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dépenses allaient, dans les années ordinaires, à trois mille florins; mais les malheurs de l'époque les avaient fait augmenter d'une manière considérable, malgré la grande économie du recteur. Les bâtiments étaient assez somptueux, et de très belles dépendances existaient en plusieurs lieux, notamment à Strasbourg. En les visitant, Melchior voulut aller donner lui-même quelques encouragements aux religieuses de deux couvents, restés seuls catholiques au milieu d'une population entièrement luthérienne. Depuis longtemps les prêtres n'osaient plus s'aventurer à Strasbourg en costume ecclésiastique; cependant son audace n'eut pas de suites fâcheuses. Au bout de six semaines d'un séjour utilement employé à faire pénétrer dans toute l'économie de la maison de Steffansfeld, par son exemple aussi bien que par sa parole, la régularité et la ferveur d'un zèle renouvelé, notre visiteur reprit sa route, le 3 novembre. Cette fois, il se fit accompagner d'une suite plus nombreuse et plus imposante, dans laquelle se trouvaient le prieur de Steffansfeld et deux notaires, dont l'un devait servir d'interprête; ces personnages ne le quittèrent plus, tant que dura son séjour en Allemagne. La première maison du Saint-Esprit qu'ils rencontrèrent, trois jours après le passage du Rhin, fut celle de Wimpfen, ville impériale appartenant au diocèse de Worms. Les habitants étaient à peu près tous luthériens; néanmoins la présence du visiteur et de sa suite fit sensation. A son grand étonnement, le syndic, accompagné des douze principaux notables, vint, au milieu de son repas, le complimenter et lui offrir le vin d'honneur, comme à un personnage important.

L'hôpital avait été autrefois conventuel, et les bâtiments en étaient beaux et commodes; mais la ville s'était emparée des salles de malades et de la plupart des revenus; elle aurait même tout pris sans l'intervention du prieur de Steffansfeld, qui était chargé du service religieux, depuis que la modicité des ressources ne permettait plus d'y

entretenir un personnel suffisant. Le visiteur régla que le service des fondations se ferait à Steffansfeld, puisque cette maison jouissait des derniers revenus; il chargea aussi le prieur de procurer un frère prêtre, lorsque des malades catholiques s'y présenteraient; car il n'y laissait qu'un gardien.

Il s'agissait ensuite de traverser la Souabe entière, du nord au midi,afin de visiter la maison de Memmingen. Il fallut huit jours à nos intrépides voyageurs pour faire ce long trajet, «< à travers d'immenses forêts entrecoupées d'un nombre infini de rivières. » Par mesure de prudence, en un pays fort hostile au papisme, le visiteur avait consenti à dissimuler sa double croix, sur les instances de ses compagnons de route. Après avoir traversé Heilbronn, Essling, Elchingen et Ulm, la petite caravane faisait, le 20 novembre, son entrée dans la ville impériale de Memmingen. Là, comme à Wimpfen, la municipalité avait fait main-basse sur l'administration des revenus, dont elle n'avait laissé qu'une faible partie pour l'entretien du personnel. Frère Melchior fut reçu par le recteur, « vieillard de très haute taille et d'aspect fort rébarbatif, mas imposant et digne ; »> il se nommait frère Balthazar Meyer. Après avoir accueilli ses hôtes avec cordialité, il leur fit les honneurs de l'hôpital; ils y trouvèrent une centaine de malades alités ou d'infirmes. Dans une autre salle bien chauffée, une cinquantaine d'enfants s'appliquaient à des études et à des occupations diverses, en bon ordre, les garçons séparés des filles, sous la surveillance de maîtres et de maîtresses.

Cependant le visiteur ne songeait pas sans inquiétude à la façon dont les autorités, entièrement luthériennes, accueilleraient sa mission. Là encore, la Providence vint le tirer d'embarras; son arrivée avait fait sensation : le syndic et son conseil se crurent, de même qu'auparavant ceux de Wimpfen, obligés de lui souhaiter la bienvenue, en lui offrant un vin d'honneur. Les difficultés devaient lui venir

du recteur lui-même. Deux frères seulement se trouvaient alors à Memmingen; les autres étaient occupés dans le voisinage. Frère Melchior demanda qu'on les fit assembler tous dans la maison conventuelle; le vieillard répondit d'abord évasivement; puis peu après, il fit soudain au visiteur sommation d'avoir à quitter les lieux le plus promptement possible, dans la crainte sans doute des dépenses occasionnées par un séjour prolongé, ou par peur d'avoir à se plier, à son âge, aux exigences de prescriptions plus sévères. La ferme attitude de Melchior eut raison des mauvaises dispositions du recteur, et la visite put s'accomplir à la manière accoutumée. Elle s'ouvrit par une messe solennelle du Saint-Esprit, accompagnée de nombreux instruments de musique, dont tous les frères jouaient avec une grande habileté. L'église était fort riche en ornements et en vases sacrés : l'hôpital de Rome même n'en possédait pas de comparables. La maison était tenue sur un pied de discipline très rigide ; le recteur exigeait de son nombreux personnel l'obéissance la plus absolue; le silence était continuel; les repas, d'une frugalité voisine de la parcimonie; défense était faite de sortir sans l'autorisation expresse du prieur; le premier à l'office du jour et de la nuit, il exigeait de tous la plus grande ponctualité. Du reste, très attentif à procurer à ses religieux le bienfait de solides études, il les envoyait étudier chez les Jésuites, et leur faisait en outre donner une forte culture musicale, entretenue par des exercices quotidiens. La pauvreté la plus stricte régnait chez les religieux; ils ne possédaient que ce que le recteur jugeait bon de leur accorder : aussi le disait-on très riche.

Il avait fait nommer, en cour de Rome, comme son coadjuteur avec succession, un de ses parents, religieux de la maison, contre l'avis unanime de son chapitre. Devant les réclamations des frères, le visiteur jugea bon d'user de ses pouvoirs; il fit élire un autre coadjuteur, qu'il intronisa

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LINOX

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