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tenant du duc de Bourgogne1. Lyon n'abandonna pas dans ces tristes circonstances le malheureux dauphin, Les consuls ne craignirent même pas d'encourir la colère du duc de Bourgogne en confisquant des marchandises appartenant à des marchands lucquois domiciliés à Paris et partisans du duc2. C'est en vain que ceux-ci s'adressèrent à la chancellerie du malheureux Charles VI pour obtenir la resti tution de leurs étoffes3. Les Lyonnais refusèrent d'obtempérer aux ordres du roi et le dauphin les félicita de leur conduite ainsi que du soin qu'ils avaient eu de lui transmettre la missive royale, car ces Lucquoys, dit-il, « ont esté et sont principaux faiseurs en consentans de la trayson qui faicte y a esté à l'encontre de la seigneurie de mon dit seigneur et de nous ». Il ajoute même : « Vous povez bien penser que se les diz marchands luquoys à qui sont les dictes denrées fussent bons et loyaux envers mon dit seigneur et nous, ils se feussent aussi bien et plus tart traiz par devers nous1 ».

Un moment toutefois, on pensa que ces dissensions allaient prendre fin à diverses reprises, le duc de Bourgogne avait manifesté le désir de négocier avec le dauphin5. Son secret espoir était de dominer

Nous connaissons ce détail par une lettre écrite d'Aubigny aux Lyonnais par l'élu Jean Caille, le 28 juin 1418 (v. le texte de cette lettre dans de Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. I, p. 443-444.) Cette phrase se trouve p. 444.

Le 29 mai. V de Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. I, p. 87. Charles écrivit le 13 juin de Bourges aux Lyonnais pour leur faire connaître ces évènenements et leur déclarer que désormais il était le seul représentant de la royauté, Charles VI étant aux mains des ennemis de la France. (V. le texte de cette lettre dans de Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. I, p. 94-95.) — Il furent de plus instruits de la situation par leur bailli Philippe de Bonnay qui leur fit connaître de Saint-Symphorien-leChatel, le 17 juin, les nouvelles recueillies par lui d'un chevaucheur, Guillemin Lescuyer, qui venait de Bourges. (V. le texte de sa lettre dans de Beaucourt. Histoire de Charles VII, t. I, p. 441-443.)

De plus amples détails sont donnés par le dauphin dans sa deuxième lettre du 29 juin 1418 (datée d'Aubigny). V. de Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. I, p. 95-101.Cette lettre avait déjà été publiée par Godemard dans: Documents pour servir à l'Histoire de Lyon, p. 161.

* Voir Pieces justificatives n° XIV, le texte des lettres écrites à Niort le 6 octobre 1418 par le dauphin pour feliciter les Lyonnais de leur conduite. Quant au roi, il sexplique ainsi sur son compte: « vueilliez savoir que actendu l'estat et empeschement de mon dict seigneur durant lequel et tant qu'il sera ainsi détenu hors de sa franchies il ne puet escrire ne faire chose qui procède de son mouvement ». Il n'y a donc pas à tenir compte de ses avis.

4 Voir Ibidem.

* Depuis quelque temps, Amédée de Savoie s'occupait d'obtenir un rapprochement entre le dauphin et ses ennemis (v. de Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. I, p. 278-279. Déjà, le 8 février 1418, une grande Assemblée se tint au Chapitre de SaintJean. Le Conseil de ville y était avec Amé de Talaru, archevêque de Lyon, les cha

lorsqu'il l'aurait fait rentrer à Paris : le parti armagnac décapité par la perte du dauphin qui était sa raison d'être, il serait maître de la France. Il le pensait du moins, mais ses calculs furent déjoués1.

Les négociations entamées aboutirent au singulier traité qu'on a appelé la paix baclée de Saint-Maur, dont les clauses furent définitivement arrêtées en l'absence des ambassadeurs du dauphin. Ce traité fut immédiatement publié par ordre de Jean sans Peur (le 19 septembre). Le roi l'avait la veille déclaré exécutoire 3. Le dauphin refusa de ratifier un pacte pareil, et par deux fois il prévint les Lyonnais de sa décision (les 14 et 31 octobre 4).

Le duc de Bourgogne répondit au refus de Charles par un redoublement d'activité. Il fit écrire aux Lyonnais par son chancelier Jean du Saulx une lettre les priant de se joindre à lui, mais conformément aux ordres donnés, ceux-ci communiquèrent la missive bourguignonne au dauphin. En même temps, ils lui écrivirent pour protester de leur fidélité (13 décembre). Le régent les en félicita chaleureusement dans sa lettre du 31 décembre 5.

[1419. L'année suivante, eut lieu au mois de juillet un nouveau rapprochement qui devait aboutir à la sanglante tragédie de Montereau. Du moins, un traité qui en apparence donnait satisfaction aux deux partis fut signé le 11 juillet, près de Melun à Poilly-le

noines, l'official et le lieutenant du bailli. Il fut décidé qu'on enverrait auprès du roi le chantre, Guillaume de Tallaru, délégué du clergé, Germain Ballaud, délégué du Conseil du roi à Lyon et Claude de Pompierre, délégué de la ville « luy supplier qu'il luy pleyse mander à monseigneur de Savoye qu'il vueille prendre le traicté de la paix de France, actendu qu'il s'y est offert, comme le rapporte ledit monseigneur le chantre ». V. C. Guigue, Registres consulaires de la ville de Lyon, p. 103-104.

1 Voir à ce sujet de Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. I, p. 108.

2 Voir de Beaucourt, Ibidem, p. 108.

3 La lettre du 14 octobre a été publiée par de Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. I, p. 445-6. (Elle est datée de Lezignen.) V. Pièces justificatives no XV, le texte de la lettre écrite à Chinon le 31 octobre par le dauphin qui s'exprime ainsi. « Nous avions envoyé ambassadeurs, maiz en vérité, ilz n'y furent oneques oys ne appellez, et n'est point nostre intencion de tenir chose qu'ilz aient faicte sanz appeller nos dictes gens. »

4 Voir Pièces justificatives, no XVI, le texte de la lettre écrite à Paris le 31 décembre 1418 par le dauphin. La missive bourguignonne à laquelle nous faisons allusion avait été envoyée « toutes ouvertes » de Macon par le chancelier, Jean du Saux» et trois autres membres du Conseil. Les Lyonnais l'avaient immédiate

ment remise au chevaucheur royal Henry Martin.

5 Voir à ce sujet le chapitre du t. I de l'Histoire de Charles VII de Beaucourt, p. 89-128.

Fort1. Le Régent ordonna à l'archevêque et aux habitants de Lyon d'en publier le texte, mais en même temps il les priait de se tenir sur leurs gardes : « Toutes voies, disait-il, se par de la savez ou trouverez aucuns sédicieux, noiseux, banniz ou autres qui en fait ou en parole facent conspiracions, monopoles ou autre chose contre la dicte paix ou le bien publique des villes et pais de Lyon, vous y pourveez par telle manière que inconvénient n'en ensuyve2. » Tout le monde en effet sentait que ce rapprochement ne pouvait pas durer: de toutes parts, des mécontentements se produisaient : le dauphin seul se faisait illusion. On sait comment l'entrevue de Montereau. qui devait réconcilier les deux princes rouvrit l'ère des guerres civiles 3.

Le régent écrivit aux Lyonnais une lettre célèbre pour justifier ses bonnes intentions: sa bonne foi est hors de doute, mais ses adversaires n'y crurent pas.

Séjour du Régent à Lyon. [1419-1420]. Les Lyonnais eurent bientôt l'occasion de faire connaître de vive voix au dauphin leur loyalisme. Celui-ci entreprit à la fin de 1419 un long voyage en Languedoc pour affermir sa domination dans ce pays que le comte de Foix gouvernait assez mal5. Avant de quitter Bourges, le 6 décembre, il écrivit aux Lyonnais pour les prévenir de sa venue. Il devait même s'arrêter quelque temps dans leur ville afin d'y besoigner et conclure » sur les affaires du royaume. Allusion à une entrevue qu'il se proposait d'avoir en cette ville avec le duc de Savoie, Amédée VIII, et plusieurs princes du sang pour le rétablissement de la paix 7. Charles voulait par l'intermédiaire d'Amé

1 Voir de Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. I, p. 146.

Voir Pièces justificatives, no XVII, le texte de cette lettre écrite à Jargeau, le 14 août 1419, par le régent. Il les félicite de n'avoir pas fait publier le texte de la paix & sans savoir sur ce premierement » son « plaisir et voulenté ».

3 Voir de Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. I, p. 167-72.

Voir le texte de cette lettre dans de Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. I. Les Consuls prirent connaissance de la lettre le 28 septembre 1419; le procèsverbal de la séance ne mentionne aucun commentaire : « Ilz ont receu les lettres de monseigneur le Daulphin faisans mencion de la mort du duc de Bourgongne. » V. C. Guigue, Registres consulaires de la ville de Lyon, p. 131.

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5 Voir de Beaucourt, Histoire de Charles VII t. I, p. 196. Le comte de Foix exerçait la lieutenance générale du Languedoc au nom des deux partis.

6 Voir Pièces justificatives, no XX, le texte de cette lettre datée du 6 décembre 1419. Cette lettre a été écrite à Bourges.

7 Voir de Beaucourt, Histoire de Charles VII. t. I, p. 314. Dans sa lettre datée

dée réconcilier avec le duc de Bourgogne, Philippe. Mais celuici refusa de venir à Lyon, et, pour diverses raisons encore, la réunion que le régent avait annoncée au duc de Savoie pour le 15 janvier à Lyon n'eut pas lieu. Charles en quittant Moulins se dirigea sur La Palisse et Roanne où il se trouvait le 4 janvier.

Il se dirigea ensuite sur Lyon par Perreux et Thizy 2. A 5 ou 6 lieues de la ville (peut-être à l'Arbresle), il dut recevoir la visite d'Humbert de Grolée, sénéchal de Lyon, venu avec ses gens et quatre bourgeois (deux consuls et deux notables) pour lui faire révérence3. Il fit son entrée dans la nuit du 20 au 21 janvier'. A

de Moulins (28 décembre) et adressée à Amédée VIII, le régent annonçait que le 15 janvier il serait à Lyon (V. ibid., p. 315).

4 Voir ibid., p. 314.

2 Charles était le 31 décembre à La Palisse et le 4 janvier à Roanne (V. à ce sujet, de Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. I, p. 196-197).

3 Le 5 et le 6 janvier Charles était à Perreux. (V. de Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. I. p. 197). Il séjourna à Thizy du 7 au 10 (V. ibid., p. 197, n° 2), Le 11, il rendit des lettres patentes à Feurs (V. Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. I, p. 204). Il se dirigea ensuite sur l'Arbresle. (V. Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. I, p. 205, no 1). Il y séjourna du 13 au 19 janvier. Nous disons: il dut, car les documents ne parlent que d'un projet. Le 31 décembre 1419, en effet, il avait été décidé que le bailli, accompagné de plusieurs conseillers, se rendrait au devant du dauphin, à cinq ou six lieues de Lyon Les deux consuls désignés étaient Jean le Viste et Jean de Varey. Le lieutenant du bailli, Jean Patarin et un notable Pierre Chivrier, devaient se joindre à eux Aucun de ces personnages n'étant mentionné à propos des réunions de consuls qui se tinrent à cette époque, il est probable que cette démarche eut lieu. V. C. Guigue, Registres consulaires de la ville de Lyon, p. 208 209. — L'Arbresle n'est qu'à 23 kilomètres de Lyon environ; on peut conjecturer que l'entrevue eut lieu dans cette ville, mais aucun texte ne permet de l'affirmer.

4 Aucun document n'indique expressément le jour ni le moment de l'entrée du dauphin. Mais une série de raisonnements permettent d'établir cette date. Le lundi 22 janvier, il est question dans les registres consulaires du « daulphin » présent à Lyon. (V. C. ibid., p. 221). - Le vendredi 19 on parle de « l'advenement que prochainement fera en ceste ville » le daulphin c'est donc entre ces deux dates que doit se placer l'arrivée de Charles. (V. ibid., p. 219). Si l'on examinait rapidement le texte de la délibération prise le 20 janvier, après diner « en l'ovrour Bernerd de Varey » on pourrait en conclure que Charles était déjà dans la ville; il y est en effet question « du conseil de monseigneur le daulphin de present estant a Lion >> (p. 220). Mais, le matin du même jour, les consuls chargent Claude de Pompierre de porter « les parolles pour la ville par devant monseigneur le daulphin quant l'on luy yra au devant » (p. 219). Le samedi matin Charles n'était donc pas encore arrivé. — Or il est impossible qu'il ait fait son entrée entre les deux délibérations de ce jour, attendu qu'il arriva à Lyon dans la nuit. Le 23 janvier, en effet, les consuls passent le mandement de 11 torches gastées quant l'on alla porter les clefs a monseigneur le daulphin » (p. 221), et le 8 janvier les consuls avaient décidé que « ce monseigneur le daulphin entroit a Lion de nuyt, l'on ly yra au devant a deux XIIes de torches (ibid., p. 215). De ces trois dernières délibérations, il résulte : 1° que Charles arriva à Lyon la nuit; 2o que son entrée s'est faite au plus tôt dans la nuit

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une lieue de la ville, il rencontra le bailli qui devait être escorté de vingt notables et de tous les Lyonnais ayant un cheval1. Avec eux, était Claude de Pompierre qui avait reçu mission de le haranguer. Il pénétra ensuite dans la ville par le quartier de Bourgneuf et s'achemina vers le cloître Saint-Jean. Sur son parcours, toutes les maisons étaient parées comme pour la Fête-Dieu 3. Enfin la ville entière, sur l'ordonnance des consuls, était illuminée. Les Lyonnais offrirent au régent «< pour son premier advènement » dans la ville un don de quatre mille livres. De plus, cinq cent livres furent remises aux seigneurs de sa suite. Ces divers cadeaux étaient faits au nom de la ville et du plat pays qui avait imposé comme condition de son concours l'obligation pour les Lyonnais de demander à Charles qu'il voulût bien « mettre le moins possible de gens d'armes au plat pays ». La ville de Saint-Symphorien-le

du 20 au 21. — Quant à la mention « du Conseil de present estant a Lion » elle peut s'expliquer d'une façon fort simple les principaux membres de son conseil étaient arrivés quelque temps avant lui pour faire les préparatifs d'usage et régler d'autres questions. Le 16 sa présence est mentionnée (v p. 218). Il est impossible d'interpréter les textes autrement; on pourrait objecter que la visite de Pompierre et des Consuls aurait pu avoir lieu le lendemain de l'arrivée de Charles, mais les textes sont formels les consuls sont allés au devant du roi dauphin en dehors de la ville, pour lui remettre les clés.

Voir la délibération du 31 décembre 1419. C. Guigue, Registres consulaires de la ville de Lyon, p. 208-209; ce jour il n'est question que des vingt notables, mais le 5 janvier 1420, il fut décidé que « chascun qui porra finer cheval luy yra au devant ». V. ibid., p. 213.)

Voir délibération du 20 janvier (matin, p. 219).

3 Le 12 janvier 1420, il avait été ordonné a «< ceulx qui demourent depuis Bornuef jusqu'à Saint Jehan qu'ilz parent chascun devant chiez soy ». Le 1er janvier déjà ordre semblable avait été donné les maisons devaient être parées comme pour la Fête-Dieu (V. ibid., p. 216.)

4 (P. 213), le 31 décembre 1419 les Consuls décident que « seront allumées les lanternes de la ville et par les fenestres de chascun hostel ». (V. ibid., p. 209.) Toutes les précautions étaient prises pour que les fournisseurs ne renchérissent pas le prix des vivres pendant le séjour du Régent. Le 31 décembre 1419 les Consuls avaient pris une décision à ce sujet. (V. ibid., p. 309). Les Consuls allèrent même le 12 janvier 1420 jusqu'à défendre à un marchand de Montluel, de vendre hors de la ville six porcs gras qu'il voulait emmener hors de Lyon. (V. ibid., p. 216.)— Le 8 janvier un certain nombre de conseillers furent désignés pour surveiller les portes de la ville le jour de l'arrivée du dauphin (p. 215).

5 Ce don avait été décidé le 1er janvier 1420. V. C. Guigue, Registres consulaires de la ville de Lyon, p. 209. Dès le 13 décembre 1419, les Consuls avaient com

mencé à délibérer sur ce sujet. (V. ibid., p. 204.)

• Voir ibid., p. 109. Le 4 janvier (v. p. 211), une taille de 1 denier, 3 mailles, fut décidée pour couvrir les frais de ce don. Toutefois, il fut décidé que si le plat pays ne voulait pas y contribuer, la ville ne donnerait que 2000 livres au dauphin et 300 à sa suite dans ce cas, la taille serait de 2 deniers pour livre.

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