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coup a souffrir, pour quoy certains vouloient qu'on ecrive au roi de decerner a chacun son habillement et de ne pas eslever son habillement plus hault ». S'ils passaient outre, on pourrait les taxer selon leur classe1.

1 Au mois d'août 1483, le 29 août. Nous devons rappeler que l'année précédente, une famine terrible avait désolé la région, si nous en croyons la Chronique scandaleuse. «En la dicte année, durant le voyage de Sainct Claude fut le blé moult chier universellement par tout le royaulme de France et mesmement au pays de Lyonnois, Auvergne, Bourbonnois et autres pays voisins. (V. le Journal de Jean de Roye, Chronique scandaleuse, éd. de M. de Mandrot, t. II, p. 111 et la note i de M. de Mandrot): 10.000 personnes moururent de cette famine due selon le savant éditeur aux impôts et à l'abandon des champs qui en fut la suite.

CONCLUSIONS GÉNÉRALES

Notre travail achevé, il convient de jeter un coup d'œil en arrière et de passer rapidement en revue les diverses phases par où a passé la politique royale dans ses rapports avec Lyon depuis 1422. Le problème que l'administration de Charles VII et de Louis XI avait eu à résoudre en ce qui concerne Lyon était des plus difficiles et des plus délicats. Lyon était alors une des villes les plus prospères du royaume, une de celles, tout au moins, que les horreurs de la guerre avaient le plus épargnées son activité commerciale, qui alla en s'accentuant (surtout à partir de 1446) par suite de l'importance sans cesse grandissante de ses foires s'explique aussi par son éloignement du théâtre principal de la guerre, sa situation privilégiée au confluent du Rhône et de la Saône, sa proximité du Languedoc, de la Suisse et surtout de l'Italie. La guerre en ruinant les foires de Champagne et de Brie avait déplacé le centre des grandes opérations commerciales et Lyon était peut-être, avec Genève, la 'ville qui avait le plus gagné à cette révolution. Il est donc tout naturel que les hommes placés à la tête du Gouvernement royal aient songé à exploiter cette situation pour remplir un trésor toujour obéré par suite du développement des institutions militaires et des nécessités de la guerre et de la diplomatie. Mais la situation excentrique de Lyon, qui était alors une des causes de sa prospérité relative était en même temps pour lui une sauvegarde et une protection contre les envahissements de la fiscalité royale. De plus, cette ville, de beaucoup la plus importante du sud-est, était réunie à la France depuis un siècle à peine; elle appartenait en partie à des archevêques et à un chapitre puissants, et, comme nous l'avons vu, la royauté n'était venu à bout de leur résistance qu'avec l'appui de la bourgeoisie lyonnaise qui formait un corps de

jour en jour plus influent. La plus élémentaire sagesse commandait donc au roi d'agir avec prudence, de traiter cette bourgeoisie avec ménagement, sans jamais heurter de front sa dignité. Politique d'autant plus nécessaire que dans le voisinage immédiat de Lyon se trouvaient des pays avec lesquels la France était souvent en conflit la Bourgogne, les possessions du duc de Bourbon, la Savoie, dont une province, la Bresse, touchait au territoire même de la ville. Lyon était sur la frontière des pays d'empire et du royaume de France n'appelait-on pas dans les documents du temps côté royaume la partie de Lyon située sur la rive droite de la Saône, côté empire la partie de Lyon située sur la rive gauche du même cours d'eau? Le roi avait trop à perdre s'il mécontentait les habitants de cette ville. Sans doute, l'empire d'Allemagne et la Savoie n'étaient pas à redouter, mais le puissant duc de Bourgogne, qui combattait le roi avec autant d'acharnement que les Anglais, épiait ses moindres fautes, et il n'aurait eu garde de jeter les yeux sur Lyon, si Lyon avait eu à se plaindre du roi. Le problème, on le voit, etait un problème financier qui se doublait d'un problème politique plus important encore. Charles VII et Louis XI, dont nous avons étudié les rapports avec Lyon, le résolurent de manière bien differente, mais avec un succès très inégal, il faut en convenir. L'administration de Charles VII tint avant tout, semble-t-il, à ne pas trop demander aux Lyonnais pour ne pas les mécontenter. Sans doute les impôts levés à Lyon sous son régime paraissaient bien lourds aux habitants, mais au milieu de la guerre de Cent ans, quelle ville du royaume était exempte de charges de ce genre? Pendant tout son regne, le roi ne fit pas à Lyon une situation très speciale. De 142ð à 1ƒƒo environ, il laisse cette ville noyée dans la masse des Etats de Languedoil; à des intervalles plus ou moins regulers, Lyon est convoque aux Etats, y delègue des représentants et apres la session fournit sa quote-part de l'aide votée, quotepart, relativement faible si l'on songe qu'elle atteignait en fait à peine le cinquième ou le sixième des sommes demandées à la petite election du lyonnais

Après 1110, dny a plus de reunions regulieres d'États. Fort du prestige de ses victones, le roi exige Timpôt sans consulter personne Nous somares lota du temps où le modeste roi de Bourges a os ut pas lover une aide sans convoquer les deputés de ses bonnes

villes. Cependant, à ce moment, nous ne remarquons encore rien d'extraordinaire. Lyon paye comme toutes les villes de la généralité de Languedoil sa quote-part des tailles exigées du royaume. Depuis 1450, elle fournit au début de chaque année une seule taille, la taille des gens d'armes qui se compose de deux éléments: l'un qui est fixe et est aussi le plus important: il comprend les sommes nécessitées par l'entretien des gens d'armes; l'autre mobile se compose d'une série de petits impôts additionnels nécessités par les besoins du moment. Une seule chose, cependant, distingue Lyon de beaucoup d'autres villes : c'est le mode de perception qui assure aux Lyonnais une sorte d'indépendance inconnue en beaucoup de lieux.

A Lyon, c'est un receveur municipal qui lève la taille royale; pendant une assez longue période même, c'est le même agent qui reçoit à la fois les impôts de la ville et les tailles du roi. Sous le règne suivant, les consuls et les notables désigneront un receveur particulier pour chaque sorte d'impôts. Mais, en tout temps, le rôle des agents royaux, commissaires ou receveurs, consiste à recueillir des mains des consuls les tailles dont le roi, par l'intermédiaire des élus, a fait connaître le montant à la ville.

En somme, la politique de Charles VII à l'égard de Lyon est faite de timidité, de modération, d'honnêteté.

Avec Louis XI, tout change. Après avoir inauguré son règne par des mesures fiscales assez lourdes, il promet subitement, en 1462, de ne plus exiger de tailles des Lyonnais. Mais il leur fait payer cher ce cadeau et cet hommage à leur indépendance. A l'impôt modéré payé régulièrement succèdent une série de charges de plus en plus lourdes au fur et à mesure qu'on approche de la fin du règne. Il n'est pas une entreprise un peu importante de ce roi qui ne coûte aux Lyonnais des sommes importantes: tantôt le roi demande un don (il n'emploie plus le mot de taille, mais ses agents exigent les dons avec plus d'âpreté que ceux de Charles VII n'exigeaient les tailles); tantôt il réclame un emprunt forcé qu'il rembourse partiellememt ou ne rend jamais. Et toujours ces dons ou ces emprunts dépassent du double ou du triple les impôts exigés sous Charles VII. Le rachat des terres de Picardie, la guerre du Roussillon, sa politique avec les Suisses, telles furent les principales occasions de ces demandes sans cesse renouvelées. (Comme

UNIV. DE LYON. CAILLET

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Charles VII, d'ailleurs), il fait contribuer la ville en nature, lui fait nourrir une partie de ses armées. Il la force à supporter les frais de toutes ses fantaisies. Ainsi, il fait installer à grands frais l'industrie de la soierie à Lyon et fait expédier ensuite les métiers et les ouvriers à Tours, qui bénéficie des dépenses faites par Lyon. Il la fait contribuer au repeuplement de la ville d'Arras dont il a fait chasser les habitants. Il va plus loin encore: il trouve le moyen de se faire offrir de l'argent par ces fiers bourgeois qu'importunaient les plus modestes tailles du règne précédent. On se souvient comment, en 1467, les Lyonnais, pour ne pas voir Louis XI accorder à Genève deux des quatre foires qui faisaient leur prospérité, lui offrirent de payer une grosse fourniture pour l'armée. En 1476, lors de sa visite à Lyon, il reçoit un cadeau princier qui représente une ou deux des anciennes tailles. De tels traits sont caractéristiques. Mais, à ce jeu, la ville, malgré sa prospérité grandissante, s'endette de plus en plus. Le roi exige ses emprunts, ses dons, dans le délai de quelques jours. Heureusement, les banquiers italiens que la prospérité de la ville a attirés dans ses murs sont là pour avancer au Consulat une partie des sommes dont il a besoin pour faire face aux exigences de Louis XI. Ils prêtent de fortes sommes qu'on rembourse plus tard au moyen d'une taille levée sur les habitants pauvres (car les habitants aisés paient tout de suite). La taille des pauvres est ainsi augmentée de tout ce qu'il faut fournir d'intérêts aux prêteurs. Aussi sont-elles très lourdes. De 4 deniers par livre de revenu, elles passent à 7 et même à 12, c'est-à-dire à une très forte somme.

Le Consulat, effrayé par cette situation, cherche des remèdes : il n'en trouve pas d'autre qu'un projet de loi tendant à obliger les habitants à porter un costume plus modeste. C'est qu'ils avaient compris que le luxe et la richesse bien connus de leur ville contribuaient pour beaucoup à attirer l'attention du fisc sur elle. La mort seule de Louis XI mit fin, et pour un temps seulement, à cette politique d'expédients souvent peu honnêtes, mais extrêmement profitables au trésor royal.

Pour tout résumer, c'est Louis XI qui résolut le mieux le problème que posait à la royauté la situation exceptionnelle de Lyon : tirer de cette ville le plus possible en la mécontentant le moins possible. D'ailleurs, l'honnêteté de Charles, l'habileté de Louis,

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