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la colonie des Cattes vint s'y fixer; il a donc dù s'écouler un temps assez considérable avant qu'ils aient songé à émigrer vers le sud, et surtout avant qu'ils soient arrivés jusqu'ici. Nous pouvons en quelque sorte les suivre dans ces migrations par la présence des localités auxquelles ils ont laissé leur nom: Cattendyc au nord de l'île de Zuidbeveland; Cadzand au nord de l'Ecluse; Cattenbrouc ou marais des Cattes, ancienne localité au nord de la Flandre, où l'on faisait des briques employées aux travaux de la ville de Bruges ('); plus près de nous Catheem ou demeure des Cattes, ancien hameau non loin de Dudzeele (2) enfin le quartier Cattevoorde à l'intérieur de notre ville. Il est difficile de déterminer l'époque de leur arrivée en nos contrées il est probable que ce fut vers le troisième siècle. Quoique Germains, ils semblent faire un peuple à part, non mélangé avec les hordes Saxonnes qui vinrent envahir notre littoral dans le courant du IVe siècle. Ils trouvèrent ici les Ménapiens, les Suèves, et aussi, en plus grand nombre sans doute, les flamands ou Vlamingen, qui semblent être le peuple autochthone, puisque leur nom exprime l'état même de la contrée, il signifie: enfant de la plaine (3). Déjà à l'époque de St-Eloi les diverses populations de nos contrées sont désignées par St-Ouen sous le nom générique de Flandrenses, ce qui équivaut à celui de Flamands. Ces derniers ont donné leur nom à une des plus anciennes rues de la ville, la rue Flamande ou Vlamingstrate (').

:

Tacite nous trace le portrait suivant des Cattes : « Ils

(1) Compte de la ville de 1386-87 fo 42 r.

(2) Charte de l'an 1310. V. Lisseweghe, son église et son abbaye par M. LEOPOLD VAN HOLLEBEKE. Bruges p. 1863 p. 137.

(3) Voir à ce sujet un interessant article dans la revue Rond den Heerd vol. VII 1872 p. 335 et la brochure de M. l'abbé DuCLOS: de oude kuste van Vlaanderen 1873 p. 99.

(4) La plus ancienne mention que nous ayons trouvée du nom de cette rue date de 1269. Cart. des Dunes p. 607.

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ont le corps plus robuste que les Bataves les membres nerveux, le visage menaçant et une plus grande énergie morale. Leur finesse et leur bon sens étonnent dans des Germains. Ce sont eux qui commencent tous les combats, ce sont eux qui forment toujours la première ligne, qui est terrible à voir, car leur visage farouche ne s'adoucit pas même pendant la paix (). » Chose remarquable! il semble que les Brugeois, et les Flamands en général, aient conservé un vague souvenir de cette prépondérance physique et morale des Cattes, puisque, de nos jours encore, quand ils veulent désigner des personnages marquants par leur position sociale ou leur fortune, ils ont toujours ce mot à la bouche: Daar zijn de groote Catten! Voilà les grands Cattes!

Un autre endroit très-anciennement habité c'est le Wijc, dont le nom même signifie, hameau, entre la roia et l'église de St-Gilles; celle-ci fut fondée derrière le Wyc en 1240, d'où elle reçut le nom de St-Gillis Bachten Wyc (2).

La rive gauche de la roia qui longe le Wijc, appelée aujourd'hui Quai Long, portait au XIIIe siècle le nom de Houtbrekersdam (3). D'après Kiliaen, houtbreker signifie : faber lignarius, materiarius, celui qui travaille le bois, qui construit en bois; aussi negotiator abietarius ou simplement abietarius; or, abies, la racine d'abietarius, signifie bois de sapin, mais aussi : navire, vaisseau; nous pouvons donc sans témérité traduire la dénomination de Houtbrekersdam par celle de Quai des Constructeurs de

(1) Ouvrage cité. De moribus Germanorum §§ XXIX et XXX. (2) GAILLIARD. Ephémérides Brugeoises 1847. Église de St-Gilles. (3) La plus ancienne mention que nous ayons trouvée de ce nom, date de 1256. Cartulaire des Dunes p. 588. En 1579 ce quai portait encore le même nom. Nous rencontrons déjà en 1228 un NICOLAS HOUTBREKERE bourgeois de Bruges. (Cartulaire cité p. 536). Il est évident que le nom de la digue remonte à une époque beaucoup plus reculée, son emplacement et tout ce qui l'environne le prouvent suffi

samment.

Navires; nous ferons remarquer que sur un tableau conservé à l'hôtel-de-ville, et qui est antérieur au plan de Marc Gheeraerdts, de 1562, il est représenté, tout près du Houtbrekersdam, à l'endroit appelé Vuil Reitje, une espèce de bassin avec quelques navires; au surplus nous avons déjà vu qu'en face de cette digue existait le Snacgaard ou port primitif.

Voilà donc nos ancêtres navigateurs, comme nous avons déjà pu le constater par les nombreuses enseignes rappelant des souvenirs de la mer; ils élevaient les oiseaux de mer qui fréquentaient les côtes, tels que les oies, ils cultivaient la vigne dans les endroits fertiles de leur territoire, et élevaient le bétail dans la boveria et le kettel ou catelwyc, ancien hameau où l'on rencontre aujourd'hui la rue de St-Georges, au delà du Pont Flamand (').

Afin de rendre plus intelligible la partie de cette étude qui regarde l'ancienne topographie, nous y avons joint l'essai d'une carte de notre ville telle qu'elle devait être à l'époque de St-Eloi, c'est-à-dire vers le milieu du VII siècle; elle comprend, outre les données fournies par le présent chapitre, les anciennes voies, le vieux burg, et l'endroit où se rendait la justice à cette époque reculée, recherches qui feront l'objet des trois chapitres suivants.

CHAPITRE II.

Anciennes voies.

Sur le territoire que nous venons de passer en revue nous trouvons plusieurs anciennes voies de communication. Et d'abord, les cours d'eau; en premier lieu, se présente la roia, aujourd'hui reye, dont le nom gaulois se

(1) GILLIODTS. Invent. des archives de la ville t. I p. 316. La porte qui se trouvait autrefois à l'extrémité de cette rue se nommait Kettelwyc- ou Vlamincporte.

retrouve dans toutes les langues du midi: Kiliaen nous cite les mots gaulois: ru, reu. Italien rivo, rio Espagnol : rio. Nous ajouterons le latin rivus. Il est à remarquer que le sens primitif de tous ces mots signifie couler, signification qui se retrouve aussi dans le verbe grec réein. Cette rivière donc, qui avait sa source non loin de Bruges, sur le territoire de St-Michel ('), et que nous pouvons suivre encore aujourd'hui, longeant le Béguinage, l'hôpital St-Jean, l'hôtel Gruuthuuse, le Dyver, passe derrière les maisons à l'est de la rue aux Laines, sous l'hôtel du Gouvernement, derrière les maisons à l'est de la rue Flamande, reparaît à la place de l'Académie, et continue son cours vers le nord où elle allait anciennement se décharger dans la mer aux environs de Damme. Les autres canaux qui traversent aujourd'hui la ville ne sont que des dérivations de cette ancienne rivière, creusées pour les divers agrandissements de la ville, pour entourer les lieux fortifiés comme le burg, ou les anciens établissements religieux comme l'abbaye d'Eeckhout et le Béguinage.

Un petit affluent de la roia, dont il n'existe plus de traces aujourd'hui en notre ville, était la Boterbeke ou ruisseau au Beurre; nous rencontrons pour la première fois son nom dans la plus ancienne keure de Bruges accordée vers l'an 1190 (). Mr Gheldolf, le traducteur de l'Histoire de la ville de Bruges par Warnkoënig, l'a indiquée sur une carte placée à la fin de cet ouvrage; mais il confond ce ruisseau avec les fossés creusés de main d'homme, tels que le poortgracht - aujourd'hui Quai des Ménétriers — que nous trouvons mentionné dans les documents du commencement du XIV siécle (3); par suite de cette méprise, l'interprétation des mots de la charte: infra botrebeika,

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(1) Document de l'an 1292. Cité par GILLIODTS. Inr. t. I page 28. (2) Publiée par WARNKOENIG. Hist. de la Flandre t. II p. 417 et sqq. (3) Livre de rentes de la cathédrale, de l'année 1319: up die Portgracht.

l'oblige à reculer les limites de la banlieue au delà de l'enceinte réelle de la ville, qui sert cependant de borne à sa juridiction dans tous les autres endroits. Nous sommes fondé à croire, qu'en 1190, une partie de la Boterbeke s'avançait encore assez loin dans la ville; nous savons pertinemment qu'elle existait encore en partie sur son territoire en 1282, puisqu'en cette année on en répare les gués ('); elle devait se trouver près de la boveria, puisque la porte de ce quartier portait anciennement le nom de Boterbeke Poorte (2), mais il y a des indications plus précises sur son cours primitif et sur l'endroit où elle venait se jeter dans la reye.

Au côté nord de la rue du Vieux-Burg, se trouve une maison particulière, marquée aujourd'hui C 8, et qui est désignée dans les registres des Sesdedeelen de 1579 sous ce titre huus staende in de poorte ter Ware, ce qui veut dire que la maison se trouvait dans une cour intérieure ou enclos appelé ter Ware, c'est-à-dire sur la rivière, étymologie que nous retrouvons dans le nom de commune Waerdamme, digue de la rivière; à l'est de cet enclos ter Ware se trouve une maison ayant façade dans la rue des Halles, marquée aujourd'hui C 4, et désignée en 1579 comme suit de schaepsclaeu ende daer te vooren de Beuterbeke; on voit par ce texte que le souvenir de la Beuterbeke était déjà bien près d'être oublié à cette époque; heureusement il nous a été conservé, et il nous indique d'une manière évidente la direction de cet ancien cours-d'eau qui devait rejoindre la reye vers l'entrée actuelle de la rue des Brides.

Jetons maintenant un regard sur les grands chemins.

(1) Pro vadis de Boeterbeke et ante sanctam claram reparandis. GILLIODTS Int. t. III p. 202.

2) Année 1302: van decteghelen ad portam de Boeterbeke enen deckere xxviij s. j. d. Ibidem t. I page 95. WEALE, Bruges et ses environs, 3ne édition, 1875, p. 18.

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