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se trouvait (et se trouve encore) le château royal de Fescamps, Fisci campus (1). Le roi avait voulu placer les religieuses aussi près que possible de cette habitation de la cour, et la même ceinture de murailles les défendait; un mur intérieur seulement séparait l'abbaye du manoir et une galerie couverte mettait ce dernier en communication avec l'église de l'abbaye. En 1709, Fescamps étant devenu depuis longtemps un domaine inhabité et peu digne de la splendeur du trône, les religieuses du Moncel obtinrent du roi Louis XIV qu'on leur en fit don. Il devint ainsi, à cette époque, une simple dépendance de l'abbaye. La Révolution en acheva la destruction; on ne peut plus maintenant apercevoir de cet édifice que la terrasse quadrangulaire sur laquelle il était bâti, l'étage souterrain formé par ses caves élégamment voûtées et un avant corps de logis composé de deux tours massives qui dominent la route.

Les bâtiments de l'abbaye ont eu moins à souffrir. Ils forment encore aujourd'hui les trois côtés d'un vaste carré ayant pour quatrième côté l'église du monastère. Il fallait bien que l'édifice fût important pour contenir une communauté de cent religieuses qui, recrutée constamment dans les meilleures familles du royaume (2), comprenait avec elle un nombreux personnel d'employés, d'ouvriers et de gens de service. Aussi, malgré la destruction de l'église que l'on rasa pendant les premières années de la Révolution (3), malgré les restaurations malheureuses faites

(1)« Apud Moncellum prope Pontem S. Maxentiæ in loco domui nostræ regiæ contiguo.... » (Charte de fondation du Moncel.)

(2) La vie opulente des dames du Moncel est un des souvenirs que j'ai recueilli, sur les lieux, de la bouche de vieillards qui virent l'abbaye florissante encore avant 1790. Non seulement les paysannes, mais les bourgeoises du pays, trouvaient une ressource ou même une carrière dans les emplois laïques de l'abbaye. Les nonnes ne se livraient à aucun travail.

3; Cette démolition fut faite par le premier acquéreur des bâtiments. de l'abbaye. Son successeur, qui racheta de lui en 1795, en est encore proprictaire de nos jours. C'est M. Lessicu, maire de Pontpoint, dont la famille conserve depuis soixante-quinze ans ces vénérables, debris.

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aux XVIIe et XVIIIe siècles par les religieuses elles-mêmes (1) il règne encore dans toute cette vieille architecture un air frappant de magnificence et de grandeur. On vient visiter par curiosité son réfectoire orné d'une magnifique tribune en pierre découpée, ses celliers de soixante mètres de long soutenus par une forêt de piliers, ses greniers dont la charpente admirable et par la qualité des matériaux (en châtaignier) et par la correction du travail, est encore intacte et comme toute fraîche, celles de ses façades qui donnent sur les jardins, du côté de l'Oise, et dont les fenêtres gracieuses, les riches moulures, les puissants contreforts inspirent pour l'architecture du XIVe siècle (2) un peu de cette admiration que les archéologues accordent plutôt à d'autres époques.

A côté de ce grand clos de l'abbaye, ceint de murailles énormes qui sont un modèle de force massive, et séparé de lui seulement par une ruelle qui descend de la route à la rivière, se trouve la ferme du Moncel appelée dans les titres de l'abbaye: La Courbasse du Moncel. C'est aujourd'hui un groupe de maisons, composé d'une vaste grange soutenue à l'une de ses extrémités par trois contreforts qui lui donnent l'aspect d'une église, de plusieurs dépendances ou chenils, enfin d'un petit bâtiment d'habitation, placé à l'angle que la ruelle fait avec la route, et dans lequel on remarque plusieurs détails de sculpture, tels qu'un arc en tierspoint sur la façade et un chien de garde, dans l'attitude du repos, juché vers le pignon. La place de cet animal ne s'explique bien que si on lui suppose, dans la disposition primitive de l'édifice, un pendant de même espèce; et alors l'entrée du logis prendrait, en imagination, un aspect quelque peu monumental. L'ensemble de ces bâtiments de la cour-basse semble dénoter une époque contemporaine de la fondation de l'abbaye; mais ce chien, grossièrement taillé dans la pierre et si singulièrement

(1) Elles ont, par exemple, bouché les fenêtres ogivales ouvrant sur l'intérieur du carré, et les ont remplacées par de petites baies rectangulaires. Les jolies fenêtres du XIVe siècle, en pierre finement travaillée à jour, et surmontées de l'arc en tiers point, n'existent plus que du côté des jardins.

2) Les bâtiments n'auraient été commencés qu'en 1334, suivant l'auteur cité page 49 note 2; mais je ne sais s'il mérite créance.

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placé, sent le style et l'habitude, je ne dirais pas du XIIe siècle, mais plutôt du XIIo.

Aussi ai-je cru avoir retrouvé dans ce petit bâtiment d'angle le logis même de Beaumanoir, cette demeure patrimoniale qu'il préférait à celle dont il porte le nom, cette domus quædam in communia de Pomponio que mentionne le recueil des Olim en 1267 et que les religieuses de Sainte-Claire, si somptueusement logées par le roi dans le palais élevé sur le domaine du bailli, auraient relégué au rang de simple dépendance. J'avoue que je n'ai pu jusqu'à présent rien saisir dans les textes qui confirmât cette supposition, mais on voit combien les textes qui nous sont restés du Moncel sont en faible nombre (1)!

J'en fais juge le lecteur, en lui mettant sous les yeux un dessin très exact de cette maison et des principaux détails qu'elle comporte à l'extérieur (2). Peut-être en examinant ce dessin et en se rappelant la certitude des documents qui lient au Moncel le souvenir de Beaumanoir, pensera-t-il que ma supposition n'est pas trop hasardée et qu'en effet le hasard nous a conservé sur les bords de l'Oise, et à deux pas de Pont-Sainte-Maxence, la propre maison où vécut un des plus glorieux esprits de la France féodale. La France aurait, en ce cas, peu d'édifices privés plus dignes d'être conservés avec respect.

CHAPITRE III.

Les proches de Philippe de Remi et le fief de Beaumanoir.

Le père de Beaumanoir, qui porta, comme son célèbre fils, le prénom de Philippe et le titre de bailli, était d'ailleurs un assez petit fonctionnaire, un bailli de mince étoffe. Lorsque Robert,

(1) Aux archives du département de l'Oise, trente-sept liasses commençant à l'année 1316; aux archives de l'empire, vingt et une copies, de 1306 à 1310 (K 180, nos 127-147); au trésor des chartes, une pièce originale, scellée de l'abbesse du Moncel, en 1316 (J 160, no 25); au Moncel même, chez M. Lessicu, quelques pièces du XVIIIe siècle, notamment un nécrologe. (2) Elle appartient à M. de Verneuil, l'éminent géologue.

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