propres lois, avaient manifesté un vif désir d'être placés sous le régime et le droit des colonies, tandis que les habitants de Preneste, s'adressant à l'empereur Tibère, demandérent avec instance de n'être plus colonie, mais d'être placés au rang des municipes, ce qui leur fut accordé. Aulu-Gelle ajoute : « L'ignorance fait que l'on ne jouit plus des droits propres aux municipes, devenus obscurs et en quelque sorte tombés en désuétude 1». Lorsque la nature des villes municipales était oubliée, on ne devait pas avoir une notion plus nette de l'état constitutif des colonies. Si déjà sous Tibère, et en Italie, la constitution et les droits de la colonie étaient méconnus, on ne voit pas pourquoi dans la Gaule on aurait respecté les conditions et les lois primitives de la colonie, à l'époque de Trajan, qui est celle de notre inscription. On assure que les colonies de la Belgique ne furent jamais assujéties aux lois générales de l'empire 2. Or, Avenches et l'Helvétie furent comprises dans la Belgique, au moins du temps d'Auguste 3. Il faut donc admettre que, au mépris de la constitution coloniale primitive, vers la fin du premier siècle de notre ère, les colons d'Avenches purent facilement réunir à leur qualité de colonie celle d'alliés du peuple romain (fæderata). Chaque colonie était soumise au tribut et devait envoyer à l'armée son contingent en hommes 4. Les cités alliées n'étaient liées au peuple romain que par un traité en vertu duquel elles lui devaient des prestations déterminées. Leur liberté n'avait pas partout la même étendue. Dans la Gaule elles avaient bien leur gouvernement et leurs magistrats, mais elles étaient soumises à la juridiction du gouverneur de la province. Quoiqu'en dise Haller de Königsfeld, il n'est point certain que la colonie d'Avenches fût au nombre de celles qui, appartenant à la seconde classe de ces sortes d'établissements, jouissaient du droit latin; elle avait pu se trouver dans le cas de désirer un complément de priviléges, complément que l'alliance put lui donner. La qualité d'alliée étant censée moins honorable que celle de colonie, si la première n'avait pas apporté aux colons quelque avantage notable, il est très-probable qu'il n'en aurait pas été fait mention sur les monuments d'Avenches. Par le traité d'alliance le tribut avait pu être modifié ou transformé soit en un modique impôt foncier, soit en diverses prestations en nature, usages qui étaient connus dans les Gaules; on avait même vu quelque chose d'approchant en Italie 1. 1 Aulu-Gelle, L. XVI, c. 13. 2 Recherches histor. sur les municipalités. Paris 1789, p. 14. 3 Pline, L. IV, c. 17, compte les citoyens de Langres au nombre des alliés de Rome. S'il est vrai, comme on le prétend, que cette ville fût une colonie romaine, voilà une colonie qui fut en même temps cité alliée.. 4 Sigonius, de antiquo jure Italiæ, L. II, c. 3. L'année 1804 on découvrit à Avenches une inscription ainsi conçue : IN HONOREM. DOMVS. DIVINAE DAVTAE. ARVRANCI. ARAMICI SCHOLAM. DE. SVO. INSTRVXERVNT D Cette inscription fait connaître une société de bateliers ou, comme on dirait aujourd'hui, d'entrepreneurs et d'actionnaires, qui avaient fait construire à Avenches un édifice destiné à leurs réunions, le local ayant été donné par un décret des décurions, c'est-à-dire, du conseil ou sénat de la colonie. On demande ce que peuvent signifier les qualifications d'aruranci et d'aramici, données aux bateliers, nautes ou entrepreneurs. Comme ceux-ci devaient exploiter les eaux du pays, on a cru que Aruranci pouvait dériver d'Arura, censé l'ancien nom de l'Aar, rivière que, au huitième siècle, Frédégaire désignait par le nom Arula 3. Quant à Aramici, on s'est souvenu que Aram est le nom hébreu de la Syrie et que les Syriens paraissent sous le nom d'Arimi et d'Aramaei dans Homère et dans d'autres auteurs grecs 4, et l'on s'est demandé si Vespasien et Titus, qui avaient séjourné dans la Syrie, n'auraient pas conduit des marins de ce pays dans leur colonie d'Avenches, pour organiser un système de navigation sur les lacs voisins. Un passage de Fréculphe, évêque de Lisieux au neuvième siècle, semblait rendre plausible cette supposition. « Titus, dit ce prélat, donna au district >> d'Avenches le surnom de Galilée, parce que ce pays ressem>> blait à cette partie de la Palestine (comprise souvent sous >> le nom de Syrie), où il avait moissonné de sanglants lau>> riers, et parce que le lac voisin d'Avenches rappelait le >> souvenir de la mer de Tibériade 1. » Ne dirait-on pas des étrangers aimant à se retracer l'image de leur lointaine patrie? Toutefois cette hypothèse paraît n'avoir pas été publiée; c'est un roman ingénieux qu'on ne s'arrêtera pas à réfuter. 1 Appian., de bell. civil., Lib. I. 2 Mommsen, I. c. no 182. 3 Fredeg., chr. ad a. 599. 4 Homèr., Iliad. Liv. II. - Strab., Liv. XIII. - Theocrit., etc. En premier lieu, dans la collection de Gruter on trouve plusieurs inscriptions, où sont mentionnés les nautæ ararici, les bateliers de la Saône. Dans une autre « inscription >> trouvée à Rome, dit Levade, un Regilien, chevalier romain, >> patron de plusieurs communautés et même du nombre des >> sevirs de Lyon, est appelé nauta araricus 2. » En second lieu, remarquons que, dans les inscriptions romaines, se trouve souvent ce que dans les livres nous appelons une faute d'impression; il n'est pas rare d'y voir des lettres superflues ou une lettre mise à la place d'une autre. Ces deux points étant incontestables, il paraît au moins permis de lire dans l'inscription d'Avenches ararici, dont le sens est bien connu, au lieu de aramici qui ne signifie rien. L'existence de la riche et nombreuse société des nautes de la Saône, bateliers ou entrepreneurs, est un fait certain. Le ordo nautarum, les bateliers ou entrepreneurs ararici, établis à Avenches, étaient une division de cette société; leur destination était de diriger et exploiter la navigation des lacs et des rivières, dans le territoire très-étendu attribué à la colonie. 1 Freculph., Hist. mundi, L. II, c. 3. 2 Levade, Dict., p. 32. J. D. ! POÉSIE. QUARE FREMUERUNT GENTES. PSAUME DEUXIÈME. D'où viennent ces clameurs et ces cris menaçants Que poussent à l'envi cent peuples frémissants? Se sont-ils réunis pour déclarer la guerre Au Seigneur, à son Christ : « Brisons, se sont-ils dit, >> Brisons ces fers honteux, brisons ce joug maudit! >>> Celui qui dans les cieux a fixé sa demeure Se rit de leurs efforts, en attendant son heure. Il leur parlera haut au jour de sa fureur; Ils seront devant lui tous muets de terreur. Mais quelle voix soudain a frappé leurs oreilles? J'entends la voix du Christ: écoutez ces merveilles ! <<< Sur la sainte Sion je suis établi roi; >> Le Seigneur m'a chargé de révéler sa loi. Je suis Fils du Très-Haut, l'Éternel est mon père. - Demande, m'a-t-il dit, j'exauce ta prière. >> L'univers dès ce jour à ton sceptre est soumis; >> Toutes les nations seront ton héritage; >> Ton empire immortel s'étendra d'âge en âge, >> Tu verras à tes pieds tes plus fiers ennemis >> En vain ils s'uniraient pour te faire la guerre : >> Que peuvent contre toi tous les rois de la terre ? >> Tu leur feras sentir la force de ton bras. >> Pour rompre leur ligue fragile » Tu n'as qu'à te montrer et tu les briseras, >> Comme on brise un vase d'argile. >>> : Vous qui jugez la terre, instruisez-vous, ô rois ! Du Seigneur apprenez à respecter les lois. Servez ce roi du ciel, marchez en sa présence; Publiez ses bienfaits, célébrez sa puissance. Craignez surtout, pécheurs, ah! craignez que sur vous Bientôt, en traits de feu, n'éclate son courroux! Heureux, quand paraîtra le jour de sa vengeance, Heureux qui dans Dieu seul a mis sa confiance! H. Τ. |