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à reconnaître, dans le quatrième fils de Guillem VII, le fondateur de l'ordre du Saint-Esprit, et les preuves qu'il apporte sont assurément très fortes. D'abord, on chercherait en vain, dans les nombreux documents concernant Montpellier à cette époque, la moindre mention d'un chevalier du Temple du nom de Gui; au contraire, la fondation de l'hôpital du Saint-Esprit correspond parfaitement à la jeunesse du dernier fils de Guillem VII, puisque, en 1198, il en était sorti déjà plusieurs colonies florissantes.

Objectera-t-on la clause du testament de Guillem, le destinant au Temple? Mais sans chercher ailleurs que dans la famille mème des Guillems, on trouvera de nombreux exemples qui démontrent que, sur ce point, les volontés paternelles demeuraient souvent inexécutées'. Gui, sans doute, se disposa à suivre ces volontés et commença son éducation chez les Templiers. « Puis, l'amour des pauvres, une vocation irrésistible de les servir, une inspiration particulière de Dieu peut-être, l'arrachèrent à cet asile belliqueux moins en harmonie avec ses goûts, et cédant à l'entrainement de son cœur, il voulut fonder une autre milice destinée à combattre des combats plus pacifiques, mais non moins glorieux'. »

Le testament de Guillem VIII, du 4 novembre 1202, vient appuyer notre sentiment d'une preuve nouvelle. Les seigneurs de Montpellier avaient fondé dans cette ville T'hôpital Saint-Guillem. Il semble que cette maison avait des titres spéciaux aux libéralités de Guillem VIII; cependant il ne lui légue que deux cents sols melgoriens. et gratifie de cent sols la maladrerie de Saint-Lazare, tandis qu'il laisse mille sols à l'hôpital du Saint-Esprit'. Quels étaient donc les liens qui l'attachaient à cette œuvre nouvelle et la

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lui faisaient préférer aux fondations de ses ancêtres ? Une simple prédilection personnelle aurait-elle occasionné une différence de dons si considérable, et n'est-ce pas plutôt que le fondateur de l'hôpital du Saint-Esprit lui était attaché par les liens du sang?

La parenté qui existait entre les deux nobles personnages est l'explication la plus naturelle de ce fait, que Gui assista Guillem VIII dans les circonstances les plus solennelles de sa vie. C'est ainsi qu'il signa le traité de paix entre ce dernier et le comte de Toulouse, Raymond V (Décembre 1174)'. Dans le cours des années 1190 à 1195, son nom se retrouve dans cinq traités conclus entre divers seigneurs et son neveu1. Si, à partir de cette époque, il n'apparaît plus, c'est que Gui a quitté sa ville natale pour se rendre à Rome et faire goûter à la ville éternelle les heureux fruits de son zèle charitable 3.

Il nous paraît bien difficile, après des preuves si convaincantes, de dénier à Gui de Montpellier l'illustre origine que les auteurs lui assignent généralement. La noblesse de sa naissance était rehaussée par l'éclat des richesses. «Mais Dieu lui donna, comme au jeune Salomon, un trésor plus précieux, en remplissant son esprit et son cœur des dons surnaturels de la sagesse. S'il manifesta de bonne heure une foi vive et ardente, sa charité était plus ardente encore. Il aimait tellement les pauvres, qu'il les honorait comme des seigneurs, les respectait comme des maîtres, les chérissait comme des frères, les soignait comme des enfants, et

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'Dom Vaissette: Hist. générale de la province du Languedoc, t. III, p. 37. Id., ibid. Preuves, p. 164, 167, 176 et 177.

Mgr Paulinier apporte, comme dernier argument, le blason de Gui de Montpellier, décrit et gravé dans Saulnier (De capite sacri ordinis Sancti Spiritus, p. 60). Ce blason, suivant l'usage adopté dans les ordres religieux, présente à droite la double croix et la colombe, insignes de l'Ordre, et à gauche l'écu des Guillems d'argent chargé d'un tourteau de gueules. Le savant écrivain n'a pas remarqué que Saulnier dit avoir composé lui-même ce blason, sur les indications de Gariel, mais sans en avoir renconté d'anciens exemples. Notre opinion nous semble assez bien appuyée pour nous permettre de négliger une preuve aussi douteuse.

les vénérait comme de vivantes images de Notre-Seigneur Jésus-Christ'. »

II. FONDATION DE L'HOPITAL DU SAINT-ESPRIT A MONT

PELLIER

L'histoire ne nous a conservé aucun souvenir relatif à l'enfance de Gui de Montpellier et à sa première éducation. S'il entra au Temple pour accomplir les volontés paternelles, il en dut sortir jeune encore. Son père mourait en 1172 et Mathilde, sa mère, avait devancé son époux dans la tombe. La mort de ses parents le rendait maître de sa personne et de ses biens; il conçut le projet de les consacrer au soulagement de ses frères indigents, et pour mettre à exécution ce pieux projet, il fonda dans la ville de Montpellier un hôpital où, suivant les exemples illustres des premiers siècles, il se voua lui-même à leur service'. Il n'est pas possible d'attribuer à un autre qu'à Gui la fondation de l'hôpital de Montpellier. Plus heureux qu'en ce qui concerne la naissance et la famille de notre héros, nous nous appuyons ici sur des preuves formelles et authentiques.

Outre la tradition constante, nous avons le témoignage positif du pape Innocent III. Dans toutes ses bulles en faveur de l'ordre naissant, il reconnaît à Gui la qualité de fondateur et premier maître de l'hôpital de Montpellier; il lui attribue également la règle suivie par les frères3,

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Saulnier, De capite... p. 32; — Mgr Paulinier, p. 8. 'Id., ibid.

'Hospitale sancti spiritus, quod apud Montempessulanum dilecti filii fratris Guydonis sollicitudo fundavit (Innoc. III, 1re bulle). Guydoni fundatori hospitalis sancti spiritus... (Id., 2° bulle). In primis siquidem statuentes ut fratres... secundum rationabiles institutiones tuas... debeant famulari (Ibid.). Defuncto... Guydone, qui vestrorum hospitalium primus extitit institutor et rector (Id. 4° bulle).

Les termes de la première bulle d'Innocent III, donnée en 1198, sont remarquables; le pape recommande l'hôpital de Montpellier à la sollicitude des évêques, comme une plantation nouvelle, qui déjà brille par la piété et l'exercice d'une éminente charité'. A cette date, la maison ne comptait donc pas encore de longues années d'existence, ce qui concorde avec l'âge présumé de Gui.

Un témoignage non moins précis nous vient de Montpellier même. Un an avant la première bulle d'Innocent III, c'est-à-dire, au mois de juin 1197, deux habitants, Marie de Fabrègues et Bertrand de Montlaur son mari, cédèrent et vendirent à Dieu et à l'hôpital du Saint-Esprit, sis proche Montpellier, aux frères et aux pauvres présents et futurs dudit hôpital, à GUI, son procureur et fondateur, en la personne de Guillaume de Agentia son remplaçant, un jardin, avec maison et puits, touchant le jardin de l'hôpital; plus une rente annuelle de deux sols; le tout tenu en fief du seigneur de Montpellier. Cette vente fut faite pour le prix de deux cents sols melgoriens. Guillem VIII intervint pour confirmer la vente, en qualité de suzerain; il céda lui-même tous ses droits sur cette pièce de terre et la donna à l'hôpital en pur alleu, sans aucune redevance'.

Les historiens de Montpellier ont retrouvé l'emplacement de l'hôpital du Saint-Esprit. Il était situé, dit M. Germain, au faubourg du Pyla-Saint-Gély et occupait l'espace compris entre la rue qui mène à la fontaine de ce nom, le chemin de Nîmes et le Verdanson. Mais les ruines qui couvrent aujourd'hui cet emplacement n'appartiennent point à la construction primitive. Détruite en 1562 par les

Inter cætera nove plantationis hospitalia et religione fulget et majoris hospitalitatem caritatis exercet (Innoc. III, 1 bulle).

* V. Pièces justif., 1. Saulnier cite ce titre, sur une indication de Pierre Gariel, son ami; mais il n'en a pas eu de copie, non plus que M. Germain et Mgr Paulinier.

PLANCHE II

Les serviteurs du pape Innocent III lui apportent de petits enfants pêchés dans le Tibre

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