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voyage le manteau et le chapeau également blancs. Un rochet à larges manches, l'aumusse et le bonnet carré formaient l'habit de chœur ; l'hiver on revêtait la chape traînante avec chaperon bordé d'hermine. La règle prescrivait l'abstinence continuelle des aliments gras, le jeûne rigoureux pendant plusieurs mois de l'année et l'office de nuit.

Milon, l'un des quarante clercs, rapporte les nouveaux statuts à ses frères de Saint-Josse; il leur parle avec enthousiasme de l'éminent prélat qui les a rédigés et les enrôle à sa suite sous les blanches couleurs de Marie. Le monastère de Saint-Josse-au-Bois, ainsi désigné à cause des forêts qui l'environnaient, prend dès lors, sous sa direction, une importance notable; Oilard de Soibermetz l'enrichit du fief compris entre la chapelle primitive de Saint-Josse, la seigneurie de Douriez et le chemin de Beaurain; ce fief relevait de messire Hugues de Beaurain, vassal lui-même de Foulques de Ponches; Enguerran de Montreuil-Maintenay était le seigneur dominant: tous trois eurent pour agréable la liberalité du seigneur de Soibermetz. Vainement ses héritiers, Eustache et Rorgon de Tortefontaine, essayèrent de la contester car obligés de se soumettre et frappés d'excommunication, ils firent amende honorable à Montreuil, dans l'appartement de Riquier, abbé de SaintSauve, en présence de beaucoup de gentilshommes et de bourgeois, 1137 (1).

L'évêque d'Amiens, Enguerran, s'empressa d'encourager l'établissement des enfants de S'-Norbert dans son

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(1) P. Cart. de Dommartin, fol. 7 et seq. Toutes les chartes rapportées dans le cours de cette histoire, sans indication spéciales, sont extraites du Grand Cartulaire de Dommartin ou du Petit Carlulaire de Dommartin. Voir appendice, no 1.

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diocèse. A sa requête, l'archevêque de Reims, leur avait adressé, dès 1125, des lettres de confirmation reconnaissant leurs priviléges, et ratifiant la paisible jouissance des biens accordés par messires Enguerran de Montreuil, Hermanfroid de Cugny, Rorgon de Tortefontaine, Hugues du Pont, Dreux de Selincourt, Wiart d'Argoules, et Beaudouin de Caïeu (1).

A la mort de Jean de Commines (2), évêque de Thérouanne, le comte de Flandre présenta aux suffrages des chanoines et du peuple son frère Baudouin, dont le caractère et la conduite ne méritaient pas cette distinction ; l'archevêque de Reims refusa de ratifier l'élection déjà consommée, et obtint que le chapitre, revenant sur sa décision lui substituât l'abbé de Saint-Josse-au-Bois. Fort de la protection de son parent, Baudouin ne voulait pas se soumettre; le pape dut prononcer, et Milon prit possession du siége épiscopal de la Morinie en 1131.

Le nouvel évêque, aussi heureusement doué des talents qui donnent l'aptitude aux fonctions les plus élevées, que des qualités qui caractérisent le véritable saint, demeura moine par le cœur, par la vie de pénitence surtout; son humilité excessive égalait l'ardente charité de saint Bernard et la foi vive de saint Norbert (3).

Milon quitta bien à regret sa chère cellule de Saint

(1) Appendice. No II.

(2) Meyerus. Annales rerum Belgicarum 1580, fol. 49.

(3) In Norberto eminet fides, in Bernardo charitas, in Milone humilitas.

Norbertus radiante fide, Bernardus amore ;

Demissi cordis Milo nitore micat.

Tergemino si sole potest splendescere tellus.

Splendere illorum tempore visa fuit. « P. Boréc, fol. 180 ».

Josse. Ennemi du bruit, c'était en secret, qu'il eût voulu travailler à son salut; mais la Providence ne pouvait laisser ignoré celui que les historiens s'accordent à signaler comme l'un des premiers hommes de son siècle par l'humilité et par la science. Il justifia, et au-delà, les espérances que l'Eglise avait conçues de ses qualités; les plus sages règlements, les établissements les plus utiles datent de son épiscopat, dont la mémoire a été longtemps bénie dans le vaste diocèse de Thérouanne. Vingt-sept années de bienfaits lui concilièrent la reconnaissance du peuple qui l'honora du titre de bienheureux et à sa mort, arrivée le 16 juillet 1158, le clergé lui choisissant un successeur, désigna Milon II, son neveu, abbé de Ruisseauville, pour continuer l'œuvre de l'illustre prélat (1).

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Adam (1) naquit à Metz, d'une famille noble; sa mère portait le nom de Franchilde. Fier de la richesse de ses parents, il montrait un naturel intraitable et s'adonnait à de coupables plaisirs. Dans l'espoir de réformer sa conduite, on le confia à Raoul et à Anselme, qui dirigeaient à Laon, une école célèbre jusque dans les plus lointaines contrées de l'Europe. Un jour saint Norbert se fit entendre à la nombreuse jeunesse qui se pressait autour des chai

(1) Une composition de Diepembeck gravée par François Hubert, représente Milon, debout, avec la crosse, tenant un bouquet de lis et foulant aux pieds un paon, symbole de l'orgueil.

(2) Biblioteca ordinis præmonstratensis lib. 2, fol. 170.-J. Corblet, Hagiographie, t. I, p. 11.

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il parla de la gravité du péché et prêcha le mépris des biens du monde. Sa parole fut si entraînante, qu'Adam se sentit touché de la grâce, et abandonna sur le champ la vie du siècle pour le suivre à Prémontré.

L'austérité du jeûne, la ferveur de l'oraison domptèrent bientôt la fougue du nouveau converti; envoyé par ses supérieurs à Saint-Josse-au-Bois, il s'appliqua spécialement à l'étude des Saintes Ecritures et mérita l'estime de ses frères, au point que le vénérable Milon, appelé à l'évêché de Thérouannè, le chargea de gouverner après lui la communauté naissante.

Adam remplit avec éclat les devoirs de son ministère, et comme l'affectueuse bonté qui l'inspira toujours ne l'empêchait pas de maintenir la discipline avec une scrupuleuse sévérité, l'abbaye atteignit sous son active impulsion le plus haut degré de splendeur. Elle devint comme la pépinière d'où partirent successivement les premiers cénobites fondateurs des maisons de (1):

1122.

Marcheroul, diocèse de Rouen. Ulric, 1er abbé. Fondateur: Ansculfe de Montchevreuil.

1127. Saint-Jean, diocèse d'Amiens. Eustache, 1er abbé. Fondateur: Guy, châtelain d'Amiens.

1131.

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Saint-Pierre-de-Selincourt, diocèse d'Amiens. Gaultier, 1er abbé. Fondateur: Gaultier Tyrel, sire de Poix.

1135.

Saint-André-au-Bois, diocèse d'Amiens. Ans

cher, 1er abbé. Fondateur: Enguerran de Beaurain.

1136. Sery, diocèse d'Amiens. Raoul, 1er abbé. Fondateur Anselme de Cayeux.

(1) Gallia christiana, t. X, col. 849, 1354, 1362, 1367, 1371, et t. XI, col. 556-755-944.

1140.-Saint Just, diocèse de Beauvais. Jehan, 1er abbé. Fondateur: Odon III, évêque de Beauvais.

1143.- La Luzerne, diocèse d'Avranches. Tancrède, 1 abbé. Fondateur: A. de Subligny.

1155.

Blanchelande, diocèse de Coutance. Fonda

teur: Richard de la Haye.

1158. Saint-Jean de Falaise, diocèse de Séez. Robert, 1er abbé. Fondateur: Henri II, roi d'Angleterre.

Fatigante énumération à coup sûr ! mais pourquoi faut-il que les moines ne se soient jamais fatigués de fonder, de construire et d'édifier! Ces abbayes, filles de SaintJosse-au-Bois, étaient soumises à la maison mère, dont le supérieur conserva toujours juridiction et droit de visite; Dommartin fut la plus importante maison de l'ordre après les quatre grandes églises de Prémontré, SaintMartin-de-Laon, Floreffe et Cuissy.

A la fin du XIII° siècle, la nouvelle congrégation était des plus florissantes; mais, ce qui est préférable au nombre incalculable des disciples de Norbert, c'est l'esprit de Dieu, et le désir de la perfection chrétienne qui étaient répandus dans les différentes colonies de Prémontré. Ces religieux, disent les chroniques, se concilièrent l'estime générale par le recueillement, la modestie, la pénitence, non moins que par le zèle des missions apostoliques.

Chacun d'eux recherchait avec complaisance les habits et les meubles les plus vils, les emplois les plus humiliants. Au premier avertissement, ils se prosternaient aux pieds de celui qui les reprenait de leurs fautes, afin que le scandale fut réparé par une satisfaction publique.

Oraison fréquente, lecture assidue, silence inviolable, obéissance aveugle, charité excessive; ces vertus

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