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Le musicographe anglais dit, en toutes lettres, ceci : « Le son de cet instrument est plus délicat que puissant. L'un des unissons est de buffle. Le son n'en est pas moins doux et agréable. Il est très-léger au toucher, à cause de la faiblesse du bec de plume qui pince la corde, faiblesse générale en France. »>

A l'égard du buffle, on sait que celui qui en a, le premier, fait une application heureuse, en remplacement de la plume, est encore un belge, Pascal Taskin, natif de Theux ('), contrairement à De Reiffenberg qui le fait naître à Spa, et à Fétis qui place son berceau à Liège. Tous les virtuoses du clavecin, à l'apparition de cette nouveauté, se sont empressés de l'adapter à leur instrument, et on rencontrerait peu d'anciens clavecins qui n'en soient pourvus. C'est ce que M. Ernest David eût dû constater, pour ne pas attribuer inutilement aux Ruckers un perfectionnement qui ne leur appartient pas. Grétry a dit de Pascal Taskin, qu'il était « le seul héritier du génie des Ruckers (*). »

Pour achever d'esquisser le clavecin de 1627, nous dirons que, chose rare et unique peut-être, l'instrument précieux, dù à Jean Ruckers, a conservé intégralement sa forme primitive.

touch very light, owing to the quilling, which in France is always weak. BURNEY, t. 1, p. 39. M. Ernest David prétend que Burney a écrit Ruckert, et qu'il faut lire Rucker. Il y a tout bonnement Rukers, qui est, à un c près, l'orthographe véritable.

(1) Voici ce que nous mande, à ce sujet, M. Félix Delhasse : Pascal Taskin est né à Theux, province de Liége, en 1723, et nou à Liége, vers 1730, suivant Fétis. Son neveu et son élève Pascal-Joseph Taskin, était également né à Theux, le 20 novembre 1750; il mourut à Versailles, en 1829. Fétis n'en parle pas. Le fils de ce dernier, Henri-Joseph Taskin, né à Versailles le 24 août 1779, est mort à Paris, le 24 mai 1852, et non en 1837, selon Fétis.

On ne peut pas ouvrir la Biographie universelle de Fétis, sans se heurter à une foule d'erreurs. »

(2) Essais sur la musique, édition de Paris, t. 1, p. 434. D'après Welcker von Gontershausen: Der Klang des alten Clavicymbalums oder Flügels war rauschend, scharf oder spitz, und keiner Modifikation fähig. Ouvr. déjà cité p. 108.

Au fur et à mesure de l'extension des claviers, ceux qui possédaient, au commencement du XVIIIe siècle, un clavecin de l'ancien modèle, le modifiaient en conséquence. Ils y adaptaient, dans ses régions aigües, tout un compartiment supplémentaire, qui, en brisant les contours originaux de l'instrument, lui donnaient un air de lourdeur et d'irrégularité extrêmes.

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« A l'apparition du premier ouvrage de Corelli, rapporte » Van Blankenburg, l'organiste Dirk Scholl prit le livre en plein concert, en disant : « Si c'était là un exemplaire unique, je le jetterais immédiatement au feu. » C'était >> au temps où les clavecins avaient encore un clavier étroit. » Aujourd'hui (1739?), il serait difficile d'en trouver un de » ce genre, tous les claviers ayant été allongés ('). »

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Ailleurs, Van Blankenburg parle longuement de ces agrandissements, en faisant connaître les moyens qui étaient employés, et les graves inconvénients qui en résultaient pour la sonorité et la solidité des clavecins. Nous convions le lecteur à parcourir ces pages curieuses, émanées d'un praticien aussi habile que sincère et convaincu.

Lui-même, ainsi qu'il le confesse avec une sorte de fatuité, s'est servi, en 1708, d'un clavecin à deux claviers de Jean Ruckers, facturé en 1625, et muni de quatre registres, pour y adapter une épinette, et arriver, à l'aide de cette combinaison, à produire une douzaine de changements de jeux. L'instrument ainsi doublé, éveilla, dit-il, l'admiration universelle (*).

Le nôtre, sans ce supplément encombrant, obtient journellement les suffrages enthousiastes des amateurs éclairés.

Il lui a pourtant fallu passer aussi par une opération ingénieuse, avant de revêtir, pour la deuxième fois, cet air de fraîcheur native qu'on lui voit actuellement. Nous voulons parler des soins délicats qui ont dù présider à

(1) La musique aux Pays-Bas. t. 1, p. 60.

2) Id.. p. 65 á 69.

sa toilette de salon, car ce vrai bijou de l'art, rencontré en 1872, dans un pauvre et infime village de Flandre, était encrassé extérieurement d'une façon si déplorable, que tout autre qu'un habile et patient archéologue eût certainement reculé devant la mission délicate et difficile de le restituer à son éclat primitif.

Un homme de ce savoir et de cette patience s'est rencontré par bonheur, et pour le retirer adroitement de l'infecte demeure où il dépérissait, entre des tables vermoulues et des lits malpropres, et pour lui donner ce cachet de renouveau authentique qu'il n'eût dû jamais quitter depuis 1627.

Après nous avoir offert amicalement le bijou instrumental, la personne en question nous en fit l'envoi, quelques jours après, en l'accompagnant de l'agréable lettre que voici :

Monsieur, ce n'est qu'après avoir acquis le clavecin de Jean Ruckers, que j'ai appris que c'était vous le concurrent sur lequel je l'ai emporté.

Comme je suis persuadé, Monsieur, que ce précieux instrument sera mieux à sa place dans le salon d'un habile musicologue que dans celui d'un modeste amateur, je n'ai pas hésité un instant à vous l'envoyer.

Le voici donc; j'espère que vous voudrez bien en accepter l'hommage.

Comme vous le voyez, Monsieur, toute la minutie possible a été apportée au rafraîchissement de cet objet d'art. J'emploie à dessein le terme, peu grammatical, de « rafraîchissement,» parce que le mot « restauration >>> ne saurait être admis ici.

En effet, vous le savez, l'instrument, à la partie extérieure de la caisse et surtout du couvercle, était passablement sali et fruste, comme une de ces monnaies entamées par l'action du temps.

Comme tous les dessins d'ornementation existaient, que le panneau à paysage n'était pas trop endommagé, et que la table d'harmonie avec ses fleurs gracieuses était intacte, ma tâche a été vraiment facile, et l'artiste, chargé de rendre au clavecin son état primitif, n'a eu qu'à « rafraîchir »> ce qui existait.

Comme je destinais ce clavecin à orner mon salon de musique, et que je ne fais nullement collection d'objets de lutherie, j'ai voulu avoir un meuble soigné et coquet, comme il l'était en sortant des ateliers du maître. Je ne voudrais pas un tableau endommagé dans ma collection; par conséquent je ne voudrais pas un autre objet d'art qui portât les traces de l'action détériorante des années. Il me semble que ces derniers objets ne peuvent se tolérer que dans un musée...

Maintenant, nos sincères éloges à qui de droit. Le généreux donateur a fait son devoir d'une façon à la fois consciencieuse et intelligente. Le jeune peintre, M. Liévin Roels, a rempli le sien avec toute l'adresse qu'on pourrait attendre d'un artiste consommé. Muni des instructions nécessaires, s'inspirant parfois lui-même des difficultés de sa mission, il s'est livré, pendant plusieurs mois consécutifs, à l'opération délicate qui lui était confiée, en y apportant un tact et un soin des plus louables, de manière à remettre entièrement de ses dégradations de deux siècles et demi, un bijou artistique servant de spécimen unique et complet d'un produit de la corporation de Saint-Luc d'Anvers, et appelé, sans contredit, à faire l'éternelle admiration des connaisseurs.

Il reste seulement au savant acousticien, M. Charles Meerens, à se charger d'une dernière tâche: le fonctionnement régulier des touches et des sautereaux. L'extrême habileté qu'il a déployée dans le redressement de la partie mécanique d'un autre instrument curieux et rare, auquel nous comptons ultérieurement consacrer un chapitre spé-cial, nous garantit une réussite complète pour le travail à effectuer.

L'art, ou plutôt la science, lui en aura certainement les plus grandes obligations.

EDM. VANDER STRAETEN.

FIN DE LA TROISIÈME PARTIE.

ANALECTES

CONCERNANT

HARLEBEKE

La plus ancienne ville de notre Flandre est la moins connue. A défaut d'archives, il a fallu remonter à la tradition de ses faits historiques, par des documents insérés dans les chroniques, dont l'antiquité ne remonte pas bien loin.

Depuis 1841 nous avons inséré dans les Annales (') une Notice sur les antiquités de cette ville; un ancien inventaire des archives de son église collégiale, commençant à l'an 1063, c'est-à-dire à sa fondation par Boudouin de Lille et Adèle de France, sa femme.

Nous y avons joint un réglement de police du xive

(1) Annales de la société d'Émulation, pour l'étude de l'histoire et des antiquités de la Flandre, à Bruges, années 1841-1842.

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