Dans la première moitié du septième siècle on vit paraître dans la Suisse de zélés missionnaires; la plupart originaires des îles britanniques. Fridolin parcourut la Bourgogne, fit bâtir une église à Glaris, deux autres à Coire et fonda deux monastères à Seckingen. On lui attribue de nombreuses conversions d'idolâtres et d'hérétiques 1. S. Colomban, ses compagnons et ses disciples se montrèrent très-actifs. S. Gall s'occupa à convertir les payens de la Suisse allemanique et jeta les fondements d'un monastère qui devint célèbre. L'année 615, après la mort de Gaudentius, évêque de Constance, Gall refusa de lui succéder et fit élire Jean, son disciple, dans un synode d'évêques et d'un nombreux clergé diocésain 2. Sigebert, fondateur de l'abbaye de Dissentis, exerça son zèle dans le diocèse de Coire. La retraite d'Ursicin ou Ursane dans la Rauracie ne fut pas inutile à ce pays. On dit que Théodore prêcha l'évangile dans la Thurgovie 3. Eustase, abbé de Luxeuil, s'attacha à retirer de l'erreur les payens, les ariens et les phociniens dans le canton des Varasques, nom sous lequel on comprenait anciennement non-seulement les rives du Doubs, mais encore une partie de la Suisse occidentale, voisine du Jura. S. Agile, religieux de Luxeuil, se voua à la prédication dans les districts situés des deux côtés du Jura 4. Vers le même temps S. Imier, que l'on dit originaire de la Rauracie, défrichait, dans le diocèse de Lausanne, une vallée qui porte encore son nom. L'exemple de sa vie chrétienne, fervente et laborieuse appuyait efficacement la parole des prédicateurs. Grâce à tous ces moyens réunis, l'erreur disparaissait, les mœurs s'adoucissaient. Quoiqu'on ne connaisse pas la mesure du progrès religieux et qu'on ne puisse assigner aucune époque précise, on peut dire que, dans les lieux où la restauration chrétienne ne fut pas accomplie au sixième siècle, elle le fut bien avant la fin du siècle suivant. Il est vrai que, dans quelques localités, surtout à une distance notable des cités épiscopales, des coutumes condamnables résistaient encore aux exhortations et aux exemples. En plein septième siècle, dans la France, on invoquait Diane et Minerve. Sous prétexte de certains vœux on allumait des flambeaux tantôt dans des temples profanes, tantôt auprès de quelques fontaines, pierres ou arbres. On jurait par le soleil et la lune, que l'on qualifiait seigneurs 1. Il y a des raisons de croire, que la Suisse ne fut pas préservée de ces superstitions2. Encore au milieu du huitième siècle, S. Pirmin, évêque régionnaire et chorévêque, adressait cette exhortation à ses auditeurs: «N'adorez les idoles ni auprès des pierres, ni sous •>> les arbres, ni dans les coins, ni au bord des fontaines » 3. On ignore si cela fut dit dans la Suisse ou à l'orient du Rhin. Mais alors, dans nos contrées, ces sortes d'abus ne pouvaient être qu'exceptionnels. Baltherus. Lecointe, Annal. franç., t. I, p. 273. Gerbert a prouvé que S. Fridolin vivait au VIIme siècle. Hist. Silv. nigr., t. I, p. 24. 2 Valafrid Strab. Vit. S. Galli, c. 24, 25. 3 Bucelin. Murer. 4 Ce que nous disons de ces divers personnages est tiré des écrits de Mabillon, de Dom Rivet, des Bollandistes et de divers documents locaux. Audænus, Vit. Sti Eligii, 1. II, c. 15, ap. Dachery spicil. La sainte et vivifiante lumière du christianisme triompha de l'erreur. Agriculteurs, littérateurs, artistes, les prédicateurs de l'évangile furent les promoteurs de la civilisation. Les Allemannes, cessant de sacrifier à Wodan, apprirent à partager leurs terres et à les cultiver. Arius et Photin furent oubliés. Les barbares réunirent peu à peu la mansuétude chrétienne à la mâle vigueur qui avait fait défaut aux Galloromains. Si les pères avaient détruit les cités, on vit les fils, devenus chrétiens et industrieux, élever des bourgs et des villes florissantes autour des monastères et à côté de mainte cabane d'anachorète. J. Dey. 2 Dans une lettre de l'année 1403 S. Vincent Ferrier parle d'adorateurs du soleil, qui, disait-on, se trouvaient dans le diocèse de Lausaune. Encore vers le commencement du XVIIIe siècle, dans une commune du même diocèse, on appelait la lune Herr Mond, ce que l'on traduit par Madame la lune. En nommant cet astre on se découvrait la tête. Dans ces cas il faut voir, non une véritable idolatrie, mais des coutumes qui, dérivées du paganisme et encore entachées de superstition, toutefois n'excluaient pas le christianisme. Peut-être était-ce un culte purement civil, semblable à celui que les anciens Perses rendaient au soleil, selon le système soutenu par le docteur Hyde, à Oxford, il y a environ 170 ans. 3 Mabillon, Analect., p. 65, 2me édit. Douleur immense, Heureux instants passés au sanctuaire, Dans la souffrance Chants du clocher, adieu! Votre harmonie, Sans l'espérance De vous ouïr, Cruel silence! Adieu, lieux saints où s'offrait la victime! Tes cris, démence, Mais quoi! regrets, je vous exhale encore? Aux durs frimas succèdent les beaux jours. Jamais souffrance Que l'espérance N'a fait mourir! P. A. M. G. TABLE DES MATIÈRES. HISTOIRE ET ARCHÉOLOGIE. Mémoire sur les troubles arrivés à Fribourg en 1780 et Pages. par le Marquis de Maillardoz 5 Antiquités celtiques des lacs de la Suisse Courses historiques, par Jos.-V.-T. Daguet Les Liguoriens de Fribourg, par le P. M. Schmitt Essai sur les élections épiscopales en général et en particulier 81, 161 et 197 dans les diocèses de Lausanne et de Genève, par le P. M. • 103 et 129 Des lépreux dans le diocèse de Lausanne, par J. Gremaud 151 • 173 Notice biographique sur N.-C. Dargniés, par J. Gremaud 208 de Lausanne, par Fr. de Gingins • 225 Essai historique sur les commencements du christianisme et des siéges épiscopaux dans la Suisse, par J. Dey 257, 289, 321 et 375 L'Eglise et l'éducation publique, par Mgr. de Verdun • 157 29, 61, 125, 253 et 311 120 |