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de la propagation de la foi, à Pons, parce qu'elles reçoivent des pensionnaires, ont chacune 122 livres (p. 24), en revanche, les 33 sœurs de Sainte-Claire de Saintes n'ont pour vivre, chacune, que 29 livres, 11 sous, 4 deniers ; les 30 ursulines de SaintJean, 66 livres ; les 31 bénédictines de Cognac, 59 livres ; les 24 carmélites de Saintes, 71 livres; les 12 filles hospitalières, 45 livres ; les 53 Notre-Dame, 50 livres. Les sœurs de Saint-Vincent ne recevaient que 50 écus du roi pour leur entretien, et 50 livres pour leur loyer; les Chanceladais avaient 125 livres, « tant pour leur entretien que pour leur nourriture » (page 179). Les conversions, les réductions de rentes diminuaient de temps en temps leurs très médiocres revenus. Les sœurs grises, qui avaient 600 livres en 1717, n'en avaient plus que 380 en 1720 (page 22) ; les pauvres honteux de la ville de Saintes avaient en 1717 des contrats de constitution pour 723 livres qui, en 1720, étaient tombées à 566 livres. Ainsi des autres. En 1723, les cordeliers de Saintes étaient endettés de 2.400 livres, et d'autres encore. Dela la déception de l'assemblée constituante quand, ayant mis les biens du clergé à la disposition de la nation, elle s'aperçut qu'elle n'avait pas tenu compte du passif considérable des communautés.

L'impôt, d'un autre côté, leur enlevait encore sous différentes formes un peu de leurs plumes. C'est bien pourtant un fait avéré, connu, répété, inscrit dans toutes les histoires à l'usage de la jeunesse et dans tous les manuels pour les écoles primaires, qu'avant la révolution d'abord le clergé et la noblesse étaient exempts d'impôts, en second lieu que le gentilhomme et le prêtre avaient en leur dite qualité le droit de lever la dime sur les récoltes du paysan. Il y a longtemps que la science moderne a fait justice de ce mensonge. Des gentilshommes étaient gueux comme Job et dans les convocations de ban et d'arrière-ban beaucoup étaient déclarés exempts comme indigents, et reconnus incapables de faire les frais de leur équipement et de l'expédition. Aux assemblées pour les états généraux de 1789, beaucoup étaient tellement déchus qu'ils ne savaient même plus comment s'écrivait leur nom, quelquefois historique, ou votèrent avec le tiers. Auraient-ils pu tomber dans la misère, s'ils avaient eu, de par leur naissance ou leurs titres, la faculté de vivre aux dépens de leurs voisins! J'ai cité cette délibération du conseil municipal de La Rochelle (30 décembre 1788) constatant qu'en Aunis il n'y a pas « de laboureur qui ne soit propriétaire »; et cette phrase de Richier, député de Marennes, à la tri

bune de l'assemblée nationale (22 août 1790): « J'ai possédé un fief en agrier de 200 pièces de vin sur trois mille propriétés particulières », 14 litres pour chacune, preuve du morcellement de la propriété foncière.

De même le clergé. Pour qui connaît l'origine de la propriété ecclésiastique, le fait est tout naturel. Quand les habitants voulaient avoir un curé, ils faisaient un fonds de dotation, donnant l'un un pré, l'autre un champ, celui-ci le dixième ou le douzième de sa récolte de blé, celui-là la dime de ses agneaux. Le fonds primitif s'accroissait par des dons, des legs, des fondations, des acquisitions, plus ou moins, selon les lieux, les temps. et les personnes. De là une différence considérable entre les revenus de deux bénéfices contigus. Il en était ainsi des abbayes et des prieurés qui naturellement s'agrandissaient par le travail accumulé de plusieurs générations de moines. Ce serait une singulière idée de croire que le fisc allait perdre ses droits sur ces propriétaires.

Les jésuites de Marennes (1723) doivent « payer au clergé pour décimes ordinaires et extraordinaires, don gratuit, dixièmes, environ 60 livres »; ceux de Saintes, « pour les dixièmes (de Deuil), sans compter ce à quoi on les taxera pour le don gratuit, 536 livres », pour la Tenaille 733 livres, « sans y comprendre le don gratuit » (page 82). L'abbaye de La Frenade a un revenu de 12 à 1,500 livres, chargé de 300 à 400 livres de décimes (page 210); et le prieur 1,000 livres, dont 180 livres pour les décimes. A Chastres, « on porte les décimes et autres charges extraordinaires à 800 livres » (page 211); à Fontdouce, « décimes 854 livres » (page 212) ; le prieuré de Lanville, 300 livres (page 253); les cordeliers de Saintes pour une borderie de 19 journaux de vignes à Saint-Sauvan doivent le 8 au chapitre de Saintes et quelques rentes seigneuriales (page 39). Qu'importe que l'argent fût d'abord versé dans les caisses du clergé avant de passer dans celles de l'état! Il fallait toujours le verser.

C'était bien une règle, un axiome que les biens ecclésiastiques fussent indemnes; le clergé ne devait rien à l'état, parce qu'il était chargé de rétribuer les ministres du culte, de bâtir et d'entretenir les églises et d'assurer partout la gratuité dans les écoles religieuses. En réalité, sous divers noms et sous différents prétextes ou raisons valables, on avait trouvé le moyen de l'imposer. A chaque assemblée quinquennale, sur la demande du roi, et vu les pressants besoins de l'état, le clergé votait tou

jours quelques millions, don gratuit, disait-il; mais ce don gratuit exceptionnel était devenu régulier, et on l'escomptait dans les prévisions du budget, comme une ressource assurée.

En 1760, le clergé donne au roi 7 millions et 1 million pour la marine; 16 millions en 1770; 10 en 1772; 16 en 1775, et il y avait alors 113 millions de dettes pour le clergé général, sans compter 20 millions pour le clergé particulier des diocèses; le 12 juin 1780, l'assemblée accorde 30 millions; en 1782, 15 millions, plus un million pour les familles des matelots qui ont le plus souffert pendant la guerre. Et voilà comment, chargé de deux budgets, celui du culte et celui de l'instruction publique, acquittant en outre les millions du don gratuit, le clergé ne payait pas d'impôts! 1

Ce n'était d'ailleurs que justice que le roi exonérât de l'impôt les établissements qui ne vivaient que d'aumônes et pour les pauvres. Que demander à qui ne possède rien? Prélever une somme quelconque sur les maisons de charité, n'est-ce pas prendre le bien des indigents? De plus, souvent la commune et l'état, obligés de les subventionner, se seraient donc imposés eux-mêmes? Dans les lettres patentes (1751) pour l'hôpital-école de Montandre (page 125), il est dit qu'il ne « paiera à sa majesté et à ses successeurs roys aucun droit d'amortissement ou indemnité, dont elle lui a, en tant que de besoin, fait don et remise ». Il y a de par le monde bien des maisons, des petites sœurs des pauvres par exemple, qui seraient heureuses d'une justice semblable, et trouveraient équitable de ne pas être assujetties au droit d'accroissement. « Comme ils n'ont rien en ce monde de ce qu'on peut appeler revenu fixe, excepté ce qui vient dans leurs jardins, fruits et légumes, pour leur communauté, disent les récollets de La Rochelle (1723), les roys ont toujours eu la bonté et la charité de ne les point soumettre aux charges publiques. »>

En examinant bien, en remontant à l'origine, il serait facile de voir qu'à tout privilège répondait une charge. Le prieuré de Lanville dimait dans les paroisses de Mons et d'Aigre; mais il

1. Si un particulier dans une ville s'engageait aujourd'hui à pourvoir aux frais du culte et assurait le service de l'instruction, écoles et collèges de filles et de garçons, il pourrait bien être exonéré de l'impôt sur les portes et fenêtres. Mais certainement au bout de quelque temps, on trouverait des fanatiques d'égalité qui crieraient au privilège et voudraient le soumettre au droit commun.

dépensait 650 livres pour la pension congrue des deux curés et 100 livres de réparations (page 212); l'abbaye de Fontdouce prenait un boisseau de sel sur toute gabarre chargée de sel qui passait sous le pont de Cognac; mais elle était tenue à réparer le pont, 20 livres par an (page 211). Ailleurs, à Balanzac, chaque maréyeur qui se rendait de Marennes à Saintes faisait claquer son fouet au bout de l'allée du château, et laissait là son plus beau poisson (Nicolas Pasquier, page 176); oui, mais l'entretien de la route, le chemin poissonnier, était à la charge du seigneur de Balanzac.

J'arrête là ces réflexions. Il y aurait encore une foule de remarques à faire 1. Que de pensées ne suggèrent pas aux lecteurs ces pièces diverses dont le texte paraît de prime abord si rébarbatif!

LOUIS AUDIAT.

1. On les fera, surtout si l'on veut bien se reporter aux précédents recueils de documents que j'ai publiés sur le même sujet : Saint Vincent de Paul et sa congrégation à Saintes et à Rochefort, sœurs de charité, histoire de la fondation du séminaire de Saintes, de l'établissement des lazaristes à Rochefort dans l'hôpital des matelots, le séminaire des aumôniers de la flotte et à la cure (Paris, Picard; Saintes, Mortreuil ; 1885, in-8o, 106 pages); Documents pour l'histoire des diocèses de Saintes et de La Rochelle (1111-1785), pièces qui, pour la plupart, se rapportent aussi aux sujets du présent volume, et, en outre, les fameuses lettres d'indulgence (1479-1486) pour la reconstruction de la cathédrale de Saintes (Paris et Saintes, 1882, in-8°, 229 pages); Fondations civiles et religieuses en Saintonge (idem, 1877, in-8°, 103 p.); Saint Eutrope el son prieuré, actes du saint, ses reliques, son église, son monastère, etc. (idem, 1877, in-8°, 484 p.); L'abbaye de Notre-Dame de Saintes, histoire et documents (id., 1884, in-8°) ou même Un curé de Jarnac thaumaturge au XVIIIo siècle (idem, 1891, in-8o, 59 p.), le tout extrait des Archives historiques de Saintonge et d'Aunis.

LE DIOCÈSE DE SAINTES

aux XVIIe et XVIIIe siècles

HOPITAUX, COMMUNAUTÉS RELIGIEUSES, ABBAYES, ETC.

DOCUMENTS Inédits

PUBLIÉS PAR M. LOUIS AUDIAT

ELECTION DE SAINTES

1256, 23 octobre.

I

Bref du pape Alexandre VI, adressé à l'évêque de Saintes [Hugues de Félet], pour concéder au recteur de l'aumônerie (Aufredi) de La Rochelle le droit d'avoir un oratoire et d'y établir un autel pour y célébrer la messe et autres offices divins 1, · Original sur parchemin; archives de l'aumônerie à la bibliothèque de La Rochelle, liasse 2, no 3. Communication de M. Louis Meschinet de Richemond.

Alexander, episcopus, servus servorum Dei, venerabili fratri episcopo Xanctonensi, salutem et apostolicam benedictionem. Supplicavit nobis dilectus filius rector nove domus. elemosinarie de Rupella tue diocesis ut, cum ipse in ejus. domo oratorium et in oratorio ipso altare habeat, missam ibidem et alia divina officia celebrandi sibi licentiam conce

1. La lettre de Hugues de Felet, évêque de Saintes, conservée dans la même liasse, no 4 et 5, serait la conséquence du bref pontifical. Elle est datée de 1256-1257 (nouveau style). Elle a été publiée par Paul Marchegay dans son Choix de documents inédits sur l'Aunis et la Saintonge. (Voir Chronique charentaise de 1876), et dans le t, x des Archives, p. 39.

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