était fait. semble-t-il, de la pieuse communauté. Mais la Providence n'avait permis cette extrémité que pour lui rendre une vie nouvelle et la fortifier par la tribulation. En 1850, deux saints prêtres, l'abbé Gladysiewicz, administrateur du diocèse, et l'abbé Piatkowski, de concert avec la comtesse Wodricka, formèrent le projet de rétablir la communauté. Le monastère, affecté à un hospice de vieillards, étant devenu vacant, fut racheté, et, le 27 octobre 1851, la dernière survivante des sœurs du Saint-Esprit en reprenait possession, accompagnée d'une visitandine et de six jeunes professes, qui venaient d'achever leur noviciat au couvent de la Visitation. Un saint Jésuite, le P. Buchta, renouvela leurs règlements et établit la clôture. Comme les sœurs ne pouvaient plus se livrer à l'ancienne vocation de l'Ordre, elles obtinrent l'autorisation d'ouvrir une école, qui en peu de temps est devenue un pensionnat très florissant. Elles sont aujourd'hui au nombre de vingt. Un legs important de l'abbé Gladysiewicz, leur principal restaurateur, assure à la communauté un aumônier choisi parmi les prêtres les plus méritants, et la subsistance est fournie par les pensions des élèves et une subvention annuelle de 1000 florins, faite par la ville '. Achevons d'esquisser l'histoire de nos deux communautés de Poligny et Neufchâteau. Après le décret impérial de 1810, qui les replaçait au rang d'institutions publiques et leur assurait, à l'abri des lois, la stabilité indispensable, elles jouirent d'une période de tranquillité féconde. Leurs ressources fort modestes suffisaient à peine à leurs nécessités les plus impérieuses; mais elles supportaient joyeusement les privations, du 'Nous empruntons ces renseignements à notre correspondance avec la R. M. Supérieure de Cracovie. moment qu'il leur était permis de se consacrer à leur sainte vocation. Suivant les dispositions de la loi du 17 décembre 1796, les hospices dépositaires d'enfants trouvés ne devaient conserver ces enfants qu'à partir de l'âge de cinq ans, âge où les nourrices les rendaient, jusqu'à douze ans, où ils devaient être placés en condition, à l'exception des seuls infirmes. Les sœurs de Poligny ne trouvaient point, dans le soin de ces enfants, un aliment suffisant à leur activitė. Elles demandèrent et obtinrent, en 1807, l'autorisation d'ouvrir un pensionnat pour les jeunes filles de la ville et des environs, désireuses de recevoir une éducation plus soignée; puis, en 1810, la même administration, par une dérogation unique en France à la loi de 1796, leur permit de garder les jeunes filles à l'hospice, au lieu de les placer en condition dans les campagnes, au grand préjudice de leur moralité et de leur avenir. Cette mesure, encouragée par le conseil général et les préfets, donna pendant plus de trente ans les plus heureux résultats. L'augmentation des dépenses occasionnées par cette prolongation de séjour était compensée en grande partie par le travail de ces jeunes filles, et le Conseil général, comprenant l'importance morale d'une telle œuvre, votait chaque année des secours à l'hospice. Malheureusement les inspecteurs du gouvernement, dans leur zèle pour l'uniformité administrative, voyaient d'un tout autre œil cette situation, qu'ils considéraient comme une dérogation intolérable à la loi; ils firent tant que le ministre donna ordre, en 1839, de ne conserver à l'avenir aucun enfant au dessus de douze ans. On alla plus loin; l'hospice fut réduit au rôle de simple dépôt et les enfants de six à douze ans furent répartis entre les hôpitaux des chefs-lieux d'arrondissements. C'était menacer la communauté dans son existence même, en lui enlevant sa principale raison d'être. Il n'était que trop facile de prévoir que si les pauvres religieuses n'avaient pas été congédiées immé diatement, elles ne tarderaient pas à l'être. Il fallait se prémunir, afin de n'être pas pris au dépourvu. Mgr de Chamon, évêque de St Claude, songeait alors à fonder dans son diocèse une congrégation de sœurs enseignantes, pour les écoles des campagnes; il jeta les yeux sur notre communauté, qui reçut avec bonheur ses ouvertures à ce sujet, Le principal obstacle venait de la commission administrative de l'hospice, qui s'opposait à toute admission de novices, sous prétexte de ne point augmenter les charges, qui incombaient au département. Fortes d'une décision ministérielle, les sœurs passèrent outre et établirent un noviciat, en ayant soin toutefois de n'en laisser aucune charge au budget de l'hospice, et dès l'année 1846, elles se trouvaient en mesure d'accepter la direction de la salle d'asile de Poligny et de plusieurs écoles communales importantes. Enfin, le 19 juin 1854, un arrêté préfectoral retira à la communauté la propriété de l'hospice qui appartenait à l'ordre du Saint-Esprit, de par la volonté même des fondateurs, et le réunit à l'Hôtel-Dieu de la ville. A Neufchâteau, cette même interdiction opposée à la formation de jeunes novices s'était terminée également, après un long procès, par la dépossession des religieuses, en 1842. Elles se retirèrent proche de la ville, au village de Rouceux, dans la maison paternelle de leur supérieure, augmentée d'un nouveau bâtiment. Là elles purent, mais au prix de privations sans nombre, ouvrir un noviciat, donner asile à quelques vieillards ou infirmes et continuer à visiter les malades de la ville. Les sœurs de Poligny, dépossédées elles aussi, durent songer à se créer un établissement. Le 22 juin 1854, Mgr Mabille, évêque du diocèse, bénit solennellement la première pierre d'une nouvelle maison, et quatre ans après, la communauté y trouvait un asile vaste et parfaitement aménagé. · Devenues libres et indépendantes de toute servitude administrative, nos deux communautés ont pu se développer à leur aise et prendre une importance de jour en jour plus considérable. Aujourd'hui, la maison-mère de Rouceux comprend plus de soixante sœurs professes. Cinq d'entre elles ont été rappelées, en 1852, à la direction de l'hôpital de Neufchâteau par la municipalité, revenue à des sentiments plus équitables et mieux entendus; elles desservent en outre six autres hospices, et plusieurs maisons nouvelles ne tarderont pas à se fonder. La maison de Poligny a pris une extension plus grande encore, en raison de la plus grande variété des œuvres auxquelles elle se consacre. Ses cent vingt religieuses tiennent un pensionnat et des écoles florissantes dans la maison-mère, à laquelle est annexé un orphelinat, dû aux libéralités de Mgr Mabille, et où quarante orphelines sont élevées gratuitement. Elles desservent les hôpitaux des villes de Morez et Nozeroy, l'asile départemental des vieillards, à Lons-le-Saunier; vingt-cinq écoles primaires leur sont confiées, et partout ces institutrices dévouées consacrent leurs instants de repos à la visite et à l'assistance des malades à domicile. C'est ainsi que le nom et l'esprit de l'ordre fondé par Gui de Montpellier revit dans ses derniers rejetons. L'ordre du Saint-Esprit, suscité par la Providence, était venu à son heure, en cette époque du moyen-âge où la foi catholique fleurissait et s'épanouissait en œuvres de toutes sortes à la surface de la terre. Dans cet immense et magnifique concert des vertus chrétiennes, soit actives, soit contemplatives, il devait représenter la charité agissante, l'amour du prochain pauvre, souffrant et délaissé; il devait être l'instrument prédestiné pour disséminer à travers le monde le feu divin sorti du cœur même de Notre-Seigneur. Et nous avons vu dans cette histoire comment il s'était magnifiquement acquitté, avec l'aide et la bénédiction de Dieu, de sa tâche providentielle. Avec le temps, d'autres sont venus, qui ont été appelés à la même vocation. Mais, dans les lieux mêmes où son nom s'est perdu, son œuvre subsiste encore. Combien de maisons élevées par lui, ombragées longtemps de la double croix, s'ouvrent encore aux misères humaines ! Combien de lieux où la première tradition de l'exercice de la charité chrétienne remonte aux fils de Guide Montpellier! Héritières d'un si grand nom, dépositaires de traditions si vénérables et si glorieuses, les sœurs du Saint-Esprit ne laisseront point périr le précieux dépôt remis entre leurs mains. Dans les fondations nouvelles que leur a fait embrasser la nécessité des temps, dans l'œuvre si importante de l'éducation de la jeunesse, comme dans l'assistance des malades, c'est toujours la charité de Notre-Seigneur qui les anime, c'est toujours l'esprit de l'illustre fondateur qui revit dans l'âme de ses enfants. Le vieux tronc n'est pas mort: << Sa jeunesse s'est renouvelée comme celle de l'aigle; >> il a produit un rameau plein de sève et de vigueur qui portera des fruits abondants. Pour longtemps encore, notre siècle léguera aux siècles futurs, comme un de ses plus précieux héritages, cet ordre du Saint-Esprit, le plus ancien et le plus illustre des grands ordres hospitaliers du moyen-âge. |