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qu'elles ne fussent employées comme couvertures « sed el silvatica indumenta præter coopertoria in perpetuum prohibentur1»>

Ce dur et sévère régime que nous n'apprécierons pas autrement parce que nous avons doute qu'il ait été fidèlement mis en œuvre, avait été déterminé en l'année 1115, par Gui, abbé de Molesme et son couvent, à la prière du comte Milon de Bar. Trente ans plus tard, le pape Eugène III, le confirmant de son autorité apostolique, l'avait rendu obligatoire pour tous les monastères nés ou à naître de celui de Jully'; enfin en 1170 et 1181, Alexandre III en avait exigé à son tour l'entière et stricte observance3. La maison de La Presle devait donc s'y soumettre; d'où nous pourrions déjà induire qu'après la fondation du Prieuré, l'abbé de Molesme choisit parmi les religieux de l'abbaye ou bien, peut-être, parmi les religieux de Sainte-Vaubourg des moines,« probes et sages », qu'il envoya s'établir à côté de La Presle.

A la tête de ces moines devait se trouver un prieur, au-dessous de lui un camérier et, après eux, des frères convers formant ainsi une véritable communauté, moins nombreuse, mais plus en vue que celle des religieuses, et la cause pour laquelle Bauny, trompé par les souvenirs traditionnels, marque dans son Pouillé que le couvent de La Presle était un « Prieuré en règle de religieux bénédictins »>*.

Le prieur avait la direction spirituelle des religieuses; c'était lui qui entendait leurs confessions et qui leur administrait les sacrements « Ipse prior claustralis per ipsum abbatem ibidem institutus, vice et non sine abbatis ipsius qui pro tempore reget, in sacramentis ministrandis, in confessionibus audiendis et in aliis quæ spiritualia tangunt seu tangere possunt, prout ab olim consuetum est, officium sibi commissum, ut a Deo sibi ministratum fuerit, exercebit. »

Le camérier (chambrier) s'occupait de l'administration des biens temporels de la maison; il veillait à leur conservation et pourvoyait aux besoins ordinaires des religieuses. - «Nihilominus ipse camerarius, per ipsum abbatem institutus, negolia sœcularia, ad instantiam priorissæ loci, prout ab antiquo fuerit observatum, reget et observabit 5 ».

L'institution de ces deux religieux n'appartenait nullement à la prieure. Toutes les fois que ces dames avaient besoin d'un père prieur ou bien d'un camérier, elles adressaient leurs

1. Jobin Hist. du Prieuré de Jully, pièces justific., n° I, p. 206; charte de fondation du monastère de Jully.

2. Voir la Bulle du pape dans Jobin, op. cit., p. justif. no X, p. 215. 3. Id. no XVIII, p. 224 et XXVIII, 236.

4. Varin Arch. adm. II, 1067.

5. Jobin, op. cit., p. 148.

lettres scellées à l'abbé de Molesme, qui répondait à leurs désirs; et lors même que ce prieur ou ce camérier se fussent montrés indignes ou incapables ou opposés à elles, elles ne pouvaient que demander leur remplacement par lettres signées de la prieure et des six plús anciennes religieuses; le choix, la révocation et la nomination des moines n'étaient à aucun autre qu'à l'abbé, qui si domui inventi fuerint minùs apti ad petitionem priorissæ el conventus mutabuntur a nobis bona fide, magis idoneis subrogandis'.

L'abbé de Molesme possédait, en effet, sur toutes les communautés de filles de la filiation de Jully une juridiction pleine et entière. Il avait le droit de les visiter, celui d'y faire des règlements, d'opérer toutes réformes pour le meilleur gouvernement de ces maisons. C'était de lui ou de ses délégués que les novices recevaient l'habit monastique; c'était en sa présence, ou par devant ceux-là que les sœurs prononçaient leurs vœux; les élections des pricures devaient être confirmées par lui : il était, en un mot, le chef en même temps que le père de la congrégation 2. En ce qui concerne La Presle plus particulièrement, pour certifier ce qui précède, nous pourrions ne faire qu'attester qu'il existe, parmi les titres du Prieuré, une carte de visite faite par l'abbé dans le courant du XIIe siècle"; puis ajouter simplement qu'à la même époque (1258), la prieure du Val d'Osne en rendait témoignage au nom de son couvent et en celui de toutes les autres maisons de Dames1. Mais nous avons mieux à rapporter, car la charte de fondation du monastère, rédigée à la Presle même apud Pratellam par l'abbé de Molesme, Giraud, établit d'une manière expresse la situation dépendante du prieuré vis-à-vis de Jully, de Molesme et par conséquent de l'abbé; et elle détermine exactement la façon dont celui-ci a résolu d'assurer le service religieux au prieuré.

Le premier point n'est que la confirmation pure ét simple de ce que nous avons dit. Mais, pour ce qui est de l'établissement des moines à côté de la Presle, en vue de remplir auprès des dames les fonctions que nous savons, la charte relate qu'à l'instance de la dame de Villers, et à cause de la nouveauté de la fondation, « ad instantiam.... nobilis supradicto attendentes quod in primâ fundatione locorum plerumque solet novitas exoriri », l'abbé a modifié les statuts pour un temps: Tout d'abord les religieuses se contenteront d'un seul moine; puis, lorsque l'accroissement de leurs revenus leur permettra d'en entretenir deux,

1. Id., p. 152; v. aussi la charte de fondation de la Presle.

2. Voir id. le récit circonstancié de la confirmation solennelle d'une prieure de Jully en 1331.

3. Voir au Cart. la pièce no XCVI.

4. Jobin, op. cit., p. 283.

l'un qui sera prieur et l'autre camérier, on leur donnera un deuxième; enfin, si dans la suite des temps, le bien de la maison exige qu'il y en ait un troistème, l'abbé le joindra volontiers aux deux autres. « Statuimus ut ... moniales uno monacho sint contentæ, quousque duos sustentare valeant, ejusdem loci redditibus augmentatis unus prioris et alter camerarii vices agens; quibus et cum, tertius addi posset diligenter, succedente tempore, ejusdem domús necessitate pensatá.....»

Tel était, dans ses points principaux, le règlement des religieuses du Prieuré de La Presle.

La famille seigneuriale d'Ecry, qui avait concouru déjà aux premières tentatives de la dame de Villers, ne tarda pas à approuver la nouvelle fondation : dès l'ouverture du Prieuré, Gérard d'Ecry, seigneur suzerain du lieu où le monastère était construit, confirmait libéralement à l'église de Molesme l'entière propriété de La Presle et de ses dépendances autant qu'elles lui appartenaient'.

La reconnaissance canonique de la maison ne se fit pas non plus attendre.

Albéric dit Humbert de Hautvilliers, auparavant archidiacre de Paris, était assis depuis deux ans sur le grand siège de SaintRemy. C'était un prélat à l'âme ardente, mais aux sages conseils. Disciple du fameux curé de Neuilly, il avait prêché la croisade avec lui; puis, payant de sa personne, à peine fut-il monté sur le siège de Reims qu'il se croisa une première fois contre les Albigeois en 1212, une seconde fois en 1215; et qu'enfin, après avoir assisté au concile général de Latran (1215), il repartit pour la guerre sainte (1218), d'où il revint pour mourir à Pavie, veille de Noël de cette même année. Cependant, le caractère chevaleresque du prélat ne l'empêchait pas de se montrer le promoteur des œuvres pies de son diocèse, aussi bien qu'il était le défenseur de la justice dans ses expéditions contre les hérétiques ou contre les infidèles. En 1209, il obligea Raoul d'Ecry à faire restitution des biens qu'il avait usurpés à l'abbaye de S'-Nicaise et, en juin 1212, obtempérant aux dévotes sollicitations de la dame de Villers, il confirma l'établissement du Prieuré de La Presle, sa sujétion à l'abbaye de Molesme, et ajouta aux donations des fondateurs l'offrande de l'Eglise de Reims 2.

Cette bienveillance de l'archevêque envers les filles de SaintBenoît de La Presle assura l'avenir de leur pieuse fondation. D'autre part, la sainteté de leur Ordre, sa prodigieuse fécondité, sa grande réputation, la pauvreté dans laquelle elles vivaient, la nouveauté de leur venue, leur acquirent la sympathie des

1. Voir au Cart. la pièce no II.

2. Id., III.

habitants de la contrée et l'affection des seigneurs; elles leur amenèrent des offrandes généreuses et leur valurent, comme à Jully, de nobles et nombreuses vocations qui les perpétuèrent.

CHAPITRE DEUXIÈME

De la fondation du Prieuré à la guerre des Anglais (1212-1239)

Le premier seigneur qui se montra généreux en faveur de La Presle, d'après les pièces du Cartulaire, a été le seigneur de Vieux, aujourd'hui Vieux-les-Asfeld, lequel fit don au monastère de 18 septiers et un seau de froment à Villers devant le Thour'. Après lui, les seigneurs de Guignicourt', Château-Porcien3, Condé, Tours-sur-Marne, malgré qu'ils fussent éloignés. Les comtes de Champagne eux-mêmes figurent parmi les bienfaiteurs, si bien que de 1212 à 1218, ils avaient déjà aumôné à La Presle au moins 90 septiers de blé, un muid de seigle, et un muid de vin.

Des vocations religieuses surgirent pareillement autour du monastère par suite de la salutaire influence que les pieuses filles de Saint-Benoît répandirent, sans tarder, dans les populations. La première de ces vocations dont le temps nous ait conservé le souvenir, et certainement la plus illustre, fut celle d'une comtesse de Champagne, nommée Marie-en-bonnemain, et de sa nièce, avant 1218.

Ce fut à la toute particulière intention de ces dames que Blanche', veuve de Thibaut III, comte de Champagne, fit au Prieuré de La Presle le don de 15 muids de vin à prendre annuellement et à perpétuité sur les vinages de Cys (près Fismes) et de La Presle, avant septembre 1229".

Cependant, chose étonnante, déjà en ce temps-là, moins de dix ans après la fondation de La Presle et de sept ans après l'arrivée des religieuses, l'église du Prieuré dont nous voudrions connaître le style, la structure, le décor, les dimensions et chacun des détails, avait besoin de réparations.

1. Id., LXVI.

2. Id., LXXX et CII.

3. Id., XXVII.

4. Id., XLIII.

3. Id., III.

6. ld.

7. Blanche, fille de Sancho, roi de Navarre, devint comtesse de Champagne en 1199, par son mariage avec Thibaut III. A la mort de ce prince (21 mai 1201), elle garda la régence du comté jusqu'à la majorité de son fils, Thibaut le Chansonnier ou le Posthume; elle mourut en 1229.

8. Voir au Cart. la p. no XVI.

Quelles furent les causes de cette nécessité? La mauvaise construction de l'édifice, la guerre ou quelque accident survenu? Quelle était la partie endommagée? Nous l'ignorons. Nous constatons seulement qu'une noble femme, Vuidèle de Saint-Michel, émue de voir cet état de l'Eglise et de savoir les sœurs dans l'impossibilité d'y suppléer à cause de leur sainte pauvreté, résolut de leur venir en aide et qu'elle promit de leur donner, après sa mort, 15 livres d'argent parisis, 5 pour elles-mêmes et 10 pour leur église'.

La famille d'Ecry, tout particulièrement, depuis la généreuse intervention de Raoul, n'avait cessé d'être bienfaisante au Prieuré. Ainsi, vers cette époque, une enfant de cette noble lignée, Berthe d'Ecry, se fit religieuse à La Presle. Berthe devait avoir pour père Gérard d'Ecry et pour mère Catherine, femme de celui-ci. Elle avait pour frère Gui d'Ecry2, chevalier, que les chartes mentionnent immédiatement à la suite de Gérard et qui ne peut manquer d'être un fils de celui-ci.

A quelle époque Berthe entra-t-elle au couvent? Combien de temps y resta-t-elle ? Il est certain qu'elle y mourut, car, il y a peu d'années, comme si l'âme de cette pieuse enfant avait encore besoin de prières, la Providence permit qu'on retrouvât dans les ruines de l'emplacement de La Presle la pierre tombale de Berthe avec cette inscription :

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Cette entrée en religion de la fille de Gérard d'Ecry ne put que resserrer les liens de sympathie qui existaient entre les deux maisons. Il ne faut pas s'étonner, par conséquent, si nous voyons Gérard se qualifier d'avoué de La Presle, « advocatus loci de Pratella (1212); Catherine, sa femme, choisir avec une complaisance marquée, le lieu de sa sépulture dans celui où sa fille demeure; Gérard, y fonder pour eux deux (févr. 1222) un service anniversaire avec l'approbation de l'archevêque'; puis, l'année suivante, Gui d'Ecry, sur le point de partir pour la Terre

1. Id., XXV (janvier 1219).

2. La veuve de Gui d'Ecry, nommée Isabelle et ses enfants mineurs paraissent dans deux actes de l'abbaye norbertine de Chaumont-Portien en 1239. (Hist. manuscrite de l'abb. de Ch., I, 84 et II, 870.) En 1254, l'un des enfants de Gui paraît sous le nom de Jean de Bertancourt, homme d'armes; ce Jean était mort en 1258, laissant une veuve nommée Voydla, dame de Thaizy et des enfants en bas-âge. (Id., 871.)

3. Jadart: Claude Franc. Bidal, p. 7.

4. V. au Cart., la pièce no V. En 1228, un Gérard d'Ecry, seigneur de Bertincourt, est mentionné dans l'Essai historique sur Rosoy-sur-Serre, par G. Martin (I, 322). Il avait affecté à la fondation d'une chapelle dans l'église Saint-Martin-de-Laon tout le blé qui lui était dû à Renneville, et il demanda à Alix, dame de Rosoy, de permettre à cette église la paisible jouissance de cette donation.

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