le roi donna la commanderie de Montpellier à M. Rousseau de Bazoches, évêque de Césarée, conseiller au parlement de Paris. Ils'y maintint, malgré le refus de bulles par le Pape, malgré Désescures et nombre d'autres concurrents, qui s'acharnaient à leur proie. Ce nouveau chef paraissait animé d'un véritable désir de relever les hôpitaux de l'Ordre; mais il mourut peu après, en 1671, au cours de sa visite de l'hôpital de Dijon. Reposons-nous un instant de toutes ces luttes d'intrigants et jetons un coup d'œil sur les maisons restées fidèles à leur sainte vocation, dans les deux Bourgognes et la Lorraine. La maison de Dijon, située sur le territoire français, fut nécessairement en butte aux convoitises des chevaliers. Les religieux n'avaient pas osé protester ouvertement contre la bulle d'Urbain VIII, qui brisait l'union qu'ils avaient toujours conservée avec Rome. Mais le recteur donna avis au grand maître des menées de La Terrade et en reçut, en 1628, un rescrit de l'auditeur général de la Chambre apostolique, par lequel il lui était fait défense de reconnaître d'autre général que le maître romain. Frère Cornu et sa communauté déférèrent avec joie à ces ordres et La Terrade n'osa plus les inquiéter. Libres de ce côté, ils continuèrent à s'adonner avec ardeur aux œuvres de charité. La peste et la famine, rentrées à Dijon en 1629, y exercèrent leurs ravages pendant deux années entières. Ce fut pour nos hospitaliers une nouvelle occasion de montrer leur dévouement. Depuis que la ville s'était emparée de l'administration des revenus, la mense conventuelle des religieux était séparée et à leur usage exclusif: ils l'abandonnèrent généreusement au soulagement des malheureux, « se réduisant à l'extrémité du pain et de l'eau que la règle leur promet et que la charité commande, toutes les fois que les besoins des pauvres deviennent extrêmes '. >> 'D. Calmelet, chap. VI. Il semble qu'une telle générosité aurait dû leur assurer quelques égards de la part du corps municipal: il n'en fut rien. Il profita au contraire de tous les prétextes pour centraliser entre ses mains tous les revenus, en écartant autant que possible les religieux de l'administration. A la fin, le recteur, frère Boulengier, « qui voyait où portaient les coups,» se décida à un arrangement définitif. Pour éviter une ruine complète, il abandonna la mense conventuelle, à charge de percevoir une pension annuelle de 300 livres. pour lui, et de 150 livres pour ses religieux. L'accord fut conclu sur ces bases, le 4 avril 1648. Les religieux conservaient leur habitation, avec le droit d'avoir des novices, et demeuraient chargés du service spirituel de tout l'établissement'. La communauté continuait à montrer au grand maître de Rome un profond attachement, car elle voyait là une sauvegarde pour l'avenir. Mais en 1670, un ordre impérieux de Louis XIV lui enjoignit de reconnaître pour supérieur exclusif l'évêque de Césarée. Les religieux durent obéir, mais instruisirent le grand maître de ce qui se passait. M. de Bazoches fit la visite de la maison, au mois d'août 1671, et fut fort édifié du bon ordre qu'il y trouva; les charges étaient dignement remplies, les exercices spirituels et les offices célébrés avec décence et régularité. La frugalité de la vie et l'exactitude avec laquelle les comptes étaient tenus suppléaient à la modicité des ressources. Les enfants exposés et les pauvres étaient bien soignés, et les sœurs hospitalières en grande régularité et ferveur. Les hôpitaux de Tonnerre, Bar-sur-Aube et Fouvent, dépendances de Dijon, s'efforçaient de suivre l'exemple de leur chef, en exerçant l'hospitalité dans la mesure de leurs ressources, également fort amoindries. La Franche-Comté et la Lorraine, n'étant pas encore 'D. Calmelet, chap. VI. des provinces françaises, furent à l'abri des nécessités qui contraignirent Dijon à se soumettre aux commandeurs de Montpellier. Ceux-ci n'eurent que la satisfaction toute platonique de faire insérer les hôpitaux du comté de Bourgogne et de Lorraine dans la bulle d'Urbain VIII, de 1625, et dans divers arrêts et lettres patentes des rois de France. Tranquilles sous l'autorité du maître de SainteMarie, dont ils continuaient à recevoir les titres de procureurs et vicaires généraux, les recteurs Bisontins consacraient tous leurs efforts au relèvement de leurs hôpitaux, dévastés au cours de la lutte gigantesque soutenue pendant plus d'un siècle par la Franche-Comté contre la France. Claude Nazey (1615-1635), Claude Pécaud (+1659), Jean-Jacques Despoutot (+1672), Denis Beuque (+1705) furent des recteurs zélés et des administrateurs de grand talent, qui ne reculèrent pas devant le sacrifice même de leur fortune privée pour le relèvement de leur maison. Aussi, grâce à ces hommes de tête et de cœur, l'établissement de Besançon, au moment de la conquète française, avait-il recouvré la plupart de ses domaines usurpés et de ses prérogatives anéanties par les guerres '. Toutes les maisons dépendantes de Besançon suivaient l'énergique impulsion du chef-lieu, dans le travail de restauration. Gray avait rebâti son hôpital, détruit en 1622 par par un incendie; Neuchâteau avait aussi réparé les désastres plus grands encore qu'il avait eu à subir. se trouvant sur le passage des armées. La ville, de 1634 à 1670, fut brûlée par les Suédois, assiégée six fois et reprise alternativement par les Français et les Lorrains, enfin dépeuplée par la peste et la famine. Frère Charles Meusnier obtint d'Alexandre VII des indulgences plénières pour les fidèles qui contribueraient à la réédification de l'hôpital, et la 'A. Castan, Notice, II, p. 183. 'Abbé Renard, Histoire ms. confrérie fut rétablie dans un très grand nombre de paroisses. A Poligny, après la peste de 1636 et le sac de la ville en 1638, l'administration sur les lieux avait cessé : on ne retrouve nulle culture des fonds, nul exercice d'hospitalité jusqu'en 1656, époque où Bernard Fromond, religieux natif de la ville, ayant obtenu la charge de recteur, consacra toute sa fortune au rétablissement de l'hôpital et réussit dans ses efforts, au grand applaudissement de tous '. Le mouvement de restauration donnait déjà les plus heureux résultats dans la province entière; les magistrats des villes en témoignèrent à l'envi plus tard. Nul doute que si Louis XIV, au lieu de se laisser abuser par des chevaliers d'aventures, eut remis les mêmes pouvoirs aux mains plus dignes de nos religieux, la France entière n'eût pas tardé à ressentir les effets de leur zèle, encouragé par le grand maître de Sainte-Marie et le Souverain Pontife. Malheureusement, l'intrigue est souvent plus forte que la vertu et le bon droit. Les troubles et les désordres fomentés par les commandeurs de Montpellier et leurs suppôts, pour qui l'entrée dans l'Ordre n'était qu'un moyen de vivre sur les biens des hôpitaux, sans le moindre souci de leur rétablissement, finirent par låsser Louis XIV et favorisèrent merveilleusement les projets de son ministre Louvois. Celui-ci, qui était grand maître de l'ordre de SaintLazare, cherchait depuis longtemps à faire réunir à cet ordre les biens des autres ordres militaires et hospitaliers, afin d'en faire des pensions pour les officiers des armées royales. Il réussit donc à faire signer au souverain un édit qui lui donnait pleine satisfaction. Dans cet édit, porté en décembre 1672, le roi dit que, voulant soutenir les officiers de ses troupes, il n'a point «< trouvé de moyen plus convenable, ni qui fut moins à la charge de ses finances et de · Chevalier, Mémoires historiques de Poligny, t. II, p. 139. ses peuples, » que d'affecter les biens et revenus de quelqu'ancien Ordre dans l'Eglise et dans son royaume à des pensions destinées aux gentilshommes et officiers de ses troupes, qui par des services signalés s'en seront rendus dignes. Il ajoute qu'il a fait choix de l'ordre de Saint-Lazare, comme étant propre à ses dessins, et que, par zèle pour la religion, en qualité de Fils aîné de l'Eglise, il veut rétablir cet ordre dans ses anciens biens et privilèges, les augmenter même, « et en composer des commanderies qui puissent servir de récompenses honorables et utiles pour la noblesse de notre royaume et les officiers et soldats qui auront bien servi dans nos armées...... >> « Et pour d'autant plus favoriser ledit Ordre, et le rendre considérable, Nous, de la mème autorité que dessus, avons concédé et uni, concédons et unissons audit Ordre l'administration et jouissance générale, perpétuelle et irrévocable, de toutes les maisons, droits, biens et revenus ci-devant possédés par tous autres ordres hospitaliers, militaires, séculiers ou réguliers, éteints, supprimés et abolis de fait ou de droit dans notre Royaume, et Terres de notre obéissance, spécialement les ordres du SAINT-ESPRIT DE MONTPELIER, de Saint-Jacques de l'Epée et de Lucques, du Saint-Sépulcre, de Sainte Christine de Somport, de Notre Dame dite Theutonique, de Saint Louis, de Boucheraumont, et autres, lesquels nous avons...... déclarés éteints, supprimez et abolis, et les biens d'iceux vacants, unis et incorporez comme dit est, audit Ordre du Mont Carmel et de Saint Lazare...... Et par une ample grâce nous concédons pareillement, et unissons audit Ordre...... l'administration et jouissance perpétuelle et irrévocable de toutes les maladeries, léproseries et commanderies; ensemble tous les Hôpitaux, Hôtels-Dieu, Maisons-Dieu, Aumôneries, Confréries, Chapelles hospitalières, et autres lieux pieux de notre Royaume, soit qu'ils soient possédez en titre de bénéfices, ou simples administrations, où l'Hospitalité n'est |