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Sainte d'où il ne devait pas revenir, faire à La Presle une générosité nouvelle et y fonder, lui aussi, son service annuel (1223).

Nombre de familles composant la noblesse ardennaise montrèrent par leurs offrandes l'intérêt qu'elles prenaient à l'existence du monastère et par là le bien que les bénédictines faisaient dans tous les environs comme sur ces familles mêmes : c'était d'abord le frère de la pieuse fondatrice, Raoul de Villers, qui approuvait et augmentait les libéralités de sa sœur ; c'étaient ensuite les seigneurs de Sompy", de Radulsicourt, de Quarnay', de Vendy', et de Ceris, Cery ou Sery', qui faisaient don au Prieuré de 2 muids de vin, 2 muids et 16 septiers de froment durant la seule année 1224.

Quel était donc, en ces premiers temps, l'esprit du monastère? Dans tous les cloitres, les années qui suivent l'établissement d'une communauté sont marquées au coin de la ferveur; la règle de l'Institut y est observée scrupuleusement et, si quelqu'un des membres songe à modifier un point ou l'autre du règlement, c'est plutôt pour en accentuer la sainte rigueur que pour y apporter l'apparence même de quelque adoucissement. Les ménagements paraissent dans tous les Ordres religieux, alors seulement qu'on s'éloigne des origines, que le nombre des sujets augmente, que la fortune de la maison s'accroit, que les relations avec le siècle s'étendent, en un mot, que la nature humaine apparaît davantage, ou bien encore lorsque la guerre, la peste, la famine, un fléau quelconque, des circonstances malheureuses, graves, inattendues y conduisent fatalement l'Institut, la maison ou les sujets qui les composent. Il en fut de même évidemment au Prieuré de La Presle: il est donc également évident que l'on ne doit pas interpréter dans le sens d'un adoucissement à l'ordinaire prescrit par la règle de Molesme et les coutumes de Jully le legs de la dame de SaintMichel en vue de la réfection des religieuses", non plus que d'autres, en vue de leur vètement11, de leur chaussure 13, ou du luminaire de leur maison 13. D'ailleurs, qui pourrait croire qu'en moins de dix années, les dons faits à La Presle eussent amé

3. Id., IV.

4. Id., VII et LI; juillet 1224.

5. Id., X;mai 1224.

6. Id., VII; juillet 1224.

7. Id., VIII et XXIX; juillet 1224.

8. Id., II; juillet 1224.

9. Id., XI; juillet 1224.

10. Id., XXV; 1219.

11. Id., XXXII; 1245.

12. Id., XXIV et XLVIII; 1242.

13. Id., VIII; juillet, 1224.

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lioré le sort matériel de la communauté au point de permettre qu'on ajoutat au général des suppléments de nourriture appelés pitances »>, et qu'on servit des chapons' au réfectoire? Nous sayons, au contraire, que ces dames étaient pauvres, d'après le titre de l'archevêque de Reims, en 1212, d'après celui du comte de Soissons, en 1239', d'après tous ceux du Cartulaire de la maison, malgré les dons qu'on leur faisait; elles étaient même si pauvres que cet excès de dénuement ne cessa d'empêcher le développement du Prieuré; qu'il fut la cause de son incapacité à devenir abbaye et qu'il causa en grande partie sa ruine totale. Il est encore une chose qu'il est bon d'expliquer, c'est la forme de rédaction des dons faits aux religieuses par leurs parents, amis et bienfaiteurs. A la lecture de la plupart des pièces il semble que ces pieux donateurs, n'ayant en vue que l'une ou l'autre religieuse, aient voulu que celle-là seulement jouit de leurs bienfaits à l'exclusion des autres. Telle n'a pu être l'intention de ceux qui ont fait quelque don aux sœurs; ils ont pu avoir pour but de subvenir aux besoins de telle ou telle; ils ont pu vouloir, en faisant une dot à une dame, assurer à celle-ci sa subsistance jusqu'à sa mort; peut-être même que certains n'eussent rien donné au Prieuré si la présence d'une telle ne les y avait obligés; malgré cela, le vœu de religion, rendant chacune incapable de posséder quoi que ce soit et, toutes vivant de la vie commune, c'était à la communauté que l'on faisait un don, c'était pour le couvent tout entier, afin que toutes en jouissent dans une égale mesure.

Quoi qu'il en soit, vers l'an 1228, un désaccord comme on en voit si fréquemment au moyen-âge, et comme le Prieuré avait failli déjà en éprouver quelqu'un', surgit entre La Presle et l'abbaye de Septfontaines, de l'Ordre de Prémontré, à quelques lieues au nord d'Ecry, dans la Thiérache. Il s'agissait de vingt setiers de blé que les sœurs percevaient près Villers devant le Thour, et que les prémontrés prétendaient appartenir à leur maison. Heureusement, il n'en fut rien; de par l'autorité du Pape un compromis fut fait d'après lequel les religieux se regardaient comme non fondés et les dames de La Presle payaient dix livres parisis; le tout fut approuvé par l'abbé de Septfontaines et l'archevêque de Reims".

1. Id., XXV; 1219.

2. Id., LXXVII. En 1246, le même comte de Soissons certifia en présence du comte de Rethel, qu'on avait donné aux religieuses de La Presle un muid de blé à prendre tous les ans à Villers devant le Thour (collect, de Champ., XXI, 200).

3. Id., III.

4. Id., XIII; janvier 1228.

5. Id., XIV; janvier 1228.

6. Id., XV; avril 1229.

Malgré sa pauvreté, le couvent de La Presle devait être en état de payer ces dix livres, car si beaucoup de ses titres sont muets sur la vie. intérieure de ses membres, ils nous apprennent, du moins, qu'un bourgeois lui avait donné, à Reims, une maison toute meublée', que d'autres se plaisaient à décharger les dames de certaines servitudes, et qu'enfin les seigneurs de Saulx3, de Vouziers, de Sery', d'Avaux, de Dampierre', du Chastelet, de Saulce', de Sarnay ", de Son11, d'Anecy 12, du Thour 13, d'Epinois 11, de Château-Porcien 15, de Contreuve et d'autres ne cessaient d'accorder leurs faveurs à La Presle, pour leurs anniversaires, pour la dot de plusieurs religieuses ou simplement par pure charité.

Nous ne nous arrêterions pas sur ces diverses pièces si nous n'avions fait cette remarque qu'à la suite de l'une d'elles, datée de 1223 et mentionnant la vente d'une terre par la prieure à l'Hôtel-Dieu de Laon, une main du XIIIe siècle a qualifié cette prieure de première des abbesses »". Quinze ans plus tard, en 1238, une pièce émanée d'un seigneur du Chastelet et rédigée au Chastelet même, c'est-à-dire à deux ou trois lieues de La Presle, donne au couvent le titre d'abbaye". Trente-quatre ans encore après, un chanoine de Reims, nommé Guichard, qui connais sait La Presle pour lui avoir été utile, faisant son testament, laissait quelque chose à cette maison et qualifiait la supérieure d'abbesse 19.

1. Id., XXVIII; juin 1242.

2. Id., XXXIII, octobre 1246 ; et XXXV, décembre 1242.

3. En 1229, Thierry, seigneur de Saulx, donna aux Religieuses de La Presle quatre septiers de seigle à prendre tous les ans sur le territoire de Perte (Biblioth. nat., Coll. de Champ., XXI, 163).

4. V. au Cart. la pièce no LXXIV; août 1231.

5. En 1232, le seigneur de Sery accorda aux religieuses de La Presle l'usage dans ses bois, tant pour elles que pour leurs bestiaux (Bibl. nat. Coll. de Champ., XXI, 178).

6. V. au Cart. les pièces no LXXXVIII, novembre 1233; et XXXI, avril 1244.

7. Id., XLIX; mars 1233.

8. Id., XX; 23 mai 1238.

9. Id., XLVII; mai 1238.

10. Id., LXXVII; avril 1239.

11. Id., XXIX; juillet 1239.

12. Id., XXII; décembre 1241. 13. Mars 1241.

14. Id., LXXIX; 1245.

15. Id., L; décembre 1239.

16. Id., XXVI; février 1242.

17. V. à l'appendice.

18. V. au Cart. la pièce no XX. 19. V. à l'appendice.

Que faut-il en conclure? En ce temps-là, la maison de La Preslé était-elle une abbaye ou un simple Prieuré? Nous avouons volontiers qu'après les données qui précèdent, connaissant l'historique de Jully, qui fut d'abord abbaye, puis qui devint prieuré vers l'an 12251, nous serions fort tentés de décorer aussi La Presle du titre d'abbaye; mais, outre que nulle part, en dehors de ces trois circonstances, nous n'avons vu le couvent porter le titre d'abbaye, nous savons des exemples de semblables erreurs commises volontairement ou non, au Moyen-âge 2 et surtout nous ne pouvons cacher que, vers la même époque, l'abbé de Molesme, supérieur immédiat de cette maison où, d'ailleurs il faisait ordinairement sa visite régulière, nommait La Presle « Prieuré ». C'était en l'an 1233, sur une question d'immeubles et de droits seigneuriaux, une assez grosse difficulté s'était élevée entre La Presle et le seigneur d'Ecry, Gérard, dont nous avons parlé. Le différend avait pris même une tournure menaçante, lorsque le doyen du Chapitre de Reims et le chanoine Guichard, déjà nommé, offrirent leur bienveillante médiation et renouèrent l'accord rompu entre le sire d'Ecry et les dames religieuses. Mais ce n'est pas sur cette affaire que nous voulons attirer l'attention. A la suite de cet accommodement, l'abbé de Molesme, Isambert, qui avait ratifié le compromis des deux médiateurs (octobre), leur écrivit une lettre remplie de grâces, de savoir-vivre et de remerciements; et, dans cette lettre, il appelle Prieuré » la maison de La Presle 5. Quoi de plus?

En ce temps-là, Gérard d'Ecry ne devail pas tarder à mourir; au mois de mai 1234, il n'était déjà plus; Raoul, un de ses fils, approuva donc, selon la promesse de son père, le legs testamentaire que sa mère avait fait à La Presle.

Cinq ans plus tard, au mois de juillet 1239, un autre Gérard, chevalier, sire d'Ecry et sa femme, nommée Contesse, adhérèrent, en qualité de seigneurs suzerains, à l'achat de 3 jours de terre que le couvent de La Presle avait fait dans la circonscrip

1. Gallia christ., IV, 730.

2. Par exemple, bien qu'il n'y ait jamais eu qu'un chapitre de chanoines à Rozoy-sur-Serre, l'évêque de Laon, son fondateur, en 1018, appelait cette collégiale abbaye (H. de Rozoy, I, 178-182). De même, bien que le petit monastère de Crécy (O. Prem.) de la dépendance de l'abbaye de Belval, au diocèse de Reims, n'ait été jamais qu'un Prieuré, il est désigné avec le titre d'abbaye dans 2 rôles de taille et de surcens de 1328 (Varin: Arch. adm. la V. de R., II, 495 et 558).

3. V. au Cart, la pièce n° XCVI.

4. Id., XVII.

5. Id., C.

6. Id., XVIII.

tion de leur domaine'. C'était l'application du traité fait par les deux maisons au mois d'octobre 1233; c'était aussi la première acquisition qu'eût faite la pauvre communauté de La Presle; nous n'en connaissons même qu'une seconde de deux petits morceaux de terre achetés à un habitant de Villers devant le Thour en 12472; mais n'anticipons pas.

Les pièces dont nous nous sommes servi jusque-là nous ont transmis les noms de plusieurs religieuses. Nous avons déjà cité une comtesse de Champagne, sa nièce et une enfant de la famille d'Ecry; ajoutons Eustachette, sœur d'Oudard, chevalier dé Château-Porcien; Yde, fille de Gui, chevalier de Menneville, frère d'Oudard et partant nièce d'Eustachette: toutes deux vivaient encore en avril 12563; Catherine, fille de Raoul de Mont', probablement parente des deux premières (déc. 1239); Berthe, dite Gobinette', fille de Gilles, chevalier d'Anceny (déc. 1241; Gobinette, fille de Gilles de Contreuve; Mahaut et Marguerite (février 1242). Quant aux prieures, elles nous sont presque inconnues: c'est seulement en 1242, trente ans après la fondation du monastère, que nous voyons dans le Cartulaire de La Presle l'intervention de l'une d'entre elles.

Trois actes de juin, de décembre et de mars de cette année font mention de cette dame et nous apprennent d'elle ce qui suit: Au mois d'août 1231, le chevalier Henri de Vouziers avait aumôné à La Presle 5 setiers de froment à prendre tous les ans, à perpétuité, sur les dîmes de Vendy qui lui appartenaient. Henri s'était marié à Poncette et, de cette femme, il avait eu un fils, probablement nommé Gaucher, qui hérita de la seigneurie maternelle de Vendy et une fille nommée Isabelle qu'il avait mariée elle-même, plus tard, au chevalier Jean de Montgon. Au mois de mars 1242, la femme et la fille de Henri de Vouziers étaient mortes, mais Gaucher de Vendy avait eu, à son tour, une enfant, laquelle était, à ce moment, prieure de La Presle; et Isabelle de Vouziers, que nous pensons avoir été sœur de Gaucher, avait eu également de son union avec Jean de Montgon, Beaudoin, devenu seigneur de Vendy, et Emmelotte, religieuse de La Presle, comme sa cousine, la prieure Mme de Vendy. Aucun acte ne certifie ce que nous avançons; mais l'étude attentive des pièces nous autorise à embrasser cette opinion'.

1. Id., CX.

2. Id., XXXVI; voir aussi au chapitre V à la date de 1696. 3. Id., LIII.

4. Id., L.

5. Id., XXII.

6. Id., XXVI.

7. Id., XXIV et XLVIII.

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