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fait aussi nommer Directeur des études historiques à l'Ecole des Hautes-Etudes, poste où personne n'eût été mieux à sa place que lui. J'ai parlé du professeur M. Renan qui l'avait si intimement connu, vous aurait parlé de l'homme mieux que je ne pourrais le faire. Tout ce que je vous en dirai, c'est qu'en le voyant je ne pouvais m'empêcher de songer au nom que porte cette chaire qu'il a occupée chez nous avec tant de distinction: on l'appelle, vous le savez, Histoire et Morale, et l'on a été quelquefois surpris de voir réunir ainsi deux sciences que d'ordinaire on étudie à part. M. Maury m'a fait comprendre ce mélange : il réalisait en lui tout ce que ce double titre semble promettre. S'il enseignait l'histoire par ses leçons, il prêchait la morale par son exemple. Savant sans pédantisme, indépendant sans forfanterie, il n'a jamais eu dans sa vie qu'une passion, l'étude. C'est elle qui lui a fait supporter légèrement la médiocrité de sa situation pendant sa jeunesse. Quand, plus tard, il est parvenu à des fonctions élevées, il n'a rien changé à ses habitudes, il a toujours étudié. Dans ses fortunes diverses il n'a jamais eu qu'une pensée: ajouter sans cesse à ce trésor de connaissances qu'il enlassait dans sa mémoire fidèle, C'était le grand intérêt de sa vie, le reste ne le touchait guère. Il avait fait tout son bonheur des jouissances secrètes que donne le travail; il n'était sensible qu'à une joie, celle de savoir. C'est ce qui a fait parmi nous l'originalité de sa figure. Semblable à ces savants d'autrefois qui peuplaient nos vieilles Académies et dont il nous a si bien raconté l'histoire, il laisse à ses amis, à ses confrères, à ses collègues, à ses élèves, à tous ceux qui l'ont connu et qui se sont instruits à le lire et à l'écouter, le souvenir d'un esprit ferme et libre, inébranlable dans ses opinions, mais respectueux de celles des autres, et l'exemple d'une vie irréprochable, pleine d'œuvres utiles, entièrement dévouée à la science, qu'il a servie par son talent et honorée par son caractère.

Discours de M. Hauréau, membre de l'Institut, au nom du Journal des Savants.

Messieurs,

Le Journal des Savants a fait une nouvelle perte, et bien cruelle. Retenu loin de nous, durant plusieurs années, par la plus douloureuse maladie, M. Alfred Maury vient de s'éteindre, ayant depuis longtemps perdu ses forces physiques, mais ayant toujours conservé la plénitude de ses facultés morales, sa merveilleuse mémoire et son jugement aussi loyal qu'éclairé.

Appelé, le 25 mars 1859, au Journal des Savants, il en fut toujours un des rédacteurs les plus assidus et les plus utiles. Les lecteurs de ce journal, étrangers et français, savent avec quelle compétence il traitait toutes les questions historiques, avec quelle complaisance il exposait les opinions des autres, avec quelle urbanité, quelle bienveillance, il rectifiait celles qu'il n'estimait pas justes. Voilà, peut-on dire de lui, voilà un critique qui ne s'est

jamais fait un seul ennemi. Aussi la nouvelle de sa mort a-t-elle causé partout une douleur profonde. On regrettera longtemps le savant, plus longtemps encore l'homme de bien. Pour moi, Messieurs, je regretterai toujours un de ces tendres amis qu'on ne remplace pas, surtout à mon âge.

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Dans les trois discours que nous venons de reproduire, personne n'a songé à rappeler qu'Alfred Maury avait été le secrétaire du comte de Clarac, ancien conservateur des Antiques du Louvre, membre de l'Institut, et que c'était à Maury qu'on devait l'achèvement du grand et capital ouvrage de ce savant, le Musée de sculpture antique et moderne. Les derniers volumes de ce recueil sont en effet l'œuvre d'Alfred Maury. Il a rendu par cette publication un service signalé aux archéologues et il a attaché son nom à une œuvre qui, malgré les années écoulées, reste encore aujourd'hui d'une utilité pratique incontestable à tous ceux que l'histoire de l'art intéresse. C'est une preuve nouvelle de sa fécondité, de la facilité avec laquelle son esprit se pliait à tous les genres de recherches et de l'étonnante diversité de ses aptitudes.

M. Etienne-Marie HERON DE VILLEFOSSE est mort à Nevers le 10 juin 1892, le jour même de ses soixante-sept ans; il était né à Paris le 10 juin 1825. Ancien élève de l'Ecole des chartes, il appartenait à la brillante promotion de 1847; il fut nommé archiviste paléographe le 15 janvier 1849 en même temps que Léopold Delisle, Léon de Bastard, Auguste Himly, Adolphe Tardif, Charles Marty-Laveaux, etc. Il présenta, pour obtenir ce titre, une thèse, qui est malheureusement restée manuscrite, sur le roman de l'Image du Monde.

Ancien auxiliaire attaché aux travaux de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres, ancien archiviste du département de la Nièvre, ancien secrétaire de la Société nivernaise des sciences, lettres et arts, aucien membre de la Commission de comptabilité de l'Ecole des chartes, membre du Conseil de la Société française d'archéologie, il a laissé partout le souvenir d'un homme de bien et de valeur. Par ses origines, il appartenait à la Brie où il avait été élevé et où il avait passé son enfance; les hasards de la vie le conduisirent à Nevers où il se fixa définitivement et où il vivait depuis quelques années au milieu de ses livres et de sa famille. C'était un érudit charmant, un causeur aimable et de bonne compagnie, qui avait conservé les allures et la grâce des hommes d'autrefois. Il avait toujours une anecdote intéressante à conter, un souvenir historique à rappeler, et, s'il n'a pas laissé de travaux imprimés, on peut dire qu'il a beaucoup appris à ceux qui l'entouraient et à ceux qui le fréquentaient. Sa mémoire était aussi prodigieuse que son érudition. Ecrivain élégant, préparé par une

forte éducation classique, il aimait la littérature autant que l'archéologie et l'histoire. Sa correspondance est un modèle du genre; ses lettres étaient toujours impatiemment attendues par ses amis; elles sont comme un reflet de son âme droite et de son esprit cultivé. Poète à ses heures, il a composé une certaine quantité de pièces de vers ea français et en latin et surtout des fables françaises délicatement écrites. Un moment il eut l'idée de renouveler la Gazette de Renaudot et de faire chaque semaine, en vers francais, le récit des évènements quotidiens; mais cette tentative, connue seulement d'un petit cercle d'amis. n'eut pas de suites. Ses œuvres sont presque toutes restées manuscrites; il faut espérer que la main pieuse d'un ami les réunira quelque jour et en fera profiter ceux qui l'ont connu et aimé. Nature aimable et bonne, cœur droit, il faisait le bien avec conviction et avec une sincérité que rien ne pouvait rebuter. Les pauvres de Nevers le savent; ils perdent en lui un véritable père.

Atteint depuis deux années par une maladie cruelle, il s'est éteint doucement, en pleine connaissance, et avec la foi d'un grand chrétien, dans les bras de sa fille, la comtesse Dupleix de Cadignan, veuve d'un ancien officier de cavalerie. Il était le troisième fils du baron Heron de Villefosse, membre de l'Académie des sciences, inspecteur général des Mines, conseiller d'Etat, bien connu par ses travaux sur la Richesse minérale, et de Joséphine Chaumont de la Millière. T. de C.

Nous apprenons la mort d'un paysagiste de talent, M. FélixSaturnin Prissot de Warville, petit-fils du conventionnel du même nom, ancien régisseur des palais de la Malmaison et de Compiègne.

M. Brissot de Warville était né à Sens (Yonne) en 1818. Elève de Léon Cogniet, il s'était tourné de bonne heure vers le paysage et, depuis 1840, il avait exposé à presque tous les Salons. Il y avait été récompensé en 1859, en 1863, en 1882 et en 1889. On voyait de lui aux Champs-Elysées, cette année, des Moutons sur la lisière d'un bois et le Retour des champs.

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Le doyen des vétérans de la Grande Armée vient de mourir à Beaumont-en-Argonne, département des Ardennes.

J.-B Picard était né dans cette commune le 17 décembre 1790; il avait donc cent un ans, passés.

Incorporé au 13o régiment d'infanterie en 1809, il fut fait prisonnier, la même année, à Flessingue, et passa cinq années à Portsmouth, sur les pontons.

Libre, il reprit du service, se battit à Fleurus, puis à Waterloo, où il reçut deux blessures au combat de la ferme des Quatre-Bras. Rentré dans ses foyers, il résida longtemps à Létanne.

Ce n'est qu'après la mort de sa femme qu'il vint habiter Beaumont, avec sa fille, qui l'entourait des soins les plus dévoués. Il s'est éteint sans aucune souffrance, ayant reçu les derniers sacrements.

On annonce la mort la mort d'un « vieil Africain Trumelet.

(Gaulois.)

le colonel

Né à Reims en 1820, le jeune Trumelet, à peine âgé de 19 ans, s'engageait dans l'infanterie légère. En 9 ans il conquiert l'épaulette et, venu en Algérie avec son régiment, il y gagne tous ses grades, de celui de lieutenant à celui de colonel; pendant 20 ans il prend part aux expéditions importantes dans les provinces d'Oran el d'Alger.

En 1877, adinis à la retraite, il alla s'installer à Valence, où il devait finir ses jours.

Ecrivain distingué, narrateur inimitable, le colonel Trumelet a écrit notamment les Français dans le désert (journal historique, militaire et descriptif d'une expédition aux limites du Sahara algérien), le Livre d'or des tirailleurs indigènes de la province d'Alger, plusieurs romans, etc.

Pour obéir à une patriotique pensée, le colonel Trumelet avait pris l'initiative de l'érection d'une statue au brave sergent Blandan, à Bou-Farik.

Le colonel Trumelet laisse un fils qui marche fermement sur les traces glorieuses de son père; le commandant Trumelet-Faber, chef de bataillon au 55e régiment d'infanterie, continue sa tradition de science et de bravoure.

Répertoire archéologique de l'arrondissement de Reims, publié sous les auspices de l'Académie de Reims. 9 fascicule. Canton d'Ay, par MM. Ch Givelet, H. Jadart et L. Demaisou. Reims, F. Michaud, 1892. 1 vol. de 358 p gr. in-8°, avec 25 pl., bois, etc. Prix: 10 fr. pour les souscripteurs.

Ce volume continue l'entreprise commencée par les auteurs en 1883 et continuée en 1890-91 pour la ville et les cantous de Reims. Il offre la description entière du canton d'Ay, qui comprend dix-huit communes importantes pour la plupart par leur passé historique et leur richesse actuelle. On y trouvera notamment les monographies des belles églises d'Ay, d'Avenay, d'Ambonnay, de Bisseuil, d'Hautvillers et de Louvois, ornées de planches gravées, d'après les dessins de MM. Ch. Demaison, Auger et Ad. Varin.

Au point de vue épigraphique, plus de cinquante inscriptions y ont trouvé place, la plus curieuse datant de 1284 et relatant une fondation charitable à l'hôpital d'Avenay, les autres rappelant des noms bien connus dans la contrée, quelques-uns célèbres au loin, comme ceux de D. Ruinart et de D. Pérignon. Enfin, l'inventaire des anciennes cloches et des œuvres d'art de toutes sortes: statues, tableaux, carrelages, boiseries, sculptures, vient compléter la statistique monumentale de plus de vingt édifices. H. J.

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La Réforme et la Ligue en Champagne, documents publiés par G. Hérelle, professeur de philosophie, correspondant du Ministère de l'instruction publique. 2 volumes in-80, tirés à petit nombre sur papier vergé. Tome I, Lettres, XIII- 444 pages; tome II, Pièces diverses, 637 pages. Paris, Champion, et Vitry-le-François, Veuve Tavernier et fils.

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Chacun sait que la seconde moitié du xvIe siècle est une des périodes les plus troublées et les plus intéressantes de notre histoire; mais ce qu'on sait moins, c'est le rôle que la Champagne a joué pendant cette période. Ce rôle mérite pourtant d'être connu. C'est en Champagne que les Guise avaient leurs principales résidences; ils y exerçaient une influence directe et considérable; ils y fomentaient activement la guerre civile. Aussi la Ligue put-elle y occuper des places nombreuses, et le duc de Mayenne y fit avec son armée de très longs séjours. D'autre part, quelques villes restèrent courageusement fidèles à Henri IV, qui fit en personne dans la province jusqu'à trois expéditions et qui y envoya à plusieurs reprises de célèbres capitaines. Enfin c'est par là que

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