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CHAPITRE IX

LOUIS XI ET LES FRANCS ARCHERS DE LYON

L'institution des francs archers que nous avons vu apparaître à la fin du règne précédent prit une grande extension sous le règne de Louis XI. Plusieurs raisons expliquent ce fait. Mais il y en a une sur laquelle nous devons particulièrement insister ici c'est la grande écènomie qui en résultait pour le trésor : les villes étaient obligées de les entretenir et de les payer, et en temps de paix, le roi n'avait rien à leur donner. Un souverain, comme Louis XI ne, pouvait méconnaître ces avantages. Il eut recours aux francs archers de Lyon dans plusieurs guerres : en 1467 (lors de la coalition féodale formée par le Téméraire et le duc de Bretagne); au début de 1469 dans une campagne faite en Catalogne; en octobre de la même année, dans la campagne de Gascogne et d'Armagnac. En juillet 1471, il les envoya en Savoie; en 1472, à Rodez et en Guyenne; en 1474 et en 1475 en Catalogne; en 1472 (juillet) en Bretagne ; en 1478 en Bourgogne. De ce chef, les guerres du roi furent pour Lyon l'occasion de nouvelles dépenses 1.

Entre temps, cependant, les francs-archers ne laissaient pas de coûter certaines sommes d'argent à la ville. Celle-ci devait même en temps de paix veiller à l'entretien et au renouvellemeut de leur équipement. Ainsi, le 23 mai 1462, nous voyons le Consulat sanctionner une dépense de 114 livres 12 sous 7 deniers pour l'établissement des francs-archers 2.

A propos des Francs Archers, nous nous permettons de rappeler à nouveau la très belle étude de M. le baron de Bonnault d'Houët: les Francs Archers de Compiègne (1448-1524). Paris 1897, in 8a (2o tirage) qui abonde en renseignements extrêmement curieux sur l'histoire de cette institution. Cf. Sée., Louis XI et les villes, p. 86. Sur la date de l'expédition de Bretagne, v. CC 437, fol. 36 et plus loin. Sur celle de la Savoie, v. CC 437 no 7.

Voir la délibération du Consulat du 23 mai 1462. (BB 9, fol. 19 ro). Il s'agissait

1463]. Il ne faut d'ailleurs pas trop s'étonner de voir la ville s'occuper assez souvent de l'équipement de ces soldats; après chaque campagne il fallait faire de nouveaux sacrifices pour les habiller, car ils ne se faisaient pas scrupule de vendre pendant la guerre toutes leurs armes offensives et défensives pour se procurer quelque argent. Ainsi, on se souvient que pendant l'expédition de Guyenne la plupart des hommes envoyés par Lyon s'étaient débarrassés une à une de toutes les pièces de leur équipement1. Aussi des montres passées de temps en temps par les élus permettaient de voir si les <«<arnais et les habillemens n'avaient pas disparu une de ces montres fut prescrite le 14 janvier 14632.

Au mois de novembre de la même année Lyon se plaignit d'une augmentation du nombre des francs archers, d'autant plus insolite qu'elle n'était motivée par aucune expédition militaire 3. Comme le plat pays n'était pas assez riche pour entretenir le nombre de francs archers qui lui avaient été imposés, Louis XI n'avait trouvé rien de mieux que de le décharger de l'entretien de 35 de ses soldats et de faire supporter à Lyon le fardeau dont il dispensait les paysans. Ce fait est d'ailleurs parfaitement conforme à la politique générale de Louis XI qui avait une tendance à demander aux villes riches l'effort dont il jugeait les campagnes incapables.

[1466. L'année 1466 vit un grand accroissement du nombre des francs archers dont le nombre fut porté à 16.000 pour le royaume

de sanctionner la dépense faite à ce sujet par le trésorier Gilet de Chaveyrie. Nous n'avons pas dans ce rapide résumé épuise la question des francs archers, et nous espérons qu'à l'exemple de M. de Bonnault d'Houet et de M. Laurent, qui a consaeré une étude aux francs archers de Mézières dans la Revue de Champagne de 1888, nous pourrons faire plus tard un travail très complet sur les Francs Archers de Lyon. Voir plus haut p. 155.

* Voir la deliberation du consulat du 14 janvier 1463 (BB 9, fol. 55 vo). Les conseillers furent d'avis « item que au dit jour ilz manderont et feront venir a eulx vers le dit pont les frans arbalestriers de la dite ville pour iceulx veoir et savoir les pieces des arnoys et habillemens qu'ils ont affin de les mestre en point pour aler servir le roy en temps et heu et quant besoing sera ».

à l'année suivante une montre eut leu en juin 1464 à la Lanterne (v. CC 422, a2 je, — A tout instant, le consulat dut ordonnancer des dépenses pour leur équipement ou leur habillement. Ainsi le 9 avril 1465, il approuve une dépense de di manos 41 4:08 1 3. (OC 128, no 46), - Le 25 août 1436 il approuve une dépense de 33 avres 16 sous, 10 demers (CC 422, n° 43)

Voir la deliberation du Consulat du 20 novembre 1463 (BB 9. fol. 107-109). Les conserters app irent la suppression au profit des campagnes des frais d'entretien de 33 de ces soldats a mis et tournes en la charge de la dite ville ». On décida en con

tout entier. Il y en eut un désormais par cinquante feux 1. Ces troupes furent réparties entre quatre corps commandés chacun par un capitaine-général et en 32 compagnies, soit 8 compagnies par corps.

A la tête de chaque compagnie, il y avait un capitaine; toutefois, la 8o compagnie de chaque corps avait pour chef le capitaine-général. Le premier corps (qui comprenait la Normandie, Beauvais, Amiens, Chartres, Mantes, Blois, Étampes, etc.), était commandé par Aymar de Poisieu, dit Capdorat, un ancien ami de Louis XI qui l'avait connu en Dauphiné. Le second (correspondant à la Champagne, aux pays de Morvan, de Nivernais à l'élection de Langres, etc.), par Pierre Aubert, capitaine-général des francs archers de Champagne; le troisième corps fut placé sous les ordres de Pierre de Comberel, seigneur de l'Isle et le quatrième sous ceux du sénéchal de Beaucaire, Ruffec de Balzac 2. C'est à ce dernier qu'appartenait la ville de Lyon.

Chaque corps comprenait 4.000 hommes; la compagnie était de 500 soldats. Le Lyonnais, le Beaujolais et le Forez formèrent une compagnie qui en 1466 avait pour chef Jean Maillard, si nous en croyons la Chronique de Benoît Mailliard, grand prieur de Savigny, éditée par M. G. Guigue 3.

L'ordonnance, qui fut accompagnée d'un règlement spécial, œuvre de «< Capdorat », relatif au costume et à l'équipement des francs-archers contient un grand nombre de prescriptions dont les principales ont été énumérées par M. le baron de Bonnault d'Houët dans son étude sur les Francs-Archers de Compiègne .

séquence d'envoyer au roi une ambassade chargée entre autres choses de se plaindre de cette surcharge.

1 Voir De Bonnault d'Houët, les Francs Archers de Compiègne, p. 47-49.

Voir ibid., p. 48, Sur ce personnage, voir la note de M. G. Guigue (Chronique de Benoit Mailliard, p. 6 n. 1). Rauffet de Balzac qui joignait à ce titre celui de chambellan du roi avait épousé Jeanne, la fille unique d'Antoine d'Albon, seigneur de Chatillon d'Azergues et de Bagnols. Sur sa venue voir la délibération du 31 décembre 1466. (BB 11, fol. 146-147 vo). Comme un passage important de l'ordonnance manque, nous ignorons l'étendue de ces deux dernières circonscriptions.

3 Voir ibid., p. 136-7 « cum eis erat dictus dominus Rauffetus de Balsac, qui, conversus ad regem, capitaneus erat quatuor mille architenentium francorum >> et p. 137-138. « In societate domini Rauffeti de Balsaco erat frater meus Johannes Maillardi, capitaneus architenentium francorum patrie Lugduni, Belli Joci et Forensis. V. aussi dans le supplément (Lyon 1901), p. 7 le passage correspondant d'un autre ms. de la chronique : Rauffetus... capitaneus centum lancearum et quatuor... Jean Maillard était son lieutenant.

4 Voir De Bonnault d'Houët: les Francs Archers de Compiègne, p. 49-51. Ce règlement n'a pas été daté par le Père Daniel qui en donne le texte dans son Histoire

Toutefois, il y a un point sur lequel on nous permettra d'insister c'est la date de cette réforme. L'ordonnance que nous venons de rappeler ne se trouve pas dans le Recueil des Ordonnances; elle a été publiée sans doute par le Père Daniel, dans le tome 1er de son Histoire de la Milice 1. Le général Susane dans son Histoire de l'Infanterie Française propose la date de 1469, qui fut reproduite par Boutaric dans son ouvrage sur les Institutions Militaires de la France2.

Depuis lors, les historiens qui se sont occupés de cette question n'ont pas eu l'occasion de rencontrer un document permettant de rectifier cette date. Par exemple, M. de Bonnault d'Houët, M. Sée et M. Viollet 3.

Or, les registres des délibérations du Consulat contiennent justement un passage qui nous montre que l'édit créant les 16.000 francsarchers à raison de 1 par 50 feux et chargeant Ruffec de Balzac de présider à cette organisation dans la région Lyonnaise est antérieur au 31 décembre 1466. Cette réforme est signalée comme ayant été faite « tout de nouvel par grande et meure délibéracion de son conseil » qui lui a inspiré sa dite « ordonnance'.

de la Milice, t. I, p. 249. L'ordonnance fixait les gages des chefs des francs archers : les capitaines généraux devraient avoir 800 1. tournois, plus en campagne la solde d'un homme d'armes, c'est-à-dire to l. t. à peu près à cette époque, à la condition d'entretenir 2 archers à cheval; les capitaines particuliers 120 livres et 20 livres de frais de route, plus 15 l. par mois, leurs lieutenants respectifs avaient 10 1. par mois également. Le roi fixait également, pour chaque capitainerie générale, 4 villes pour passer les revues. Les francs archers ne devaient « avoir ni chevaux ni bêtes de sommes », mais seulement « une charrette par groupe de dix à vingt personnes ». V. De Bonnault d'Houët: les Francs Archers de Compiègne, p. 49. Histoire de la Milice française, t. I, p. 244.

* Voir Susane: Histoire de l'infanterie française, t. I. p. 57, et Boutaric: Institutions militaires de la France, p. 321.

3 Voir De Bonnault d'Houët : les Francs Archers de Compiègne, p. 47 et Henri Sée, Louis XI et les villes, p. 85. Ces deux auteurs d'ailleurs ne donnent pas la date de 1469, comme sûùre. Ils signalent simplement la conjecture de leurs devanciers. — V, aussi Viollet: Histoire des Institutions politiques et administratives de la France, t. II, p. 439. Nous nous permettons de renvoyer le lecteur à l'édition des Ordonnances relatives aur reformes militaires de Charles VII et de Louis XI que nous préparons. Nous sommes heureux de faire observer que nos recherches confirment l'hypothese formuice par M. Spont qui, dans son article sur : la Milice des Francs Archers (1448-1500) proposait la date de 1466 (note 7 de la p. 445 du t. XLI de la Revue des Questions Historiques, parue en 1897.)

4 Voir la délibération du 31 décembre 166. BB 11, fol 146-147v°)... En voici le passage important, item sur ce que le dit seigneur nagueres et tout de nouvel par grande et meure deliberación de son conseil et pour la tuicion et deffense de son royaume a ordoqué estre mis sus et establys en son dit royaume XVIe frans

Le passage de la chronique de Benoît Mailliard que nous rappelions tout à l'heure nous confirme dans cette opinion1 et donne à penser qu'elle est probablement antérieure à la fin de mars de la même année.

C'est à l'occasion de cette réforme, que Lyon reçut la visite de noble homme messire Ruffec, «< chivallier, seigneur de Balsac et seneschal de Beaucaire » qui fut chargé de l'organisation des francs archers dans le Lyonnais.

A peine cette organisation était-elle achevée, que l'élu Humbert de Varey demanda (le 23 août) à inspecter les trente francs archers de la ville, «< tous en habit, comme s'ils voulaient entrer en besoigne ». Il déclara qu'après son inspection, il irait faire son rapport au roi. L'année suivante, les francs-archers furent appelés en vue de sa lutte contre la coalition féodale formée contre lui par le nouveau duc de Bourgogne, Charle le Téméraire et le duc de Bretagne. Ceux de Lyon furent mandés à Roanne où ils devaient se mettre aux ordre de leur capitaine pour rejoindre l'armée royale (le 14 novembre)3. Chacun d'eux reçut cinq sols pour ses frais de route et ils partirent sous les ordres de l'élu.

archiers et arbalestiers, c'est assavoir de cinquante en cinquante feuz ung franc archier, et sur ce et pour mestre a execucion sa dite ordonnance a commis, depputé et ordonné en ce pays de Lionnays entre les autres noble homme messire Ruffec, chivallier, seigneur de Balsat et seneschal de Beaucaire, lequel seigneur de Balsat a signiffié et fait savoir es dis conseillers sa dite commission et le vouloir du roy et d'icelle commission baillé le double pour mestre sus les dis francs archiers en la dite ville et de cinquante en cinquante feuz, ainsi que le dit seigneur le vouloit et mandoit comme plus a plein est contenu es dites lettres de commission ».

1 Rauffet de Balsac était d'après ce passage capitaine des quatre mille francs arbalétriers lors du siège de Saint Gengoux qui eut lieu en 1466 un jeudi du mois de mars: << Contigit autem quod quadam die Jovis mensis marcii anno Domini millesimo CCCC sexagesimo sexto, armata illa existente apud Sainct-Jangou... » (p. 137 de l'éd. de Benoît Mailliard par M. G. Guigue. Il s'agit évidemment de l'année de 1466, car Pâques fut cette année le 6 avril le jeudi auquel il est fait allusion est un des 4 jeudis de mars 1466 (le 6, le 13, le 20, le 27). On serait donc autorisé à supposer que la réforme en question est antérieure au 27 mars 1466.

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2 « Sur ce que Monseigneur l'eslu sire Humbert de Varey a fait dire qu'il vouloit veoir samedi prouchain au lieu de Veyse les trente frans arbalestriers de la dite ville tous en habit comme s'ilz vouloent entrer en besoigne, pour ce qu'il avoit entencion d'aler en brief devers le roy et en fere rapport » il fut décidé de nommer une commission chargée de s'enquérir si l'élu avait mandat exprès du roi.

3 Voir la délibération du 14 novembre 1467 (BB 11, fol. 187 vo): « Item ont ordonné estre bailliez et délivré es XXX frans archiers presens et requerans estre soudoiers de dispense jusque a Roanne ou ils sont mandez de par leur cappitaine pour aler au service du roy la ou comandez leur sera et a chacun d'eux cinq solz tournois par Maturin Buget, trésorier, et iceulx en point presenter a Monseigneur l'esleu qui a charge de les conduyre. ». Le 3 octobre 1467, ils étaient allés passer une montre à l'Arbresle (v. CC 428, no 20).

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