piège et délivra au commandeur des Lettres Patentes, où il se donne le titre de « Fondateur et Protecteur de l'hôpital de Montpellier », et mande au gouverneur de la ville de veiller à ce qu'il ne soit porté atteinte à ses droits'. Hélas! ce n'était point une sanction de sa révolte, mais bien plutôt une sauvegarde contre la destruction et la ruine, que le commandeur eût dû implorer du roi très-chrétien : quelques années encore, et des nombreuses maisons du midi de la France, il n'allait demeurer que des ruines! Les Calvinistes se préparaient dans l'ombre à leurs sauvages exploits, et déjà ils avaient donné dans d'autres pays la mesure de ce qu'on pouvait attendre d'eux en France. La première maison qui eut à souffrir des violences du protestantisme fut la maison même de Rome, et elle se ressentit longtemps des atteintes qui lui furent portées. En 1527, le connétable de Bourbon, traître à sa patrie et à sa foi, marchait sur Rome, à la tête de quarante mille soudards, luthériens forcenés pour la plupart, et le reste, bandits accourus de tous les points de l'Italie. L'assaut fut donné du côté de l'hôpital Sainte-Marie et l'ennemi entra dans la ville par la porte Septimana ou San Spirito, enclavée dans les bâtiments du Saint-Esprit. On devine le sort de notre hôpital dans une telle catastrophe. Le pillage fut horrible : « Jamais, observe Sismondi, jamais peut-être dans l'histoire du monde une grande capitale n'avait été abandonnée à un abus plus atroce de la victoire ; jamais une puissance armée n'avait été formée de soldats plus féroces, et n'avait plus absolument secoué le joug de toute discipline ». Pendant neuf mois entiers, la ville éternelle fut livrée sans aucune défense à un ramassis de tout ce que l'humanité déchue peut produire de plus dégradé, à des 2 'Lettres Patentes du 20 septembre 1553. Diplom., II, p. 15. Histoire des républiques Italiennes, t. XV, p. 269. êtres dont les passions immondes n'avaient d'egal que le fanatisme sacrilege et la soif de pillage. C'est ainsi que 1 orare di Saint-Esprit fit connaissance avec le protestannisme. La suite fur digne de ce commencement. Des les premiers moments. de 1525 à 1530, les maisons de la Suisse furent arrachées à l'Ordre et tomberent au pouvoir des En Allemagne, de vingt-cing maisons florissantes, trois & peine survecurent. Leurs possessions étaient considerees comme biens ecclesiastiques, au même titre que les richesses des eveches et des abbayes: elles étaient par conséquent de Donne prise, pour des princes qui ne voyaient dans la kéforme qu un excellent moyer de remplir leurs trésors et Cassouver leurs passions. Le célèbre hopital de Munich demeura debout au milieu de la tourmente. Fondé en 1251 par le duc Othor Illustre: brüle en 1377: rebati par Louis de Baviere: enrich par la munificence des princes et la charité des citoyens, i cessa d'etre desservi par nos religieux à une epoque inconnue, mais certainement posterieure a la Reforme. Izopital de Wimpfen, reduit par les hérenques a la derniere extremité. put se soutenir pendant quélque temps encore, grâce à ses voisins de Steffansfeld et i Nemmingen. Ce dernier fut exceptionnellement favo rst Les religieux, quoique prives depuis longtemps déja dia gestion temporelle du bier des pauvres. purent continuer sans entraves à les servir, à célébrer dans leur erlist I office du jour et de la nuit. et à faire, au milier é une ville en grande partie protestante. toutes les ceremones du culte catholique. grace à la sage tolerance des magistrats et a la reconnaissance des habitants. Et lorsque Wmpien aura succombe a sor tour sous de nouveaux coups. nous verrons encore Memmingen, véritable oasis au milier de Allemagne. abriter à la fr du siecle cent malades 3 et cinquante enfants confiés aux frères du Saint-Esprit '. Dans les pays scandinaves, les dernières années du XV siècle avaient été pour l'Ordre une époque de rénovation; il devait cette prospérité à la faveur du roi Christian II, qui, lors d'un pèlerinage à Rome (1474), s'était fait inscrire au nombre des confrères du Saint-Esprit . Sous l'impulsion royale, plusieurs maisons nouvelles s'étaient même élevées, comme Faaborg (1477), Odensée (1478), Malmoë et Nestved (vers le même temps). « Mais ce n'étaient plus que des fleurs d'automne condamnées à périr dans le dur et prochain hiver du protestantisme; elles ne servirent guère qu'à parer le cercueil de l'Eglise catholique dans ces contrées vouées à l'erreur . » Les successeurs de Christian, bien loin d'imiter son exemple, se plurent à détruire les maisons du Saint-Esprit, en même temps qu'ils abandonnaient la foi de leurs pères. Toutefois, ayant affaire à des peuples fort attachés à leur religion, dans des pays dont la constitution politique était très libérale, ils préférèrent, pour arriver à leur but, la ruse et l'hypocrisie aux moyens violents employés en Allemagne. Voici des exemples de la manière dont ils procédaient. En 1528, Frédéric 1o disposa de l'hôpital de Malmoë au profit des bourgeois de la ville, pour en jouir lorsque les frères du Saint-Esprit, sous la pression des tracasseries de la Réforme, l'auraient abandonné. Comme ils demeuraient malgré tout au chevet de leurs malades, une simple accusation de dilapidation, faussement portée par les bourgeois, suffit pour les faire expulser. La même année, le prince qualifia les hospitaliers de Faaborg d'hommes honorables • Relation de la Visite de Melchior de la Vallée, en 1596; Suevia Ecclésiast. p. 366, 609, 896; Holstenius, Codex Regularum, t. V. p. 495. Voy. plus haut, p. 159. C'était la seconde maison de l'Ordre dans cette ville. 4, 126. Gallia Christ., t. V, Abbé Renard, Hist. de l'hôpital de Neufchâteau (ms).. et de vie pure, et leur donna une église paroissiale relevant de la Couronne, avec la charge d'acquitter les fondations royales et de pourvoir les pauvres malades de nourriture, de bière, de vêtements et de tous les soins honnêtes qui leur sont nécessaires. Deux ans plus tard, il les dépouilla complètement'. - L'hôpital de Copenhague avait été fondé au XIIIe siècle et enrichi de dons royaux et populaires, qui fournissaient largement aux besoins des pauvres. Le premier juin 1529, Frédéric le prit sous sa protection spéciale, avec ses propriétés, ses frères, ses sœurs, ses serviteurs, confirmant expressément les privilèges accordés par ses ancêtres. Mais, dès l'année suivante, le prince hypocrite signait l'ordre de sécularisation. La maison d'Aalborg avait, elle aussi, un passé long et glorieux dans les annales de la charité; soixante ans avant l'introduction du Luthéranisme (1455) elle comptait encore seize religieux et vingtquatre sœurs au service des malades. En 1540, s'ouvrit pour elle la période des malheurs; église, couvent, asile des pauvres, Frédéric enleva tout et relégua les religieux avec leurs malades dans un couvent de Franciscains; quatre ans plus tard, ce dernier asile fut saccagé par l'armée de Rantzau. La même année, l'hôpital très florissant d'Aarhus ' fut cédé, par lettres royales, à l'évêque luthérien de cette ville; un peu plus tard (1552) les frères de Rantzow et de Horsens furent expulsés. - Le voisinage du château royal avait été longtemps, pour la maison de Ribe, la source de faveurs princières; mais il lui devint fatal. Christian II, la trouvant å sa convenance, sécularisa les religieux et s'empara de leur demeure. L'hôpital de Flensborg partagea le même 'Daugard, op. cit., p. 145, 307. Horger Fr. Rordam, Les églises et les Couvents de Copenhague au moyen-âge, pp. 297-330. En 1498, les religieux avaient établi une imprimerie dans leur hôpital (Daugaard, op. cit., p. 389). Daugard, op. cit., pp. 381, 395, 398. sort en 1551. L'année 1541 vit la fin de l'antique hôpital d'Odensée; enfin, en 1570, fut ruiné celui de Roskilde, création belle entre toutes, où malades, vieillards, pauvres, trouvaient un abri assuré, où, non content d'élever les orphelins, on facilitait aux mieux doués l'accès de l'université de Paris'. En Suède, tous les hôpitaux du Saint-Esprit, dont quelques-uns, comme celui de Sæderkoping, étaient considérables, sombrèrent dans le naufrage des institutions catholiques. Le silence de l'histoire au sujet de ceux de Norvège laisse supposer qu'ils eurent un sort aussi lamentable. De ces établissements nombreux et florissants, il n'est resté que les bâtiments en ruine de la maison de Halsnoë, situés dans une île des côtes occidentales du royaume, en face de la ville de Bergen. Toutes ces fondations du grand ordre hospitalier étaient donc destinées à périr jusqu'à la dernière, sous le joug de fer des princes Danois d'Oldenbourg et des princes Suédois de la dynastie de Vasa, pour qui le lutheranisme fut un moyen d'implanter leur domination tyrannique dans des régions jusqu'alors très attachées à l'orthodoxie 3. En France, pour avoir été plus tardive, l'œuvre de destruction fut peut-être plus sanglante que partout ailleurs, lorsque l'heure sonna où nos hôpitaux durent, comme ceux d'Allemagne et du Nord, subir les terribles atteintes du vandalisme sectaire et impie. Les Huguenots préludèrent à leurs sauvages exploits à Nîmes, en 1560, par le pillage de la cathédrale et des autres églises et le sac des couvents. L'année suivante, ce fut le tour du Lan 1 Daugard, op. cit., pp. 190, 429, 445 ; Danemark et de la Norvège, t. II, p. 656. Munter, Hist. ecclésiast, du Eric Wennerhalem, Dissert. de ord. Spiritus Sancti in Saxia. Upsaliæ, 1791. Abbé Renard, op. cit. |