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Ils sont sortis, Olympe? Ah! mortelles douleurs !
Qu'un moment de repos me va coûter de pleurs!
Mes yeux, depuis six mois, étoient ouverts aux larmes:
Et le sommeil les ferme en de telles alarmes !
Puisse plutôt la mort les fermer pour jamais,
Et m'empêcher de voir le plus noir des forfaits!
Mais en sont-ils aux mains?

OLYMPE.

Du haut de la muraille

Je les ai vus déjà tous rangés en bataille;

J'ai vu déjà le fer briller de toutes parts;
Et, pour vous avertir, j'ai quitté les remparts.
J'ai vu le fer en main Etéocle lui-même;
Il marche des premiers, et, d'une ardeur extrême,
Il montre aux plus hardis à braver le danger.

JOCASTE.

N'en doutons plus, Olympe, ils se vont égorger.
Que l'on coure avertir et hâter la princesse ;
Je l'attends. Juste ciel, soutenez ma foiblesse !
Il faut courir, Olympe, après ces inhumains;
Il les faut séparer, ou mourir par leurs mains.
Nous voici donc, hélas ! à ce jour détestable
Dont la seule frayeur me rendoit misérable!
Ni prières, ni pleurs ne m'ont de rien servi;
Et le courroux du sort vouloit être assouvi.
O toi, soleil, ô toi qui rends le jour au monde,
Que ne l'as-tu laissé dans une nuit profonde!
A de si noirs forfaits prêtes-tu tes rayons?

Et peux-tu, sans horreur, voir ce que nous voyons?
Mais ces monstres, hélas ! ne t'épouvantent guères;
La race de Laïus les a rendus vulgaires:

Tu peux voir sans frayeur les crimes de mes fils,
Après ceux que

le père et la mère ont commis:

Tu ne t'étonnes pas si mes fils sont perfides,

S'ils sont tous deux méchants, et s'ils sont parricides; Tu sais qu'ils sont sortis d'un sang incestueux,

Et tu t'étonnerois s'ils étoient vertueux.

T

SCÈNE II.

JOCASTE, ANTIGONE, OLYMPE.

JOCASTE.

MA fille, avez-vous su l'excès de nos misères ?

ANTIGONE.

Oui, Madame; on m'a dit la fureur de mes frères.

JOCASTE.

Allons, chère Antigone, et courons de ce pas
Arrêter, s'il se peut, leurs parricides bras.
Allons leur faire voir ce qu'ils ont de plus tendre;
Voyons si contre nous ils pourront se défendre,
Ou s'ils oseront bien, dans leur noire fureur,
Répandre notre sang pour attaquer le leur.

ANTIGONE.

Madame, c'en est fait, voici le roi lui-même.

SCÈNE III.

JOCASTE, ÉTÉOCLE, ANTIGONE,

OLYMPE.

JOCASTE.

OLYMPE, Soutiens-moi; ma douleur est extrême.

ÉTÉOCLE.

Madame, qu'avez-vous? et quel trouble....

JOCASTE.

Ah! mon fils,

Quelles traces de sang vois-je sur vos habits?

Est-ce du sang d'un frère, ou n'est-ce point du vôtre ?
ÉTÉOCLE.

Non, Madame, ce n'est ni de l'un ni de l'autre.
Dans son camp jusqu'ici Polynice arrêté,
Pour combattre, à mes yeux ne s'est point présenté.
D'Argiens seulement une troupe hardie
M'a voulu de nos murs disputer la sortie.
J'ai fait mordre la poudre à ces audacieux,
Et leur sang est celui qui paroît à vos yeux.

JOCASTE.

Mais que prétendiez-vous? et quelle ardeur soudaine
Vous a fait tout-à-coup descendre dans la plaine?
ÉTÉOCLE.

Madame, il étoit temps que j'en usasse ainsi
Et je perdois ma gloire à demeurer ici.

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Le peuple, à qui la faim se faisoit déjà craindre,
De mon peu de vigueur commençoit à se plaindre,
Me reprochant déjà qu'il m'avoit couronné,
Et que j'occupois mal le rang qu'il m'a donné.
Il le faut satisfaire; et, quoi qu'il en arrive,
Thèbes dès aujourd'hui ne sera, plus captive;
Je veux, en n'y laissant aucun de mes soldats,
Qu'elle soit seulement juge de nos combats.
J'ai des forces assez pour tenir la campagne;
Et, si quelque bonheur nos armes accompagne,
L'insolent Polynice et ses fiers alliés

Laisseront Thèbes libre, ou mourront à mes pieds.

JOCASTE.

Vous pourriez d'un tel sang, ô ciel ! souiller vos armes!

La couronne pour vous a-t-elle tant de charmes?
Si par un parricide il la falloit gagner,

Ah, mon fils! à ce prix voudriez-vous régner?
Mais il ne tient qu'à vous, si l'honneur vous anime,
De nous donner la paix sans le secours d'un crime,
Et, de votre courroux triomphant aujourd'hui,
Contenter votre frère et régner avec lui.
ÉTÉOCLE.

Appelez-vous régner partager ma couronne,
Et céder lâchement ce que mon droit me donne?

JOCASTE.

Vous le savez, mon fils, la justice et le sang
Lui donnent, comme à vous, sa part à ce haut rang.
OEdipe, en achevant sa triste destinée,

Ordonna que chacun régneroit son année;
Et n'ayant qu'un état à mettre sous vos lois,
Voulut que tour à tour vous fussiez tous deux rois.
A ces conditions vous daignâtes souscrire.

Le sort vous appela le premier à l'empire;
Vous montâtes au trône, il n'en fut point jaloux;
Et vous ne voulez pas qu'il y monte après vous?

ÉTÉOCLE.

Non, Madame, à l'empire il ne doit plus prétendre:
Thèbes à cet arrêt n'a point voulu se rendre ;
Et, lorsque sur le trône il s'est voulu placer,
C'est elle, et non pas moi, qui l'en a su chasser.
Thèbes doit-elle moins redouter sa puissance,
Après avoir six mois senti sa violence?
Voudroit-elle obéir à ce prince inhumain,

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