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LA VILLE ET DU PAYS DE MOUZON

(ARDENNES)

XV. Établissements religieux.

a. L'Abbaye des Bénédictins.

Le monastère Notre-Dame de Mouzon est en grande partie, aujourd'hui, occupé par l'hospice, après avoir servi successivement, depuis la Révolution, de dépôt de mendicité, d'hôpital ambulant, de justice de paix, de mairie, d'école, etc., etc. Une partie des bâtiments sert à la gendarmerie; la ferme est séparée; le colombier du couvent a livré passage à une rue. La construction consiste essentiellement en un grand bâtiment avec deux ailes en retour formant T l'une des branches se prolonge vers l'église, avec laquelle elle communiquait autrefois, pour donner passage aux religieux se rendant aux offices. Le cloître règne dans la partie de la cour qui touche à l'église, sur la tige du T, dent la face opposée donne sur les jardins. Les bâtiments n'ont rien de remarquable; ils sont solidement et simplement établis; on n'y distingue aucune partie, au point de vue architectural. Les jardins étaient fort beaux; on en peut encore juger par ce qui reste. C'est un immense secteur, dont le contour est formé par le chemin de la demilune qui nous rappelle qu'il s'étendait jusqu'aux fossés des fortifications. Il était divisé en trois grands secteurs, par des canaux d'eau courante et présentait en conséquence, avec d'autres pièces d'eau circulaires et transversales, l'aspect le plus agréable. Çà et là, disposés avec goût, on rencontre deux ou trois petits chalets convenablement aménagés; et les allées en rayons présentent, à certains carrefours, des statues et des sculptures dont quelques-unes ont de la valeur. Jadis, le dernier canal qui limitait le jardin du côté Est, était ce bras parallèle à la rue Porte-de-France qui venait rejoindre la Meuse, à moins de cent mètres au-dessous du pont; de sorte

• Voir page 825, tome IV de la Revue de Champagne.

que le secteur était sur près de 150 mètres riverain du fleuve. Le bâtiment actuel fut construit en 1665, trente-un ans après l'introduction de la réforme de Saint-Vanne. A ce moment, on ne toucha pas à l'église qui est le vrai et unique monument de l'abbaye. Avant cette reconstruction, le couvent qui était établi au même lieu, provenait lui-même d'une reconstruction postérieure à l'incendie de 1212, qui avait détruit une grande partie de la ville avec le monastère. On a déjà vu que c'est Adalbéron qui avait introduit les Bénédictins en 971, à la place des chanoines qu'y avait mis auparavant Herivée. En sorte que la maison revenait pour ainsi dire à sa destination première, puisque dès les temps fort anciens, qu'il n'est plus possible de préciser, elle avait été une abbaye de femmes de l'ordre de Saint-Benoit. Ajoutons que cette abbaye fut aussi brûlée lors de l'invasion des Normands en 882.

La célébrité des Bénédictins nous dispense d'en dire autre chose; leur vie modeste et retirée nous empêche de connaître l'histoire intérieure de notre abbaye. Il ne nous sera permis que de dresser une liste, aussi exacte que possible, des abbés qui la représentèrent.

1. Le premier abbé est Lieutald, ou Leotalde, Lietaldus, prieur de Thin, qu'Adalbéron établit en 971 à la tête de l'abbaye. Il mourut le 19 juin 997.

2. Boson, fut béni dix jours après la mort de Lieutald, par l'archevêque Arnould. On a vu déjà qu'il fut un grand bienfaiteur du monastère, qu'il en accrut considérablement le revenu. C'est lui qui fit ceindre l'abbaye d'un mur. Il eut enfin le bonheur d'obtenir de l'empereur saint Henri ce célèbre diplôme qui confirmait les biens de son église. Boson décéda le 22 juin 1026.

3. Il eut pour successeur Jean Ier. Cet abbé dont on a conservé le souvenir comme celui d'un homme vertueux et digne, fit élever les tours de l'église. On place sa mort le 4 septembre 1031.

4. Rodulphe Ier, Rodolphe, Raoul fut son successeur. Nous avons parlé de son goût pour les belles-lettres, qui le fit attirer dans ses écoles le célèbre Thierry de Lobbes. On signale sa présence à la dédicace de l'église Saint-Denis de Reims (1049) où se trouvait le pape Léon IX; ainsi qu'au sacre de Philippe Ier, roi de France, 23 mai 1059. Il fit bâtir le portique. intérieur de l'église Notre-Dame. La date de sa mort n'est pas bien connue. Les annalistes mouzonnais la fixent au 4 d'août 1059; tandis que les Bénédictins font mourir Rodolphe en

l'année 1048. Les « Annales mosomagenses » ne nous donnent rien à ces dates.

5. Le cinquième abbé fut Vernier ou Bernier, Bernere, Bernard, Bernerus, qui mourut le 14 janvier 1069 ou plutôt 1070 (17 calendes, février 1069).

6. Ici l'embarras commence le P. Fulgence place comme abbé Héribert, qui serait mort le 27 octobre 1074, et lui donne pour successeur Gippin, mort un 26 octobre, année non désignée. A Gippin aurait succédé Raoul ou Rodolphe II, décédé le 15 mai 1107, avec Hayderic ou Harderic pour successeur. Or, en nous en rapportant aux Bénédictins, il faut compter : 1o Bernier; 2o Gui Ier, Guido, à qui fut donné l'alleu de Court et Villette et qui serait mort en 1075, contrairement à ce que dit Nicolas Habert, qui place sa mort en 1083, 13 cal., fébr., 3o Gibuin ou Gilbin, le Gippin de Fulgence, dont la mort n'est pas indiquée, sinon un 26 octobre1. Ce Gibuin serait ainsi le septième abbé de Mouzon, et nous ajouterons, ce qui n'a peut-être pas été remarqué, que les Annales mosomagenses écrivent : « 1087 obiit abbas Gydoinus. »

8, 9, 10. Les successeurs de Gibuin auraient ensuite, d'après les Bénédictins, été Heribert, Renaud Ier, dont on ne sait rien, puis enfin Raoul II, déjà en possession de la crosse en 1090. Le P. Fulgence raconte que sous l'abbatiat de Raoul, vint au monastère un religieux de Saint-Hubert, nommé Lambert, lequel ayant, malgré les avertissements de son abbé, continué à mener une vie trop séculière, avait enfin été touché de la grâce et avait résolu de se laver de ses péchés : il demanda d'être condamné à l'exil par ses supérieurs. Il se mit en] route, couvert d'un sac, d'un cilice, chargé de chaînes, mendia son pain, et arriva un beau jour à la porte du couvent de Mouzon, qui était de son Ordre. Il y fut reçu avec bonté, et après avoir raconté sa vie passée et fait connaître son repentir, on l'y retint. Il mourut, ayant racheté ses fautes passées par une vie sainte et austère.

11. Nous voici maintenant d'accord sur le nom d'Harderic, onzième abbé. C'est sous [son pontificat que Calixte II vint à Mouzon pour la célèbre entrevue'de Brévilly. On suit les traces de cet abbé dans divers actes, en 1112, à propos de l'église de Rumigny; en 1118, pour l'église Sainte-Marie, proche Rethel;

1. L'acte de donation de saint Hilaire de Guilloy (Warcq), et de Novéant (Noyers?), qui est daté de Mouzon, 1079, porte la signature « Gilbuinus, abbas Mosomensis. >> (Berth. III, p. XXXV.)

en 1119, année de l'entrevue, sur une charte pour SaintSymphorien de Reims. En 1128, on trouve le nom de son successeur, dans la charte de l'archevêque Reginald (Renaud de Martigné), pour le prieuré de Saint-Maurice. On place en conséquence sa mort, en 1127, les Bénédictins disent le 27 décembre, Fulgence le 23.

12. A Harderic, succéda Richard. Nous devons le signaler, comme un des fondateurs de la chartreuse du Mont-Dieu, à laquelle il fit don d'un terrain considérable appelé le Val NotreDame, de Mouzon, puis le Champ-Baudouin, qui touchait à la chaussée de Brunehant, venant de Pont-Bar à Mouzon, joignant le village des Grandes-Armoises, et s'étendant jusqu'à l'étang Croisel. Cette donation faite en 1136, fut confirmée en 1142 par l'archevêque Samson. Ici, encore une difficulté; les Annales mosomagenses font mourir Richard en 1135; et après elles, Nicolas Habert répète la même chose. Et cependant, il existerait des pièces, celle de 1142, bulle confirmative de Samson, celle de 1145, bulle du pape Eugène, acte de 1149, au cartulaire de Saint-Denis de Reims, où se retrouve ou le nom ou la signature de Richard. Les Bénédictins et le P. Fulgence placent donc sa mort le 23 octobre 1149.

13. Son successeur fut Joran. Il mourut le 29 mai 1166, suivant Fulgence qui ajoute Gui II lui succède. Les Bénédictins placent un Jacques Ier, Jacobus, entre Jorannus et Guido II, quelques-uns même ont intercalé un Guillaume II. Voir les chroniques de l'Ordre de Saint-Benoit. Il y a apparence que Guido et Gydoinus, Gui et Gilbin, sont le même personnage.

Ganneron fait figurer, le 25 août 1170, « Jacobus, abbas Mosomensis », bienfaiteur du Mont-Dieu, à son Calendrier.

14. C'est du temps de Jacques, que ne connait pas le P. Fulgence, que saint Thomas de Cantorbery se réfugia à Mouzon. Fulgence place cet évènement au temps de Guy.

15. De Guy II, on sait qu'il souscrivit à une donation faite par l'archevêque Henri au monastère d'Elan. Fulgence place sa mort au 20 janvier 1176. Il paraitrait que parmi les témoins de la charte concédée en 1172, à l'abbaye de Belval, figure le nom d'un Wiard, abbé de Mouzon: lisez, je pense, Wido pour Guido.

16. Le successeur de Gui est Henri. Son nom figure dans des chartes de 1176, 1180, 1183; c'est lui qui obtint, en 1180, les dimes de Beaumont-en-Argonne. Il mourut le 7 avril 1184.

17. L'abbé Seybert prit la crosse après Henri Ier. Les auteurs rapportent que c'est sous Seybert que fut tenu à Mouzon, le concile provincial, présidé par Folmare, archevêque de Trèves, que nous avons rapporté. Cependant la Gallia Christiana n'admet pas cette assertion, se fondant sur ce que saint Remi avait pris trop de soin de fixer la séparation de son diocèse d'avec celui de Trèves, pour qu'il fût possible de laisser croire à une juridiction indivise entre les deux archevêques, comme le dit Flodoart. On ne s'explique pas très bien, en effet, pourquoi Volmar vint tenir ce concile à Mouzon. Faut-il y voir une conséquence de la mauvaise intelligence qu'il entretenait avec l'empereur Frédéric, et qu'il se trouvait là par suite de la compétition de Rodolphe, qui avait été investi par l'empereur? Nous avons raconté les faits en leur lieu; il semble bien en résulter que le concile en question fut tenu par le légat du pape, comme une protestation contre les agissements de l'empereur.

Du temps de cet abbé, le monastère fit de nombreuses acquisitions, qui ont été mentionnées ailleurs. L'époque de sa mort n'est pas bien certaine. On la place le 19 mars 1210 (G. chr.) ou 1212 (Fulgence).

18. Son successeur fut Jacques II, qui vit l'incendie de la ville et de son monastère. Il créa la colonie de Dommery, et mourut le 9 août 1219 (1220, dit Fulgence).

19. On sait qu'en 1220, Jean II était abbé de Mouzon. Il octroya aux habitants de Rémilly et Aillicourt la charte dont nous avons donné une copie, extraite du cahier de Jean Habert, et datée de mai 1220. C'est à Jacques que Fulgence attribue cette charte.

20. En 1221, nous trouvons Renaud II, ou Réginald, qui défendit vigoureusement les droits de son monastère. Il se démit volontairement de son abbaye le 4 février 1228.

21. L'élection d'André, comme abbé de Mouzon, fut confirmée par l'archevêque en 1228. C'est lui qui abandonna Villette. Nous avons eu l'occasion de citer l'accord qu'il fit, avec le comte de Rethel, au sujet de l'entrecours des gens de Rémilly et de Raucourt (Voir notre Notice sur Raucourt). Il mourut le 3 août 1239'.

22. L'abbé Hugues obtint en octobre 1240 une bulle du

1. Le sceau d'André: S'ANDREE ABBATIS MOSONENSIS existe aussi appendu à un parchemin de 1239, du cartulaire de Rethel, conservé à Monaco. Le contre-sceau porte: SECRETVM MEVM MICHI.

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