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SIX.

VERRIÈRES.

De toutes les parties dont se compose l'archéologie monumentale, aucune n'offre plus de charmes que la peinture sur verre. Les merveilleux effets que produisent ces tableaux aux couleurs étincelantes et néanmoins harmonieuses, l'intérêt qu'ils présentent sous le rapport de l'iconographie de l'esthétique, de l'histoire et de l'archéologie, tout contribue à en rendre les effets attachants et utiles.

De toutes les magnifiques verrières qui brillaient jadis dans notre Chapelle, et que le Comte Louis de Male avait ordonné d'y placer et d'entretenir aux frais des bénéficiers, il ne reste pas un simple fragment (). Les iconoclastes les ont brisées au XVIe siècle; cependant elles ont été réparées; mais l'insouciance, jointe à l'incurie, les ont laissé périr. Aujourd'hui on en exécute de nouvelles; déjà les fenêtres absidales et l'oculus du pignon sont placés.

Si l'on considère l'effet général, l'harmonie des teintes et la richesse des couleurs, le bel âge de la vitrerie, c'est le siècle de saint Louis. A mesure qu'on s'écarte de cette époque, si brillante pour l'architecture ogivale, les productions des peintres-verriers perdent de leur mérite. C'est ce que dit M. Thévenot: « Les vitraux sont moins brillants de ton, moins harmonieux de couleur dans l'ensemble et l'aspect général, au XIVe siècle. Il y avait dès lors une disposi tion évidente à substituer le dessin à la couleur. »>

(1) Voir ci-dessus, page 193.

Les questions qui se présentent dans l'ordre des idées d'exécution des nouvelles verrières de la Chapelle sont : Quel en sera le style? - Que représenteront-elles?

La réponse est: Le style de la Chapelle est le secondaire qui règna pendant le XIVe siècle; il faut donc que les vitraux correspondent à cette époque et pour leur dessein et pour leurs couleurs.

Les vitraux du XIIIe siècle étaient composés de médaillons de différentes formes, circulaires, elliptiques, quadrilobés, en losanges, etc., et disposés symétriquement sur un fond de mosaïque. C'est ainsi que furent exécutées les verrières de la Sainte Chappelle à Paris. On exécutait rarement, au XIIIe siècle, des figures isolées en pied, et leurs dimensions n'étaient pas, à beaucoup près, aussi grandes que celles du siècle suivant, qui étaient couronnées d'arcades trèflées, placées dans des frontons triangulaires, garnis de crochets et surmontés de clochetons ou pinacles, absolument les mêmes pour la forme, et le décor, que ceux des contreforts de notre tour de Saint-Martin.

Dans la peinture des personnages, on tâchait de mieux exprimer les ombres et de donner plus de relief aux draperies; les couleurs étaient moins brillantes et les émaux prirent une grande extension à la fin du XIVme siècle.

Les grisailles, déjà connues et exécutées au XIIIe siècle, eurent beaucoup de vogue au siècle suivant; on les exécutait en entrelacs de feuilles et de hachures croisées et un peu serrées.

Voilà ce qui se pratiquait, en fait de verrières, à l'époque de la construction élévée par Louis de Male. La décision prise par la Commission royale des Monuments, est d'exécuter les vitraux de l'abside de la Chapelle à figures coloriées, et celles des autres fenêtres en grisaille, à rinceaux, avec les armoiries des familles alliées aux Comtes de Flandre.

Cette œuvre est confiée aux talents artistiques de M. le Baron Bethune-d'Ydewalle, de Gand.

Déjà les verrières principales sont placées dans le fond de

l'abside. Celle du milieu est à trois lumières et représente six figures, placées horizontalement en deux rangées, trois à trois.

Au milieu de la première rangée est représenté le Christ, dans l'attitude de la benédiction; à sa droite saint Philippe, apôtre, en mémoire de Philippe d'Alsace, constructeur de la première Chapelle castrale à Courtrai; à gauche saint Louis, Roi de France, patron de Louis de Male, constructeur et bienfaiteur de notre Chapelle.

Dans la seconde rangée, la très-sainte Vierge Marie, patronne de l'église ; à sa droite, sainte Catherine, patronne de la Chapelle, et à gauche, sainte Barbe, vénérée dans cette église, où, de temps immémorial, reposent ses reliques.

Dans la fenêtre au côté gauche de l'évangile, il y a en haut: saint Éloi, fondateur de la première église à Courtrai; saint Martin, patron de la ville; saint Amand, fondateur de la Prévôté qui porte son nom.

En bas: saint Hilo, qui évangélisa les habitants de la contrée; sainte Marguerite, dont le culte est populaire à Courtrai, et saint Arnould, né à Tieghem, et patron de l'ancienne Châtellenie.

Dans la fenêtre à droite, côté de l'épitre, en haut saint Eleuthère, Évêque de Tournai; saint Donatien, patron du Diocèse de Bruges, et saint Chrysole, le martyr de Comines, apôtre de la contrée et compagnon de saint Piat, avec lequel il évangélisa les Tournaisiens et les Flamands

En bas: saint Didier ou Désiré, natif de Courtrai, où son père fut châtelain; sainte Godelieve, dont la Chapelle des Comtes possédait des reliques, et saint Thomas de Cantorbéry, qui, durant son exil, séjourna à Courtrai, où l'on conserve sa chasuble.

Les figures de ces deux dernières verrières sont historiques; elles se rattachent à des souvenirs de ces saints personnages, qui ont passé leur vie à évangéliser nos ancêtres, ou qui, depuis longtemps, y ont été vénérés par un culte public.

L'oculus en forme de rose, placé au-dessus du Christ dans le Jugement dernier, est divisé en plusieurs petits compartiments en forme de trèfles. Il produit un effet de lumière agréable sur l'ensemble du tableau; sa tonalité fait l'effet d'un rayonnement céleste.

L'auteur, dans les inscriptions qu'il y a mises, a fait allusion à la Sainte Trinité; au centre, dans les trois lobes, on lit Pater est Deus, Filius est Deus, Spiritus Sanctus est Deus. Pater non est Filius, Filius non est Spiritus Sanctus, Spiritus Sanctus non est Pater.

Dans les douze compartiments lobés, à l'intérieur de la grande circonférence, se trouvent peints sur des philactères les paroles des douze articles du Symbole des Apôtres.

La dernière série de vitraux peints, à placer dans notre Chapelle, se composera de rinceaux et d'arabesques, qui figureront dans les tympans au-dessus des arcades en plein cintre, séparant la Chapelle du déambulatoire sud du chœur.

Ces fenêtres supérieures forment une espèce de clairevoie, projetant des rayons luminenx, dans les voûtes. C'est dans l'emploi de la lumière que résident tous les secrets de l'art; semblables à des yeux dirigés vers le ciel, les fenêtres des églises sont placées au-dessus de nos têtes, afin d'empêcher les images des choses terrestres de pénétrer dans nos esprits et d'y produire des distractions. « Comment, disent les Mélanges d'Archéologie, ne pas se recueillir dans des pensées de foi, à la lumière de ces peintures vivifiées par les rayons du jour, et mystérieuses comme les lointaines visions d'un monde meilleur ? »

S X.

RELIQUES, JOYAUX, OBJETS D'ART ET
MONUMENTS FUNÉRAIRES.

Les princes croisés obtinrent en Palestine quantité de reliques du divin Sauveur, de sa sainte Mère, des premiers Saints de la primitive Église, et les apportèrent en Europe comme des trésors inappréciables.

Philippe d'Alsace apporta une floche des Cheveux du Christ et la déposa, avec d'autres reliques, dans la chapelle de son château à Courtrai. C'est Baudouin de Constantinople, qui nous apprend cette particularité dans une lettre écrite à Philippe-Auguste, Roi de France, en Mars 1204. Nous donnons en note un extrait de cette charte, d'après une copie de l'ancien Cartulaire du Chapitre de Notre-Dame (').

L'Empereur Henri, frère et successeur de Baudouin IX, envoya, en 1207, des parties d'autres reliques, conservées dans la chapelle du palais impérial du Bucceléon, savoir; du bois de la vraie Croix, de la Couronne d'épines, du Manteau violet, de la Ceinture et des Langes du Sauveur,

(1) Sublimitati vestre notum facimus, quod cum situs ville Curtracensis nobis et felicis memorie Marie, consorti nostre, neptique vestre, placeret plurimum et sepius ibidem moraremur quam in aliis locis terre nostre, nec non ob reverentiam reliquiarum, quas karissimus avunculus noster Philippus, quondam comes Flandrie, dum peregrinationis sue iter arriperet, ibidem deposuerat. MIRAI, Opera dip. tom. II, et dans le Cartulaire de la Collégiale de Notre Dame.

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