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nécessaire au critique. A ce dernier, on demande le goût, le jugement et la science, qui le mettront à même d'être le gardien des saines doctrines, du bon goût, des formes classiques et des règles de l'art.

Le goût, vous ne me le refuserez pas puisque j'ai reconnu que vous avez un beau talent d'écrivain, un style élégant et fleuri. Vous ne pouvez pas méconnaître la justesse de cette appréciation.

Malheureusement il n'en est pas ainsi du jugement et de la science. Ici nous sommes loin d'être d'accord. Tout en proclamant les mérites de votre travail, j'ai indiqué trois défauts que je croyais y trouver et dont vous ne voulez pas même y voir l'ombre. Examinons.

J'ai dit que le sujet ne pouvait pas être traité en monographie séparée; c'est encore mon sentiment. L'alliance conclue entre Fribourg et Genève n'est qu'un rôle du grand drame qui se jouait dans cette dernière ville. Si un acteur seul paraît devant le public, celui-ci pourra-t-il comprendre ce rôle; il saisira des fragments, mais non l'ensemble. Pour me donner tort sur ce point, vous me faites dire une absurdité. J'avais remarqué que vous eussiez dû amener dans votre récit la narration des faits indispensables pour pouvoir juger les relations des deux Etats. Vous omettez ce mot indispensables, et dites simplement que je demandais la reproduction des faits contemporains; et là-dessus vous vous moquez agréablement de moi. Est-ce loyal?

Pour mieux indiquer dans quel sens je trouvais votre travail fautif sous ce rapport, j'ai ajouté que l'exposition seule de ces faits eût pu mettre le lecteur en garde contre certains de vos jugements, non exempts de partialité. La preuve en est dans le panégyrique que vous faites de Pécolat, de Berthelier, etc. L'histoire formule contre eux des accusations graves; vous parlez à peine des plus légères. Puisque ces hommes étaient les plus ardents fauteurs de l'alliance, n'eût-il pas valu la peine de mentionner et de discuter ces accusations? Tout en regrettant leur mort ne doit-on pas reconnaître qu'ils étaient loin d'être innocents comme vous le dites. Vous convenez vous-même que les patriotes cherchaient à s'émanciper, non-seulement de la Savoie, mais aussi de l'autorité de leur prince-évêque. Car si d'un côté (p. 35), vous affirmez que Berthelier ne lutta pas contre l'autorité légitime de l'évêque, vous avouez à la page suivante que son but était l'indépendance de sa patrie; que, dans sa demeure, les nobles enfants de Genève se concertaient pour secouer un DOUBLE JOUG. Ceux qui ainsi cherchaient non-seulement à combattre l'autorité que le duc de Savoie voulait usurper, mais à détruire encore celle de leur légitime souverain, ne méritent-ils donc que des éloges, et pour pouvoir les glorifier comme martyrs, faut-il taire les accusations qui pésent sur eux ? L'impartialité voulait, ou que vous vous abstinssiez de les juger, ou que si vous vouliez le faire, vous apportassiez les pièces du procès. Votre nom seul ne fait pas plus autorité que le mien.

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Puis, est-ce impartialité, est-ce vérité que confondre habituellement la cause du duc et celle de l'évêque ? Si l'une était mauvaise, l'autre n'était-elle pas bonne et légitime? Vous qui voulez que l'on pardonne des extravagances de jeunesse, vous ne pardonnez rien à un légitime souverain placé dans la position la plus critique, entre un étranger et des sujets qui en veulent également à son autorité! Sans doute il penchait du côté du duc, mais cependant il était bien loin de sanctionner ses empiétements. Il reconnaissait les droits qui avaient été légalement acquis au duc, le vidomat; sa souveraineté, il ne l'abandonna jamais.

Vous prétendez que les Genevois pouvaient contracter l'alliance avec Fribourg sans la participation de l'évêque, et que ce droit était compté parmi les franchises de Genève; ces franchises ont été écrites; il eût été bien simple d'en citer l'article. Les raisons que vous apportez pour le prouver sont très-faibles. Il serait à propos de savoir ce qu'étaient ces alliances que vous mentionnez, et surtout comment de la qualification de cives découle ce droit d'alliance. Est-ce sé montrer impartial que de se prononcer, dans ce conflit, pour les patriotes sur des raisons aussi peu concluantes? J'aurais, Monsieur, beaucoup à ajouter sur votre partialité, mais je ne veux pas refaire ici l'histoire de cette époque.

Dans mon compte-rendu j'ai parlé d'erreurs sans les spécifier; comme vous trouvez qu'il vaut la peine d'en citer au moins une ou deux, je vais le faire, en me bornant aux premières pages de votre livre. Vous dites que Genève fut élevé

au rang de ville libre et impériale, en vertu de la concession volontaire que les empereurs firent aux évêques et aux habitants (p. 3). Dans le diplôme de l'année 1162, donné par l'empereur Frédéric Ier, il n'est nullement question des habitants; l'évêque seul est déclaré souverain; ainsi il n'y a pas de concession faite aux premiers. Selon vous, l'évêque représentait la communauté (p. 6). L'évêque agit toujours en son nom, et non comme représentant de la communauté. Les évêques, dites-vous, s'érigèrent en princes (p. 7). Pourquoi quelques pages plus haut avez-vous parlé de concessions impériales? On ne s'érige pas quand on est érigé par d'autres. Vous répétez plusieurs fois que la communauté, les citoyens genevois avaient le droit d'élire leur évêque (p. 8, 23, etc.). M. Mallet, auteur protestant, dans son savant Mémoire sur l'élection des évêques de Genève, prouve que jamais les citoyens n'eurent le droit d'élire leur évêque; ils participèrent seulement à cette élection, mais non comme partie principale. Il est également faux que ce soit le comte de Savoie qui ait concentré l'élection épiscopale dans le chapitre (p. 12); ce mode d'élection fut établi définitivement par le IVe concile de Latran, en 1215. Qui croira que, pour favoriser l'ambition d'un simple prince, on ait ainsi changé un mode d'élection dans toute l'Eglise! On ne dira pas que ce sont là des erreurs insignifiantes; elles portent sur des objets graves, et dont les conséquences sont importantes. Voyons encore comment vous avez lu les ouvrages des auteurs que vous combattez. Nous lisons à la page 43:

«

.....

Ce sanglant forfait (la mort de Levrier), pour lequel les historiens savoyards n'ont pas un mot de blâme. » Il est deux écrivains savoyards que vous citez souvent, M. Magnin, et l'auteur de Vingt années de l'histoire de Genève. Nous n'avons pas le premier sous la main, mais voici les paroles du second: « La mort de Levrier sera toujours reprochée au duc Charles III, comme un acte d'odieuse vengeance, d'une politique ombrageuse (p. 25). » Le blâme n'est-il pas assez clairement formulé!

Il est d'autres erreurs encore qu'il serait facile de relever, mais je crois en avoir assez dit pour montrer que ma critique était fondée et loyale. En me la permettant, c'est sans intention de nuire et sans fiel que j'ai écrit. Soyez persuadé que

j'aime mieux louer que blâmer. Mais vous ne pouvez pas trouver mauvais que je réclame en faveur de l'impartialité et de la vérité, quand je les crois violées. Je ne suis ni savoyard ni patriote genevois; je n'approuve pas plus les usurpations du duc que celles des patriotes. En histoire, je ne suis d'aucun parti, quoique je porte un uniforme et que je reconnaisse une autorité au-delà des monts. Je crois qu'il faut chercher avant tout la vérité, l'accepter comme elle est, sans la plier à nos systèmes politiques. Tout cela fait, Monsieur, que vous n'eussiez pas pu m'adresser le ricochet qui termine votre réponse, si j'eus traité ce sujet; car je n'eus pas été Mamelus comme vous êtes Eidgenoss.

Ce que je viens de dire ne m'empêchera jamais de rendre justice à vos qualités. Je ne méconnais pas les mérites de votre ouvrage, et je me plais à dire que, malgré ses défauts, il sera une source précieuse à consulter pour l'histoire de Genève. J'augure mieux de vous que vous ne le faites; j'espère que vous ne serez pas sans lendemain.

Morlens, le 10 avril 1856.

J. GREMAUD.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

RECHERCHES sur quelques localités du Bas-VALLAIS et des bords du LÉMAN aux premiers siècles de notre ère et en particulier sur l'éboulement de TAUREDUNUM en 563, par M. Fréd. de GINGINS-LA-SARRA, président honoraire de la Société d'histoire de la Suisse romande et correspondant de l'Institut genevois. Avec une carte topographique. (Genève 1856.) 63 pages in-4° - Publié dans le 3me vol. des Mémoires de l'Institut Genevois.

La chute du mont Tauredunum, en 563, est célébre dans l'histoire du Vallais. Le récit de cette catastrophe nous a été conservé par Marius, évêque d'Avenches, et Grégoire de Tours, qui en ont fait connaître les principales circonstances. C'est cet événement, ainsi que ses conséquences, qui fait le sujet des Recherches de M. de Gingins. A l'aide des récits des deux historiens que nous venons de nommer, l'auteur cherche d'abord à établir la situation du mont Tauredunum, situation sur laquelle les écrivains ont beaucoup varié et sont loin, même de nos jours, d'être d'accord. M. de Gingins adopte l'opinion commune qui place ce mont en amont de St--Maurice, au pied de la Dent du midi. Cette opinion a été vivement combattue par M. Troyon, qui a cru trouver Tauredunum à la Rochia, entre le Boveret et la porte de Scex. Sans entrer dans le détail de la discussion, nous ferons seulement observer que M. de Gingins a pour lui l'ancienneté de la tradition.

Pour mieux connaître les conséquences de cette catastrophe, l'auteur dirige ses recherches sur l'état du pays avant et après l'éboulement. C'est là la partie la plus importante et la plus intéressante de son travail. Il a rassemblé toutes les notions qui existent sur la vallée du Rhône, depuis Martigny au lac Léman, aux époques romaine, burgonde, franque et des Rudolfides; il offre un tableau topographique et historique de ces contrées, le plus complet qui ait encore été tracé. Nous suivons la voie romaine, nous retrouvons la place de ses stations; nous assistons à la nais

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