger combien était redoutable la puissance de ces Guises, qui le chassèrent de sa capitale. Ce monarque inha bile eut tout à la fois, dès ce moment, ses droits à défendre, comme sa honte à venger. La popularité des chefs de la ligue ne permettait pas de les accuser publiquement; il fallut, par un coup imprévu, remplacer l'autorité royale qui était sans pouvoir; et aux états de Blois, le duc de Guise et le cardinal de Lorraine furent immolés furtivement, parce qu'on ne se trouva pas assez forts pour les déclarer coupables; et par l'étrange effet de la nécessité, le poignard d'un assassin servit de glaive à la justice. A la nouvelle de ce meurtre, la France s'ébranla toute entière; le fanatisme déploya toutes ses inspirations. Les Toulousains les premiers s'empressèrent de lever l'étendard de la révolte; ils confièrent à dix-huit citoyens le soin de prendre les mesures propres à conserver la pureté de la foi: ce Comité de Salut public devint le tyran de la ville. Les plus grands crimes furent commis; le principal sans doute se consomma le 10 Février 1589, sur le premier président Etienne Duranti, sur l'avocat général Daffis, l'un et l'autre

immolés par les factieux, sans que les magistrats prissent leur défense. On se sépara du roi, on le déclara déchu de ses droitsà la couronne, et divers arrêts du parlement rendus tant contre Valois, que depuis contre Henri IV, consacrérent de pernicieuses maximes.

Dès-lors la ligue régna dans Toulouse; on la vit par un service solennel, faire en 1589 l'apothéose du régicide Jacques Clément, mettre à prix la tête du successeur de Henri III, poursuivre avec fureur tous ceux qui se montraient zélés royalistes. Le parlement la même année, et au mois de Décembre, fut au moment de périr tout entier par les suites d'une conspiration ourdie par Tournier, l'un des plus forcenés ligueurs. Le hasard détourna ce nouveau malheur. Les conseillers furent contraints à combattre euxmêmes dans la ville pour vaincre les rebelles, qui, s'étant retranchés dans l'ile de Tounis, ne purent être réduits que le secours du canon.

par

La guerre entre les royalistes et les ligueurs continua toujours; le parlement, rebelle, refusa de se transporter à Carcassonne, comme Henri IV le lui commandait; il soutint les ducs de Joyeuse, devenus les ennemis du légitime souverain: mais il ne put à diverses reprises contenir la populace qui se souleva. On vit dans ce temps, après la défaite et la mort de Scipion, duc de Joyeuse, à Villemur, le frère de ce général sortir, en 1592, du couvent des Capucins de Toulouse, où il avait fait profession; il laissa son froc sur les marches de l'autel, se revêtit d'une cuirasse, et fut au nom de Dieu continuer d'entretenir la rebellion.

Cependant malgré les efforts des ennemis de la France la ligue expirait dans toutes les parties du royaume. Henri IV revenu au giron de l'église, avait consacré la légitimité de ses droits par la sincérité de sa conversion. Paris avait fait sa soumission, et Toulouse était encore rebelle, appuyée dans sa résistance par le nouveau duc de Joyeuse dont nous venons de parler. Tant d'opiniâtreté lassa la patience du monarque; il fit marcher deux puissantes armées contre les factieux, ce qui les décida à se soumettre. La paix se conclut à Verfeil; l'édit de Follembrai, en 1596 assura la réduction de Toulouse; le parlement royal s'unit à celui de la ligue, et l'on put enfin respirer.

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