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petite ville d'Asfeld se présente bientôt à lui, assise auprès des rives de la rivière, dans une plaine que sa fertilité rend on ne peut plus agréable.

Certains auteurs rapportent que, sous la première race de nos rois, une villa dominicalis» exista dans ce lieu qu'on appelait alors et qu'on nomma longtemps ECRY. Ils ajoutent qu'Ebroin s'y rendit en 680, après sa victoire à Leuco-Fago sur les Maires austrasiens, que Carloman y défit les Normands en 883, dans un combat sanglant; mais aucun document ne le prouve. Il faut remonter jusqu'à la première moitié du xi• siècle pour avoir sur Ecry et sur ses seigneurs des données positives.

En ce temps-là, 1127, indiction V, un Bliard de Ercry est témoin d'un accord de l'archevêque de Reims avec l'évêque de Liège, relatif au fief de Bouillon '.

En 1147, Etienne d'Echry signe la charte de fondation de l'abbaye de La-Val-Roy (O. Cist.).

En 1153, R. d'Ercry confirme un privilège du comte de Troyes, Henri, en faveur de l'abbaye de Saint-Remi, de Reims (0. S. B.)3.

En 1156, Fullon ou Foulques d'Ercry, vassal de Guillaume de Rosoy, seigneur suzerain d'une partie du territoire d'Ecry, fait don au monastère de Saint-Martin, de Laon (0. Prem.) de l'emplacement de la ferme de Beauvais (commune de Goudelancourt-les-Pierrepont)*.

Le même, eu l'année 1161, sert de témoin dans un acte de donation à l'abbaye de Saint-Denis, de Reims (0. S. Aug.)5.

Le même encore, en 1163, donne à cens 12 charrues de terre à Saint-Martin, de Laon, pour la ferme de Clermont, dont il compléta l'importance 11 ans plus tard, un peu avant sa mort (avant 1184) 6.

Le même, enfin, et Jean, son fils, en 1168, sont témoins d'un accord fait entre La-Val-Roy et le comte de Roucy, Wischard'.

1. Précis d'une Hist. de la ville et du pays de Mouzon, par N. Goffart, dans la Revue de Champ. et de Brie, numéro de sept. 1881, 9. livr., XVI. an., p. 704.

2. Abbé Desilve: Analyse d'un cartulaire de l'abbaye de La-Val-Roy, p. 28.

3. Varin Arch. adm., I, 328, d'après le cart. A de Saint-Remi, f. 127. 4. Martin: Essai historique sur Rozoy-sur-Serre, t. I, p. 254, d'après le cart. de Saint-Martin de Laon, II, 223 à 236, et III, 41-42.

5. Cartulaire de Saint-Denis de Reims, in-4o, à la bibliothèque SainteGeneviève de Paris, pièce XXVII, p. 45.

6. Martin, op. cit., I, 254-255, d'après le cart. de S.-M. de Laon, II, 211 à236.

7. Desilve, op. cit., p. 34.

En 1170, Gui d'Eccry est témoin d'un don fait par le même comte à la même abbaye 1.

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En 1179 et 1188 (25 janvier), Blihard d'Ercry, prêtre, chanoine, prévôt de Reims et bienfaiteur de l'Hôtel-Dieu, auquel il aumôna l'autel d'Ecry « per quem habet hospitale nostrum allare de Eccreio» paraît, la première fois, dans un acte de l'abbaye de Saint-Vincent, de Laon (9. S. B.), la deuxième fois, dans le nécrologe de son chapitre.

En 1190, Raoul d'Ecri Radulphus Dei permissione dominus castri quod dicitur Ecri» et Yde, sa femme, font accord avec l'abbaye de Saint-Berthaud de Chaumont-Portien (0. Prem)3.

En 1197, le même, d'accord avec son fils Gérard et ses autres enfants, fait une aumône à la même abbaye, en mémoire de sa femme Yde, morte le 2 juillet, d'après le nécrologe, et enterrée devant un autel de l'église abbatiale « quodam altari sæpè dicta ecclesiæ ante quod piæ memoriæ Ida quondam uxor mea sepulta est »>*.

.

En 1199, dans le château d'Ecri, du vivant, sans doute, de ce même Raoul, mort le 24 mai et enterré auprès de sa femme dans l'église de Chaumont, a lieu un tournoi célèbre à la suite duquel le jeune comte de Champagne, Thibaut III, et toute la fleur du pays, excités par Foulques, curé de Neuilly-sur-Marne, prennent la croix et s'engagent à partir pour la Terre-Sainte. Nous arrivons ainsi au XIIIe siècle, en constatant qu'il existe à Ecri, depuis longtemps déjà, un château féodal, que l'importante situation des seigneurs de ce fief les met en relations suivies avec la noblesse et les comtes de Champagne, que leur esprit de religion les a rendus amis des monastères et enfin qu'ils ont élu leur sépulture dans l'église abbatiale de Chaumont.

Cependant, voici venir l'époque où ces seigneurs d'Ecri vont se montrer grands de générosité envers les pauvres du Seigneur et où le lieu de leur tombeau va être transféré dans le monastère, objet de leur prédilection: ce sera l'âge d'or de leur maison.

En l'année 1209, à la suite d'un premier, mais infructueux essai, noble et chrétienne dame Mathilde de Villers, tout au

1. Id., I, p. 39.

2. Vyard, Histoire de l'abbaye de Saint-Vincent de Laon, publiée par Mathieu, in-8°, p. 433. Varin, Arch. adm., I, 409, et législ., II p.; st., I, 65, d'après le nécrologe de l'église de R. Marlot, édit. fr., I, 651,

et lat., I, 300, fixe à tort la mort de B. au viii id. februarii.

3. Histoire de l'abbaye de Chaumont, manuscrit à l'archevêché de Reims,

in-4°, t. I, p. 32.

4. Id., I. p. 36.

5. Id., I, p. 37.

6. Voir au Cartulaire la pièce n° I.

moins familière de l'archevêque de Reims et de l'abbé de Molesme1, avait fondé de ses biens propres, de bonis propriis,

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au pied d'une colline, proche Ecry, en un lieu qu'on appelait La Presle, La Pratelle, La Praelle, La Praele, La Préelle, La Prêle, Presles, Presle, en latin Pratella, Prohella, mot qui signifie petite prairie, sur la rive droite de l'Aisne et du côté du village de Jusancourt, une Maison-Dieu en vue d'un hôpital, domum Dei ad opus hospitalitatis 2.

Mathilde voulait-elle recevoir et faire soigner toutes espèces de malades dans cet établissement, ou bien, seulement, avaitelle eu l'intention d'établir à La Presle un hôpital pour les lépreux qui affluaient dans la contrée depuis les précédentes croisades? Cette dernière opinion ne paraît pas fondée; il est plus naturel de croire que la dame de Villers avait en vue primitivement un Hôtel-Dieu pour les pauvres et les malades, sans distinction, autres que les lépreux. Ceci ressort des expressions dont Cocquault s'est servi dans ses Mémoires, d'après le Cartulaire de l'archevêché de Reims, et aussi de ce que, à la même époque, avait lieu à quelques pas de La Presles, la fondation de la maladrerie de Saint-Patrice-du-Thour, laquelle devint plus tard une cense de l'abbaye de Chaumont (1525) et demeure actuellement encore une ferme et un lieudit 3.

Quoi qu'il en soit, un Raoul d'Ecry, celui-là sans doute qui était à Bouvines en qualité de chevalier porte-bannière (1214), Foulque, sa femme et les héritiers de ce seigneur, pour assurer le succès de la maison qui se fondait de nouveau à la Presle, Íui aumônèrent le droit de fief qu'ils avaient dans ce lieu comme seigneurs suzerains, plus 70 journaux de terre aux alentours, une saulsoie, 57 setiers de seigle, les aisances de tous leurs biens et enfin le droit d'acquêt dans leurs terres propres et dans les terres qui leur étaient inféodées.

C'était un don magnifique que Raoul venait de faire à l'œuvre de Mathilde, et il semble, après cela que la maison de La Presle devait remplir très aisément les vœux de ses fondateurs. Il n'en fut rien. Pendant les années qui suivirent 1209, Mathilde de Villers changea d'idée; sur le conseil d'hommes sages et de l'Esprit d'en haut, en vue d'étendre le culte religieux, postmodum ibidem de bonorum virorum auxilio divinitus inspirata cultum Dei studuit suis temporibus ampliare, elle voulut que sa maison, au lieu d'être un hôpital, fût plus spécialement dédiée à Dieu et

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1. Id., II. 2. édit., p. 100.

Fisquet la France pontificale, métropole de Reims, V. aussi à l'appendice et à la Biblioth. nat., collect. de Champ., t. XXIV, ad calcem, la charte de l'abbé Giraud pour la fondation du monastère (juillet 1212).

2. P. Coquault: Mémoires, III, 34.

3. D'après la pièce n° LXVII du Cart., il existait en 1302 un lieudit appelé Le Champ de la Maladrerie d'Ecry.

et suivant la

qu'il y eût là un couvent de religieuses, sujettes à l'abbaye de Molesme « sub ordinatione Molismensis abbatis », comme les autres religieuses de la même filiation, - - sicut et ceteræ moniales Juliacensis ordinis eidem ecclesiæ sunt subjectæ, règle et les coutumes du Prieuré, alors fort en renom, de Jullyles-Nonnains, Juliacens. regulam et consuetudines servaturæ1. L'abbaye de Notre-Dame de Molesme, de l'ordre de SaintBenoît, située à la limite de la Champagne et de la Bourgogne, au diocèse de Langres, était déjà en possession, dans celui de Reims, du Prieuré de Sainte-Vaubourg, près Attigny (Ardennes) depuis 1102. Molesme était, du reste, un monastère connu, ouvert en l'an 1075 par saint Robert, le fondateur de l'abbaye de Citeaux deux communautés distinctes, l'une de religieux, l'autre de religieuses y avaient vécu primitivement côte à côte, sous la juridiction du saint et d'une manière si régulière, qu'en peu d'années il sortit de Molesme sept ou huit monastères d'hommes et un aussi grand nombre de monastères de filles parmi lesquels était Jully.

Le prieuré de Notre-Dame de Jully fut fondé vers 1115, par saint Bernard, par Godefroi, ancien évêque de Langres et par Milon, comte de Bar-sur-Seine, non loin de la ville de Tonnerre. La sœur de saint Bernard, Hombeline, sainte elle-même, et sa belle-sœur, la bienheureuse Elisabeth, femme de Gui, son frère, en furent les premières prieures. Pendant plus de vingt ans, ces deux femmes illustrèrent successivement Jully par l'éclat de leurs vertus. Hombeline même y mourut en 1141; mais l'esprit de religion qui l'avait animée sur la terre ne disparut pas avec elle; il demeura dans ses compagnes à ce point que Guillaume, abbé de Saint-Thierry-les-Reims (O. S. B.), en 1145 3, et le comte de Troyes, Henri, en 1169, qualifiaient d'éminente la sainteté de ces filles «< sanctimoniales religionis sanctitate nominatissimas » et qu'au commencement du XIe siècle, le Prieuré de Jully avait déjà donné naissance à 11 autres monastères 1.

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1. V. la charte de fondation.

2. Beaunier

433.

Recueil des abbayes et prieurés de collation royale, II,

3. Opera sancti Bernardi, éd. Migne, IV, 237.

4. Voici la liste de toutes ces maisons : l'abbaye du Tart (Côte-d'Or),

v. 1125;
l'abbaye d'Andecy (Marne), en 1131;

l'abbaye de Crisenon (Yonne), en 1130;

en 1140;

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le prieuré, puis le prieuré du Val d'Osne (Marne),

- le prieuré de la Chapelle d'Ose (diocèse de Langres), en 1145;

- l'abbaye de Pralon (Côte-d'Or), v. 1149 ;

-

- le prieuré de Vinetz (Marne),

le prieuré de

en 1155; le prieuré de Chairlieu (diocèse de Troyes); Franchevaux (diocèse de Sens), en 1159; le prieuré de Béchot (Marne), v. 1170; le prieuré de Sèche-Fontaine (Aube), en 1173; - enfin le prieuré de La Presle (Ardennes), en 1212.

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D'aussi belles références donnaient à Mathilde de Villers le droit de penser que l'avenir serait assuré à l'œuvre nouvelle qu'elle avait dessein d'entreprendre. En conséquence, elle s'entendit avec la prieure de Jully et Giraud, l'abbé de Molesme1. Sans plus tarder, un essaim de moniales composé d'une prieure, d'une sous-prieure, d'une cellerière (chambrière?), d'une sacristine et d'un certain nombre de religieuses vint prendre possession de La Presle. La colonie plaça le monastère sous le vocable de Notre-Dame, en souvenir de Jully et sous le deuxième titre de Sainte-Marguerite, puis, immédiatement après, en présence de l'abbé Giraud et d'un grand nombre de personnes3, elle ouvrit l'ère de la vie monastique dans la maison (juillet 1212). Le régime de cette vie, bien entendu, était, en tous ses points, le régime de Jully. Les religieuses étaient astreintes à la clôture perpétuelle « perpetuâ signatæ clausurâ » ; elles devaient se procurer au moyen de leurs dots, de leur travail, de la culture, de leurs boeufs et des aumônes des fidèles, puis recevoir en commun leur nourriture et leur vêtement « ut de proprio nutrimento et labore boumque suorum et cultura et eleemosynis fidelium in commune victum vestitumque recipant», elles ne devaient pas avoir de serviteurs, ni de servantes, ni d'églises, ni de dimes, ni de fermes « servos vel ancillas, ecclesias aut decimas, villasque non habeant ». Si quelque don de ce genre leur était fait, la propriété en revenait à Molesme a sed si ab aliquo vel aliqua hæc eis data fuerint, Molismensi ecclesiæ permaneant », les objets mobiliers seulement pouvaient rester aux religieuses << aliud sane mobile... teneant », les terres même qui leur étaient aumônées, et qui ne pouvaient être labourées par leurs propres charrues, retournaient à Molesme « terra etiam si eis data data fuerit alia quam propriis carrucis excolere non queant, Molismensi conceditur cœnobio ».

De son côté, l'abbé devait envoyer à ces filles, pour leur direction spirituelle et temporelle, quatre religieux, chargés de veiller selon Dieu, à ce qu'elles fussent préservées de tout amour du lucre et des sorties « quibus ad regimen sui tam corporum quam animarum ↳ deputabuntur monachi per Molismensen abbatem, qui eas ab omni peculiaritatis vitio atque vagatione, secundum Dominum tueantur ». Ces religieux devaient les secourir plus particulièrement à la mort de l'une d'elles, par leurs prières et par d'autres services, mais elles devaient leur en payer l'honoraire « quarum si qua obierit, quæ fratribus ecclesiæ Molismensis debetur oratio ac beneficium et pro ipsa persolvetur ». Enfin, les fourrures étaient formellement interdites, à moins

1. Gallia christiana, IV, 736.

2. V. au Cart. la pièce n° XCVIII.

3. Voir la charte de fondation.

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