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Les ornements noirs donnés par le Comte Louis de Male à sa Chapelle, exigeaient, en 1445, des réparations assez considérables; on en fit confectionner de nouveaux pour exonérer les services fondés par ce Comte.

Le compte produit par le chasublier s'élevait à 73 lib. parisis. L'étoffe de l'ornement était de velours noir ('). Le Chapitre fit confectionner en même temps une chape rouge avec un parsemé de lions, brodés en or, qui coùta 48 livres parisis.

Dans le compte de 1553, se trouve un libellé, détaillant le coût d'une clôture en bois, placée autour de l'autel de sainte Catherine:

Il fut payé au tailleur de pierres Jean Demaegh, pour le dessin de cette clôture, 36 sc. Au maréchal-ferrant, pour ferronerie, 4 liv. 5 sc. Et à François Mergaert, menuisier, pour l'exécution en bois, pro factura clausure seu muniminis altaris, 14 liv. de gros; soit ensemble, 168 livres. Le mot munimen semble indiquer que cette clôture servait à mettre à l'abri des voleurs cet autel, qui devait être riche de décors, jusqu'au point d'exciter la convoitise.

S VII.

RESTAURATION MODERNE DU BATIMENT ET DES PEINTURES MURALES.

Un jour, il y a de cela environ un demi siècle, un curieux s'avisa de gratter quelques parties du badigeon

(1) Pro renovatione ornementorum Domini Ludovici comitis Flandrise etc. 73 lib. prs. (Compte de 1445.)

de la Chapelle Sainte-Catherine; il voulait satisfaire une curiosité qui n'était pas indiscrète : elle valut la restauration d'un édifice, pur de style et bien conservé sous le rapport achitectural.

Ce n'est guères que depuis deux siècles que l'on s'est mis à badigeonner les églises à la colle ou à la chaux, afin de dissimuler leur vétusté et les inégalités de couleur de la pierre, sous une couche uniforme de peinture, grossièrement appliquée. La plupart de nos anciennes églises ont été badigeonnées à l'intérieur, et cela à plusieurs reprises, de sorte que les couches successives de badigeon forment une épaisseur qui émousse tous les membres des moulures et de la sculpture.

Souvent, le badigeon est venu couvrir d'anciennes peintures, dégradées par le temps: il est donc important de s'assurer, lorsqu'on veut enlever le badigeon, qu'il ne cache pas de traces précieuses de peintures anciennes.

Les fabriciens de l'église Notre Dame firent enlever le badigeon recouvrant leur magnifique Chapelle; on apprécia longtemps les restes, très-frustes, il est vrai, de ces figures historiques mutilées, et l'appréciation générale des hommes de l'art, jointe à celle du peuple, était, qu'il fallait restaurer dans leur état primitif et le bâtiment et les pein

tures.

Il se passa du temps, avant qu'on se mit à l'œuvre. Le goût du style ogival n'était pas encore de saison, l'argent faisait défaut il fallait avant tout, entretenir et réparer les toits du bâtiment, et pourvoir aux besoins du culte ; tous ces motifs firent remettre les restaurations d'année en année.

Un arrêté royal autorisa les restaurations extérieures. On renouvela les toits, surmontés d'un crêtage; la tourelle, couronnant le pignon ouest, fut descendue et renouvelée pierre par pierre; on ouvrit l'oculus, bouché depuis trois siècles; la galerie, les tourelles avec leurs gargouilles furent mises à neuf, d'après les fragments anciens, qui

servirent de spécimen. Les meneaux, et les réseaux des fenêtres, furent refaits dans le style du XIVe siècle, les contre-forts des murs et les glacis des fenêtres furent solidifiés et rejointoyés. Le vaisseau de l'édifice étant mis dans son état primitif, on pouvait dès lors songer au décor intérieur.

Le grattage faisait voir les fonds des voùtes; ils étaient blancs, comme ils le furent toujours en Flandre. Les nervures des croisillons et des arcs doubleaux, les clefs de voûtes, avec leurs lions noirs accroupis, les nervures des fenêtres et les peintures plates des murs, avaient conservé des couleurs suffisantes, pour servir de modèles au renouvellement de chaque partie.

M. Jean Van der Plaetsen, artiste-peintre, et autrefois professeur à l'Académie des Beaux-Arts, à Gand, fut désigné pour l'exécution de la partie artistique de l'œuvre. La tâche qu'il s'assumait n'était pas sans difficultés. Beau coup de portraits avaient entièrement disparu; d'autres étaient mutilés, au point de ne plus représenter que des membres épars, et portant des traces de retouches, faites à différentes époques. La série Bourguignonne présentait des corps sans tête ou sans bras. Ce n'est qu'à commencer aux Archiducs Albert et Isabelle, que les figures étaient entières. La Commission royale des Monuments exigea des cartons et les approuva; elle ordonna aussi de copier les restes des figures rongées par le badigeon, et de les compléter, avant de les reproduire sur l'enduit du mur.

Il n'existait plus rien des figures, depuis BaudouinBras-de-Fer jusqu'à Philippe d'Alsace; à commencer de ce Comte jusques à Louis de Male, les portraits étaient acéphales. De Philippe-le-Bel et de Jean-sans-Peur il n'existait pas le moindre vestige. Philippe-le-Bon, son fils, Charles-le-Téméraire, Marie de Bourgogne et son mari, Maximilien d'Autriche, étaient sans jambes, tandis que Charles-Quint et son fils, Philippe II, n'avaient plus de têtes.

Avouons qu'en face de tant de mutilations, le peintre doit avoir rencontré une infinité de difficultés. Les costumes, les armures, les figures et d'autres accessoires, il a dû les étudier sur les dessins des monuments funéraires, et surtout dans l'oeuvre d'Antoine de Succa, dont un volume, acheté au prix de 1,100 francs, est conservé à la Bibliothèque royale, à Bruxelles. M. l'Abbé Hautcœur en a reproduit douze planches, dans son Histoire de l'Abbaye de Flines.

Les musées des armures, à Bruxelles et à Paris, ont fourni des dessins d'après nature, et les sceaux de nos Comtes, publiés par Olivier De Vrée, ont été consultés et mis en réquisition.

Une première décision à prendre, était celle de savoir dans quel style le peintre produirait son œuvre. Dans le style archaïque du XIVe siècle, époque de leur première exécution? La Commission royale des Monuments, eu egard aux restes minimes et aux retouches, comme nous l'avons dit plus haut, conseilla de peindre les figures de l'ancienne partie dans les costumes de leur temps. Ceci était conforme à l'opinion, émise à la Chambre des Représentants par M. de Montpellier, dans la séance du 26 Février 1863: « Je n'admire pas du tout la plupart des peintures murales que l'on retrouve en grattant le badigeonnage de nos vieux édifices, et je serais désolé, si l'on imitait aujourd'hui des œuvres qui n'ont, à mon sens, qu'un mérite relatif, et actuellement, qu'un intérêt archéologique. Nous ne devons pas imiter l'art dans son enfance, mais il ne s'en suit pas qu'il faille mépriser les premiers efforts.

« Le véritable artiste étudie avec soin les premiers pas de l'art; il en suit les progrès, et, quand il en est arrivé au point qu'il croit le plus voisin de la perfection, il demande alors qu'on imite et que l'on reproduise. Cette tâche est facile à accomplir dans notre pays, et nous pouvons faire aujourd'hui de la peinture

murale, en la modernisant, s'il m'est permis de me servir de ce mot, je veux dire, en profitant des fautes du passé, pour ne les plus commettre (1) ».

Passons en revue toute la galerie restaurée; le public pourra mieux apprécier l'œuvre par ses détails.

Dans le rond-point de l'abside, derrière l'autel, sont représentés quatre saints personnages: sainte Agathe, saint Blaise, en costume d'évêque du moyen-âge; figure orientale, très-populaire en Flandre depuis le temps des croisades, et dont la légende est représentée en relief avec celle de saint Nicolas, dans les écoinçons, au haut des panneaux; saint Jean-Baptiste est le quatrième saint, en costume traditionnel de son temps. Ces figures se trouvaient peintes dans l'ancienne Chapelle; elles ne pouvaient être placées que là où elles sont rétablies (*).

L'Ange, placé au centre, porte une inscription faisant allusion à la Relique des SS. Cheveux du Sauveur, apportée de Terre-Sainte par Philippe d'Alsace et déposée dans la Chapelle du château, bâtie par ce Comte. La Relique repose aujourd'hui dans la Chapelle; nous en parlerons plus loin.

La série des Comtes de Flandre commence par les quatre Forestiers.

On a tant écrit pour et contre l'existence de ces premiers souverains de la Flandre, que nous croyons la matière épuisée. Au reste, ce n'est pas ici que nous devrions entamer de nouveau des discussions stériles. Nous admettons que la Flandre a eu des gouverneurs propres

(1) Annales Parlementaires, séances des 24, 25, 26 et 27 Février 1863. Dans ces séances, la Chambre s'est exclusivement occupée de peintures murales.

(2) Dans le compte de 1410, il est fait mention d'un paiement fait à Maître Arnould, peintre, pour la réparation des SS. Blaise, Nicolas, Agathe, et à un autre endroit, il est payé pour la réparation faite à saint Jean-Baptiste.

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