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calvinistes, on tenta de la rebâtir en 1660, au moment d'un essai de restauration de l'Ordre. L'entreprise fut abandonnée avant son achèvement, et les débris de murs qui subsistent sont les derniers restes de cette tentative avortée de reconstruction '.

III. GUI A ROME

Le précieux document que nous avons analysé plus haut, outre qu'il est un témoin irrécusable de la fondation par Gui de l'hôpital du Saint-Esprit de sa ville natale, renferme encore une importante indication, à laquelle les historiens n'ont pas pris garde jusqu'ici. Dans leur acte de vente, Bertrand de Montlaur et son épouse s'expriment ainsi : « Nous cédons.... à Dieu et à l'hôpital du Saint-Esprit..., aux pauvres qui l'habitent, à Gui, procureur et fondateur de cet hôpital, et à vous Guillaume de Agentia, son remplaçant....... » Les vendeurs s'adressent au remplaçant de Gui; celui-ci est donc absent. Est-il éloigné pour un temps peu considérable, comme en un simple voyage? Non, car alors un suppléant en titre eut été inutile. Où était Gui en ce moment? A Rome certainement, et depuis plusieurs années déjà, puisque, moins d'un an après cette vente, Innocent III lui reconnaissait la possession de deux maisons dans la capitale du monde chrétien, situées l'une près de Sainte-Marie au delà du Tibre, et l'autre à l'entrée de la ville, au lieu appelé Sainte-Agathe '.

Sans doute, notre fondateur, en se rendant à Rome, poursuivait un double but: faire jouir cette ville des bienfaits du nouvel institut, et obtenir plus sûrement pour

• Germain: Histoire de la Commune de Montpellier. III, p. 333; Paulinier, loc. cit. p. 9.

* Innoc. III, Bulle du 13 avril 1198, aux Pièces Just. no III.

celui-ci, par l'expérience que ferait le Souverain Pontife de son utilité, l'approbation solennelle de l'Eglise.

Ce n'était point chose facile alors, que de faire approuver un ordre nouveau. Le concile de Latran avait décidé de ralentir un courant d'où provenaient de nombreux abus et on sait quelles résistances eurent à vaincre saint Dominique et saint François d'Assise pour engager l'Eglise à adopter les milices destinées par la Providence à devenir sa plus solide défense. Mais le succès, à Rome même, de l'œuvre de Gui de Montpellier, devait être son meilleur avocat. Aussi, malgré la rigidité avec laquelle il maintenait la règle du concile dans toute sa rigueur, Innocent III, témoin lui-même du zèle déployé par le fondateur et ses compagnons de charité, ne tarda pas à donner au jeune institut la sanction de l'autorité apostolique.

Il le fit dans deux bulles que nous allons analyser.

La première est datée du 22 avril 1198; le Pape l'adresse à tous les archevêques, évêques et prélats des Eglises, protecteurs naturels de ceux qui vaquent aux œuvres de la charité. « Il a, dit-il, appris de la bouche d'un grand nombre, que l'hôpital du Saint-Esprit que la ville de Montpellier doit à la pieuse sollicitude de son bien aimé fils, le frère Gui, brille entre toutes les nouvelles plantations par la piété et l'exercice d'une large hospitalité ». Et il trace en quelques lignes le tableau touchant des œuvres de miséricorde qui s'accomplissent dans cet hôpital « Là, ceux qui ont faim sont rassasiés, les pauvres reçoivent des vêtements, les malades, des secours; l'abondance des consolations est proportionnée à la grandeur de la misère, de sorte que le maître et les frères sont moins les protecteurs hospitaliers des malheureux que leurs serviteurs, et parmi tant de pauvres, ceux-là seuls sont les indigents, qui fournissent charitablement aux pauvres ce qui leur est nécessaire. >>

Pour reconnaître un dévouement si héroïque, le Pontife

accorde aux frères du Saint-Esprit, sans préjudicier aux droits des Eglises voisines, le pouvoir d'ériger des oratoires et des cimetières pour eux et leurs familles d'indigents. Il ordonne aux évêques de ne mettre aucun obstacle aux pieuses libéralités des fidèles. Ils consacreront les églises et béniront les cimetières, à mesure qu'ils seront construits, sans en faire aucune difficulté ; ils approuveront les prêtres qui leur seront présentés par le maître pour desservir les hôpitaux, s'ils les jugent dignes de cet honneur. Si ces prêtres viennent à se rendre indignes par leurs excès, ils demeureront soumis à la correction des Evêques et révocables à leur volonté. Enfin le Pape confie à ces derniers la mission de juger, sur la réquisition du maître, les coupables'.

Ce n'était pas assez, pour l'affection paternelle d'Innocent III, de recommander à tous les évèques l'ordre naissant; il voulut lui donner une confirmation solennelle et le placer sous la garde toute spéciale du Siège Apostolique. A cet effet il adressa, le lendemain même du jour où il avait signé la lettre précédente, une seconde Bulle à Gui et à ses frères présents et futurs :

«< A nos bien-aimés fils, Gui, fondateur de l'hôpital du Saint-Esprit, et à ses frères présents et futurs, qui ont fait profession perpétuelle de la vie religieuse.

<< Il convient que la protection du Saint Siège assiste les hommes qui embrassent la vie religieuse, de peur que, s'ils venaient à s'engager témérairement, ils ne soient bientôt détournés de leur pieux dessin, et que leur témérité Dieu daigne nous préserver de ce malheur ! — ne tourne au détriment de la religion. C'est pourquoi, fils bien-aimé dans le Seigneur, ayant accueilli favorablement vos justes demandes, nous reçevons sous la protection de

1 Pièces just. no II; Mgr Paulinier, op. cit. p. 12.

saint Pierre et la nôtre, l'hôpital du Saint-Esprit fondé à Montpellier, dans lequel vous vous êtes enrôlés au service de Dieu, et le confirmons par le témoignage du présent Privilège. »

Innocent ajoute que les frères, demeurant dans cet hôpital, doivent y servir le Seigneur à perpétuité, selon les institutions pleines de sagesse que Gui leur a données.

Vient ensuite l'énumération des biens possédés par l'Ordre, dont nous parlerons plus loin.

Le Pape décide que toutes les maisons possédées actuellement par l'Ordre, ou qu'il acquerra dans la suite par des voies justes, seront soumises à celle de Montpellier ; que leurs procureurs devront obéissance à Gui et à ses successeurs et en recevront la correction.

Puis, après avoir confirmé les divers privilèges énumérés dans la bulle précédente, il permet de recevoir dans l'Ordre toutes personnes libres, désireuses de se retirer du siècle. Les frères, après leur profession, ne pourront quitter l'Ordre qu'avec le consentement du grand maître et seulement pour embrasser une règle plus austère; défense est faite aux monastères d'admettre celui qui se présentera sans être muni de l'autorisation du grand

maître.

A la mort de Gui et de ses succeseurs, nul ne devra assumer par fraude ou violence la charge de général; mais elle appartiendra à celui qui sera élu par le commun conseil des frères, ou la partie du conseil la plus considérable et la plus saine.

La bulle se termine par de solennels anathêmes contreles persécuteurs des frères, les détenteurs de leurs biens et les violateurs de leurs privilèges '.

Telles sont, dans l'ensemble de leurs dispositions, ces

'Pièces just. n° III.

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