maisons soumises à Besançon se rendaient dans cette ville tous les ans au chapitre général de la Pentecôte, frère Melchior avait chargé le commandeur de donner lecture de son acte de visite et d'en faire prendre copie à tous ses subordonnés, en tenant la main à son exécution dans toute la province. Enfin le visiteur rentra à Toul la veille de la Toussaint 1597. Il recommanda de nouveau sa chère maison aux bons offices de l'évêque et des autorités civiles, et le 5 novembre, «< il dit, non sans un serrement de cœur, un suprême adieu aux pénates paternels » et prit la route. d'Italie. Son voyage avait duré un an et quatre mois. Accomplie au milieu de périls de toutes sortes, que la guerre ou la peste, et souvent les deux fléaux à la fois, semaient sous ses pas, la mission de frère Melchior de la Vallée ne fut pas aussi complète qu'il l'eût désiré. Néanmoins elle contribua certainement, pour une bonne part, à conserver, dans les maisons qu'il visita, l'esprit de l'Ordre et la discipline hospitalière, que nous verrons fleurir jusqu'à la fin dans les Bourgognes et la Lorraine. B CHAPITRE VIII L'HOPITAL DE SAINTE-MARIE IN SAXIA AU XVII SIÈCLE PRÈS l'horrible catastrophe du sac de Rome, en 1528, le chef de l'Ordre, la maison romaine. avait été longtemps à recouvrer son ancienne splendeur. Sur la fin du siècle, néanmoins, elle y était parvenue, et depuis, nous n'aurons plus à enregistrer dans son histoire d'atteintes graves portées à sa prospérité. Du reste, les papes, qui avaient fini par se réserver absolument la nomination des grands maîtres, avaient le plus grand intérêt à choisir pour cette importante fonction des personnages recommandables par leurs qualités et leur entente de l'administration. Nous avons parlé déjà de Saluste Taurusi (1594-1600), l'ami de Bellarmin et de Baronius, qui s'efforça d'appliquer à l'Ordre les réformes du Concile de Trente, au moyen de la visite générale qu'il en fit faire, et qui mourut archevêque de Pise. Après lui, vint le célèbre médecin Jules de Angelis, qui conserva la maîtrise pendant dix-sept mois seulement (1600-1602). Jérôme Agucchio ne passa pas plus longtemps à Sainte-Marie; nommé cardinal, il quitta l'Ordre en 1604. Le magistère d'Octave, de l'illustre maison d'Este, fut plus court encore; mais il fut marqué par une création d'une grande importance; nous voulons parler de la banque du Saint-Esprit ou Banco San Spirito; tout en faisant à l'épargne les conditions les plus avantageuses, elle devint bientôt pour l'hôpital une ressource très précieuse. Octave d'Este mourut jeune encore, en 1605. Son successeur, Pierre Camporeus, après avoir déployé pendant douze ans un grand zèle dans ses hautes fonctions, fut appelé par Paul V à des fonctions plus hautes encore, au sein du Sacré Collège (1617). Evangelista Tornioli passa de l'ordre des Olivétains dans celui du Saint-Esprit, qui le conserva quatre années seulement. De même, Balthazar Bologneti échangea le généralat des Servites contre celui de notre ordre, en 1621; sa science théologique, son talent d'orateur, unis à une grande sainteté, le firent nommer à l'évêché de Nicastro en Calabre (1624). Raphaël Invitiati mourut l'année même de son élévation; Joseph Anselmi (1624-1630) avait fourni une carrière brillante dans les congrégations pontificales; il était enflammé d'un zèle très louable pour la réforme de sa nouvelle famille; mais, remarque Saulnier, comme ce zèle le portait à adopter une discipline toute nouvelle, au lieu de restaurer l'ancienne, il échoua dans sa tentative. Le court magistère de César Racagni fut fécond cependant, car dans ses deux ans il consacra douze sœurs, donna la croix à trente-deux frères dans sa maison et à douze au dehors; c'est là un exemple de rare fécondité pour la mai « Cette institution fut créée, dit le cardinal Morichini, afin que les veuves, les orphelins et les établissements charitables pussent y déposer leur argent en toute sûreté, et tous les biens de l'hôpital furent hypothéqués en garantie de ces dépôts. Cette banque prit un rapide accroissement, d'autant plus que ses billets, délivrés en échange des sommes déposées, avaient cours comme des espèces sonnantes. » On prétend, dit le même auteur, que cette institution donna à Law l'idée de sa trop fameuse banque de crédit. (Voy. Léon Lallemand, Histoire de la charité à Rome, p. 241). Le Banco San Spirito perdit peu à peu de son importance à partir de 1870; il est aujourd'hui en faillite, grâce aux spoliations subies par l'hôpital dụ Saint-Esprit. son romaine. Pierre Saulnier donne de grands éloges à Etienne Vaius, évêque de Cyrène, in partibus, qui de son temps même occupait le généralat. Ces éloges étaient mérités par une administration pleine de sagesse et des restaurations aussi nombreuses qu'importantes faites à Sainte-Marie. C'est alors que la sacristie fut ornée des belles boiseries et des peintures qui existent encore; à la même époque les lits de bois de l'hôpital furent remplacés par des lits de fer, pour une plus grande propreté. En outre, le grand maître restaura tous les châteaux et domaines des environs de Rome, et réussit encore à dégrever sa maison de plus de 70.000 livres de dettes. Jérôme Lanuvii, qui lui succéda en 1650, était protonotaire apostolique; Innocent X lui donna l'habit le jour même de sa nomination; son grand âge lui fit résigner sa charge au bout de trois ans. Sous Charles Antoine Dondini (1654-1660), le cardinal Corradus, visiteur apostolique, fit plusieurs décrets pour le bon régime de la maison. Virgile Spada (1660-1662) appartint d'abord à la congrégation de l'Oratoire. Il composa un ouvrage où il énumérait tous les monastères, hôpitaux et prieurés d'Italie et du monde. entier; il y avait joint l'énumération des privilèges de l'Ordre et de la Confrérie. Cette œuvre intéressante n'a pas été imprimée et le manuscrit en est perdu. Il prit aussi une décision importante pour la maison de Rome: ce fut de supprimer les sœurs cloîtrées, probablement par mesure d'économie, car elles pouvaient être suppléées par les jeunes filles qui demeuraient dans la maison. A partir de cette époque, la vie des grands maîtres n'offre que peu d'intérêt pour l'Ordre; ce sont des grands personnages de la cour pontificale qui, après quelques années de fonction, reçoivent pour la plupart la pourpre cardinalice. Leur administration tend de plus en plus, du reste, à se renfermer dans l'Italie, par suite de la perte des maisons des pays protestants et aussi des en traves apportées au fonctionnement de l'Ordre en France. Nous renvoyons, pour l'énumération des derniers grands maîtres, à la liste placée à la fin du volume. Nous n'avons pas encore donné au lecteur une description d'ensemble de l'hôpital Sainte-Marie. C'est ici le lieu de combler cette lacune. Nous allons donc, après avoir décrit sommairement les édifices, pénétrer dans l'économie des services hospitaliers de la grande institution. Aussi bien, pour l'étude de cette organisation longtemps sans rivale au monde, nous avons un guide excellent dans l'ouvrage de frère Pierre Saulnier, qui vécut lui-même, au XVIIe siècle, dans l'hôpital romain. Marchionne d'Arezzo avait été l'architecte choisi par Innocent III pour élever l'hôpital du Saint-Esprit. Les bâtiments, par leur grandeur, répondaient à la magnificence de la fondation pontificale; mais il ne nous est rien demeuré de l'établissement primitif. Sixte IV, le principal restaurateur de l'Ordre et de la maison romaine, fit renouveler, en 1471, par Baccio Pintelli, la majeure partie des bâtiments. Celui-ci construisit la grande salle des malades, longue de 126 mètres', qui pouvait recevoir de chaque côté une triple rangée de lits. Sur le côté de cette façade qui longe le Borgo San Spirito, était adossé un portique en colonnade d'une belle ordonnance, qui plus tard fut muré et l'est encore actuellement; on y plaçait des réchauds à l'usage des pauvres, auxquels on servait les restes des repas. Les murs intérieurs de la grande salle furent alors ornés de peintures représentant les principales actions du pontife fondateur; et sous la coupole centrale, André 'Voy. pour la description architecturale de l'hôpital de Sainte-Marie: P. Letarouilly, Edifices de Rome moderne, 3 vol. in-fo, Paris, 1850, pl 256-261; L. Lallemand, Histoire de la charité à Rome, 1878, p. 228 et sv.; GermerDurand, Notice sur plusieurs sceaux relatifs à l'archihôpital du Saint-Esprit à Rome, etc. Voir la Pl. I. en tête du volume. |