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CHAPITRE IX

LES FRANCS ARCHERS DE LYON SOUS LE RÈGNE DE CHARLES VII

Ces impôts ne sont d'ailleurs pas les seuls que les Lyonnais eurent à fournir pour l'entretien de l'armée royale. L'institution des francsarchers fut pour la ville une nouvelle source de dépenses, puisqu'elle dut équiper et payer un certain nombre de ces soldats.

On sait qu'en 1448, le Roi voulant réorganiser son infanterie comme il avait réorganisé sa cavalerie prescrivit aux élus de lever un archer par groupe de cinquante feux. Les soldats ainsi enrôlés reçurent 4 francs par mois en temps de guerre et jouirent en tout temps de l'exemption des tailles. Ce fut les villes qui furent chargées de payer et d'entretenir ces nouvelles milices; c'est aussi aux villes qu'incomba le soin de désigner ces soldats 1.

Le rôle des élus consistait simplement à inspecter les hommes enrôlés, à voir s'ils étaient « bons compagnons » et si leurs armes étaient en bon état. Tous ces points furent d'ailleurs réglés avec minutie par l'ordonnance de 1448 et par celle de 1451. On conçoit que les villes aient eu intérêt à choisir les francs « arbalétriers >>> comme on les nomma parmi les gens payant les plus faibles tailles; de la sorte, elles réduisaient les frais de cette milice au minimum rendant pour ainsi dire illusoire le privilège d'exemption d'impôts concédé à ces soldats. C'est ce que fit Lyon. La première fois qu'il est question de cette institution dans notre ville (28 août 1448), on

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1 Nous nous permettons de renvoyer le lecteur à l'Édition des Ordonnances et règlements relatifs aux réformes militaires de Charles VII et de Louis XI que nous préparons. Nous ne saurions trop recommander la lecture des pages consacrées par M. Paul Viollet, dans le t. II, de son Histoire des Institutions politiques et administratives de la France (p. 438-441) aux questions militaires. Elles abondent en vues intéressantes, originales et neuves, comme l'ouvrage entier, d'ailleurs. V. aussi De Bonnault d'Houet, les Francs-Archers de Compiègne, Paris, 1897, in-8°) et Spont, la Milice des Francs-Archers (extr. de la Revue des questions historiques de 1897).

voit cette préoccupation se faire jour dans l'esprit des conseillers. Ils déclarent que s'ils ne peuvent obtenir un répit et sont forcés « d'élire » les dis arbalétriers on devra les « élire des moindres en faculté et chevance et de ceulx qui ne paient guere de tailles. » On se contenterait d'habiller aux dépens de la ville ceux qui ne pourraient faire cette dépense, mais la ville garderait leurs habillements jusqu'à ce qu'ils partent pour la guerre. Le Roi avait fixé à huit le nombre des francs-archers que devait entretenir la ville de Lyon et ses Commissaires firent tant qu'à la fin du mois d'août, les Consuls avaient fait choix de huit habitants pour ce service: les huit élus se nommaient : Anthoine Fournier, dit le Bâtard, Anthoine Palmier, Jehan Richier, maréchaux, Jean de la Combeta, maçon, Jehan Purant, Benoît Ranier, fourbisseur, Jean Naer, nochier et Mathieu Veysiou. En 1451, ils reçurent l'ordre d'aller dans le Bordelais pour aider le Roi à conquérir la Guyenne sur les Anglais; ils s'y rendirent tous, à l'exception de Ranier, coutellier, qui envoya à sa place un remplaçant et jouit encore de l'exemption des tailles jusqu'au moment où il se fut fait relever de son serment par les Commis saires royaux3. A leur retour de Guyenne, la plupart avaient perdu leur équipement; aussi, la ville fut-elle forcée de se procurer de nouveaux habits et de nouvelles armes.

Le 21 décembre 1454, ces armes furent portées à l'« ostel » de R. Guérin qui les fit ensuite placer dans une des arches de SaintJacqueme, devant la table des privilèges : il y avait des jaques, des hocquetons, des pourpoints, des chauces, des salades, des épées et quatre carquois de cuir.

Délibération du 28 août 1448 (BB 4, fol. 70). V. Pièces justificatives, n° CXCIX. Délibération du 28 août 1448 (BB 4. fol. 70 vo). V. Pièces justificatives, ne CXCIX bis.

3 Voir la délibération du 17 janvier 1452 (BB 4, fol. 178), « Ils ont ordonné que Pierre Ranier, coutellier, esleuz et receu pour l'un des huit frans arbalestiers de la dicte ville jouira de son privilege et sera franc de taille depuis sa dicte reception jusques a ce qu'il soit quicté et des chargié du serement sur ce fait, non obstant qu'il n'ait esté au mandement du roy nostre Sire dernierement fait au païs de Bordelleys, actendu que le dit Ranier a envoyé au dict mandement homme en son lieu, et neantmoins ont ordonné que le procureur de la dicte ville face requeste pour le dict Ranier aux commisseres sur le fait des dis francs arbalestiers de descharger et quicter icellui Ranier de son dit serement pourveu qu'il treuve autre qui se mecte en son lieu et que les dis commisseres en soient contens. »

BB 6, fol. 97 vo). « Le dit jour, heure de vespres, furent pourtez en l'ostel Raoulin Guerin et bailliez en garde a icellui Raoulin, presens Mathieu Audebert, Pierre Archimbaud et André son filz, les habilliemens des huit arbalestiers de la

La plupart des hommes désignés n'étaient pas satisfaits; l'exemption des tailles qu'on leur avait octroyées n'était pas faite pour les séduire, car ils étaient choisis, nous l'avons vu, en général parmi les pauvres gens incapables d'en payer. Plus d'une fois, ces modestes soldats s'emportèrent contre les riches bourgeois du Consulat. L'un d'eux, Thibaud Court, paya cher sa hardiesse; il fut enfermé à Roanne au mois de juin 1458 et ne put se sauver que par une humiliation publique. Le 15 juin, il vint au Consulat, «< crier merci à genoux nuz, le chaperon hors de la tête »; là, il déclara qu'il avait agi en homme malavisé et que plus jamais ne le feroit1.

Jusqu'à la fin du règne de Charles VII, il n'est plus guère question des francs-archers qu'au commencement de chaque année. A la taille des gens-d'armes s'ajoutaient toujours 100 livres pour le capitaine des arbalétriers et 66 livres pour les six brigandines qui étaient réparties entre eux 2.

C'est seulement sous le règne de Louis XI que cette institution prendra à Lyon un grand développement, au point de faire presque oublier aux Lyonnais celle des compagnies d'ordonnance.

dicte ville lesqueulx estoent au comptent de Chapponay, c'est assavoir les jaques, hocquetons, pourpoins, chauces, salades, espées et quatre carquois de cuyr, et ont esté mises les bannerolles des dites salades en l'une des arches de Saint-Jaqueme au devant du tableau des privileges ».

1 La délibération du 15 juin 1458 (fol. 72). « Thibaud Court l'un des huit frans arbalestiers de la dicte ville et lequel pour certaines parolles plus mal dictes des dis conseillers avoit esté prisoniers a Roanne et encoures avoit assignacion d'y retourner demain a matin luy a crié mercy a genoux nuz, le chaperon hors de la teste, disant que simplement et comme mal advisez avoit dictes les dictes parolles et que jamais ne le feroit et pour ce iceulx conseillers l'ont receu a mercy et luy ont donné pour ceste fois. >>

2 Voir Pièces justificatives l'analyse des lettres adressées par les élus aux Lyonnais. Au sujet des costumes des Francs Archers, voir la description qu'en a donnée E. Vial dans la Revue d'Histoire de Lyon, (t. III, année 1904, p. 49).

CHAPITRE X

LYON ENTRE CHARLES VII ET LE DAUPHIN LOUIS

On sait que la seconde partie du règne de Charles VII fut attristée par la révolte de son fils, le Dauphin Louis, qui après avoir dirigé le mouvement de la Praguerie et s'être un instant réconcilié avec son père avait tenté de se créer une principauté indépendante en Agenais en 1446, puis de s'emparer du château de Razilly où se trouvait le roi. Charles VII, irrité, exila son fils en Dauphiné 1.

Le futur Louis XI demeura près de dix années dans cette province, nouant des intrigues de toutes sortes, et combattant activement la politique de son père. Les Lyonnais furent, on le conçoit bien, forcés d'entretenir certains rapports avec lui.

1448. Leur situation était très délicate, le dauphin étant en révolte constante contre son père. Leur règle de conduite fut de se ménager l'amitié du futur roi sans se brouiller avec Charles VII et surtout sans le trahir. Ici leur habileté vint en aide à leur loyalisme.

Le Dauphin Louis se borna d'ailleurs à leur réclamer des exemptions d'impôts soit en faveur de ses conseillers, soit en faveur de ses amis domiciliés à Lyon. Les personnes qui bénéficièrent de son intervention sont les suivantes, au nombre de cinq: Girard Signiou, Mathieu Thomassin, Guillaume Becey, la veuve et les enfants de

4 Voir Marcel Thibault, la Jeunesse de Louis XI, et Petit-Dutaillis (t. IV, 2 partie, de l'Histoire de France, publiée sous la direction de M. Lavisse).

M. Étienne Charavay avait consacré sa thèse de l'école des Chartes à l'Administration de Louis XI en Dauphiné. Il n'en a paru malheureusement que les Positions. Quant au livre de notre confrère, M. Thibault, il s'arrête malheureusement à l'année 1445. C'est pour nous une raison de plus de regretter la mort récente de ce remarquable érudit, doué d'un esprit si fin et si pénétrant, dont les premiers travaux faisaient tant espérer pour l'avenir.

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Guillaume Moreau, Antoine Laydier. Girard Signiou avait le titre de valet de chambre et de chirurgien du dauphin. Le 30 novembre 1448, Louis réclama leur radiation de la liste des personnes astreintes à payer l'aide << mis sus la ville »; il invoquait le privilège qu'avaient <«<les officiers et serviteurs de Monseigneur, de Madame » et de lui d'être « francs par tout le royaume de toutes tailles et subsides' ». La lettre fut transcrite le 8 décembre sur les registres municipaux par les soins des consuls, qui n'eurent gardede repousser sa requête.

Au début de 1450, le Dauphin pria les consuls de décharger de tout impôt Mathieu Thomassin, membre du Conseil delphinal et son conseiller 3. Au mois de juin, ce fut au tour de Guillaume Becey de profiter de la même faveur (9 juin)'.

[1450-1456]. En 1452, Louis demanda que Antoine Laydier, son valet de chambre et son premier orfèvre, fut rayé du registre des tailles (22 novembre) à l'instar des «< commensaulx » du roi et de la reine. Mais cette affaire ne fut pas résolue si rapidement que les précédentes. Le 1er avril 1453, les consuls délibéraient sur la réponse à faire au Dauphin. Deux ans après, le Dauphin se plaignait, dans une lettre datée de Vienne (20 mars 1455), de n'avoir eu encore aucune réponse : il avait cependant écrit trois fois (le 12 novembre, le 22 novembre et à la fin de décembre 1452) 6. Les consuls donnèrent-ils satisfaction à Laydier? C'est douteux, car il n'est plus parlé de cette affaire dans les documents lyonnais, et de plus, comme Louis s'enfuit du Dauphiné l'année suivante (1456), il est probable que Laydier n'eut pas gain de cause.

Voir le texte de sa lettre, datée de la Sone (30 novembre 1448), dans le t. I des Lettres de Louis XI, publiées par Charavay et Vaesen (n° xxiv, p. 36-38). 11 fut exempté de la taille l'année suivante (V. Arch. mun. de Lyon, CC 70, fol. 647 r*). Dans sa lettre, le Dauphin s'exprime en ces termes : « vous sçavez que les officiers et serviteurs de Monseigneur, de Madame et de nous sont francs par tout le royaume de toutes tailles et subsides ».

Voir Arch. mun. de Lyon (BB 5, fol. 32 vo).

3 Voir la lettre du Dauphin dans le t. I des Lettres de Louis XI, publiées par Ét. Charavay et J. Vaesen, n° xxvII, p. 41-42. Elle est datée de Valence (3 février 1450). Sur Mathieu Thomassin, v. notes biographiques et bibliographiques.

4 Voir la lettre du Dauphin dans le t. I des Lettres de Louis XI, publiées par Et Charavay et Vaesen, no xxx, p. 43-44. Elle est datée de Saint-Donat (9 juin 1450). Sur Guillaume Becey, v. notes biographiques et bibliographiques.

5 Voir la lettre du Dauphin dans le t. I des Lettres de Louis XI, publiées par Ét Charavay et J. Vaesen, no xtt, p. 59-60. Elle est datée de Valence (22 novembre 1452). 6 Voir la lettre du Dauphin dans le t. I des Lettres de Louis X1, publiées par Ét. Charavay et J. Vaesen, no LI, p. 70-71.

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