Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Il est vrai que la créance du connétable n'était pas aussi inquiétante à cette date pour Lyon qu'elle l'avait été dans le passé. A cette date, le connétable avait été chassé de la cour sur les instances de la Trémouille qui, depuis la défection de Jean V, duc de Bretagne et frère de Richemont, avait complètement supplanté le connétable.

La guerre des deux rivaux allait commencer et détourner le roi de la lutte contre les Auglais. Charles VII avait pris en main la cause de la Trémouille qui luttait dans le Poitou contre Richemont'.

[1428]. Ce dernier, naguère si arrogant pour la ville, en était réduit à solliciter' son appui et, le 19 janvier, les conseillers recevaient une lettre des comtes de Clermont, de Richemont et de Pardiac «< faisans mencions des remèdes necessaires au gouvernement du roy, du royaume et a fin de paix avoir en requerans que l'on se vuelle adjoindre avec eulx contre ceulx qui gouvernent et sur ce leur fere reponse ». Les Lyonnais étaient trop prudents pour se laisser entraîner dans cette aventure. Le 10 mai 1428, ils décidèrent de communiquer au roi la lettre du connétable et de protester auprès de lui de leur fidélité à la cause royale.

Quant aux seigneurs, on les remercierait de leur bon vouloir, mais on devait leur déclarer que la ville était toujours prête à obéir à Charles VII. Enfin, on s'entendrait avec Monseigneur de Lion, le chapitre et le bailli « pour soy joindre avec eulx en ceste matière afin de estre tous unys3».

ses coust et périlz sans ce que les disconseillers puissent estre certains de l'infraction de la dicte saisie mise parle dit maistre Estienne, comme dit est.

Sur ces faits, voir E. Cosneau : le Connétable de Richemont, pp. 141-159 et Dubresne de Beaucourt, Histoire de Charles VII, tome II, pp. 143-176.

3 10 mars.

2 BB 2, fol, 55. « Ilz out receu et veu les lettres de nos seigneurs les contes de Clermont, de Richemont et de Pardiac faisans mencion des remedes necesseres au gouvernement du roy, du royaume et a fin de paix avoir en requerans que l'on se vuelle adjoindre avec eulx contre ceulx qui gouvernent et sur leur fere response. »> BB 2, fol. 57, «Iz ont conclus que l'on escripve au roy et lu envoye l'on les lettres que ont tramises nos seigneurs les contes de Clermont, de Richemont et de Pardiac en lui escripvans qu'il lui mande son bon pleisir sur le contenu en icelles auquel l'on est toujours prest d'obeir et que l'on escripve aux segneurs par un simple message qui ont transmises les dictes lettres que l'en est toujours prest d'obéir en tout aux bons comandemens du roy en leur remercians le bon vouloir qu'ils monstrent avoir aux afferes de ce royaume et que l'on se tire par devers Monseigneur de Lion, messires de chapitre, Mons le bailli, leur rapporter ceste conclusion et soy joindre avec culx en ceste matiere afin de estre tous unys, 9

Cependant, les bourgeois de Lyon, comme tous les patriotes clairvoyants, souhaitaient la fin de cette guerre civile et préféraient le comte de Richemont, malgré ses défauts, au duc de la Trémouille. Aussi, acceptèrent-ils « d'envoyer notablement » à Montluçon où les mêmes seigneurs avaient convoqué une Assemblée dont l'objet était de demander au roi une nouvelle convocation d'états'. On espérait ainsi pouvoir faire régler tous ces litiges et mettre fin à des querelles mortelles pour le royaume. Les gens d'église désignèrent M. le Chantre et le bailli choisit Jean Garnier; la ville nomma Jean de Varay et l'archevêque prit Guicher de Salemac.

Cependant, l'envoyé de la ville ne partit pas immédiatement, car le 30 mars l'Assemblée décida d'attendre le retour d'un messager qu'on avait envoyé auprès du roi pour prendre son avis.

Le messager revint sans doute avec une réponse défavorable; il ne fut pas donné, pour l'instant, suite à cette affaire. Le 11 août 1429, le roi fit cadeau à la ville des 1.000 livres qu'elle devait encore à l'occasion du fouage dont il a été question.

[ocr errors]

États de Chinon (septembre 1428). Nous savons que le roi convoqua à Chinon au mois d'avril 1428 les représentants des villes de l'ouest, mais il est très probable que si le roi n'invita pas les autres villes, c'est qu'il lui déplaisait beaucoup de prendre une mesure due à l'initiative du connétable, alors en guerre avec son favori. Les états lui auraient demandé de remettre Richemont à la tête des affaires et il ne s'en souciait nullement3. Mais le besoin d'argent contraignit bientôt Charles VII à entrer en relations avec les députés des villes. A cette date, le dénûment de la cour était tel que la ville de Tours faisait cadeau à la reine de plusieurs chemises. Aussi, le 6 juillet, les Lyonnais étaient-ils avisés que le roi mandait les trois États à Tours pour le 18. Les bourgeois se doutant de l'objet de la réunion ne se pressèrent pas. C'est seulement le 30 août qu'une Assemblée générale s'occupa de nommer les délégués de la ville; encore avait-il fallu pour cela une seconde lettre du

116 mars. BB 2, fol. 58. V. le texte aux Pièces justificatives n° XXXIV.

* Ibidem. V. Pièces justificatives n° CXVI, la lettre de Charles VII à Reynier de Boulligny, général des finances.

Sur les États de Chinon v. A. Thomas, Cabinet historique de 1878, p. 167-169 et Rerue historique, t. XL, p. 66-68.

UNIV. DE LYON CAILLET

5

roi convoquant les députés pour le 10 septembre. Le souverain se plaignait discrètement de l'indifférence des députés. « Nous pensons bien, écrivait-il en faisant allusion à ce retard, que ce a esté pour empeschemens survenus1. »

Le roi était alors au comble de l'abattement; le pays étant en proie aux guerres intestines, il n'avait plus de ressources et les Anglais se disposaient à mettre le siège devant Orléans.

Une assemblée d'États pouvait lui être fort utile en lui conseillant de salutaires mesures et en votant d'importants subsides. Aynard de Villenove qui avait à faire à Tours se vit offrir le 1er septembre par les Lyonnais, la charge de les représenter aux États de cette ville. La majeure partie de l'Assemblée avait été d'avis cette fois de faire demander au roi qu'au lieu d'une nouvelle taille on mît un impôt sur les « entrées» de la ville?.

On invoquait, comme prétexte, les grands changements survenus dans la condition des habitants, changements qui auraient nécessité la réfection des papiers de la Ville. L'établissement d'un impôt indirect aurait coupé court à toutes les formalités et à tous les frais d'une semblable opération. En réalité, les consuls préféraient une taxe sur les entrées (à la condition qu'elle fût levée par leurs soins), parce que les impôts de ce genre se percevaient, non seulement sur les Lyonnais, mais sur tous les étrangers traversant la ville 3.

La réunion des États fut retardée encore et se tint non à Tours, mais à Chinon à la fin du mois. Ces États qui représentaient à la

1 M. Thomas a publié cette 2o lettre de convocation. Cabinet hist. de 1878, p. 218-219. La re lettre n'a pas été retrouvée, il y est fait allusion dans le procès verbal de la séance du 6 juillet. BB 2, fol. 62. «Ilz ont veu les lettres tramises par le roy par lesquelles il mande les trois estas à Chinon au XVIIIe jour de juillet et aussi que l'on ne ouvre lettres de quelle lieu qu'elles viegnent sinon du roy mes les lui envoye toutes closes et de tenir les porteurs jusques a son ordonnance ».

Voir procès verbal du 30 août. BB 2, fol. 66. « Ilz ont commandé que l'on mande a demain les conseillers vieux et nouveaux et les maistres des mestiers pour eslire qui yra a Tours a la journée des trois estas mandée au Xe jour de septembre prouchainement venant, et pour ce que l'on y a desja tant demouré et que la journée est si preste pour leur descharge au temps a venir au cas que l'on fauldroit a la journée ilz ont requis leur presente comparucion estre enregistrée ».

2 BB 2, fol, 66 v° V. Pièces justificatives no CAII.

3 Voir Picces justificatives n° CXII.

4 V. A. Thomas, Cabinet historique de 1878, p. 167-9. Ce chiffre nous est fourni par la lettre de Charles VII du 11 août 1429 à Regnier de Boulligny, général des finances. (V. Pièces justificatives n° CXVI, par laquelle le roi accorde à la ville

fois les villes de Languedoil et celles de Languedoc accordèrent de très importants subsides au roi. Le clergé consentit « l'équivalent d'un dixième à lever sur lui, et le tiers une aide de 500.000 francs, dont 300.000 devaient être à la charge des pays de Languedoil'. Lyon fut taxé à 4.600 livres dont la perception fut confiée à Guillaume Charrier, déjà receveur de l'impôt de 800 écus (ou 1.000 livres) levé à la place du fouage de 5 solz tournois décrété par les États précédents. Le vœu des Lyonnais qui demandaient un impôt indirect ne fut donc pas exaucé cette fois-ci. Il ne devait l'être que deux ans plus tard. Ils apprirent par une lettre du roi le résultat de la session. Nous voyons par cette lettre que ces impôts énormes étaient déjà accordés le 6 octobre. Ces États demandèrent de plus le retour aux affaires du connétable; les cahiers des États de Languedoil ne nous ont pas été conservés, mais nous savons par ceux des États de Languedoc qu'ils contenaient un article relatif à ce sujet3. Par ce que nous connaissons des sentiments des Lyonnais, nous pouvons supposer que leur représentant ne fut pas un des derniers à solliciter cette mesure. Le roi, comme on sait, resta sourd à ces appels.

Quelques jours après, au début de novembre, maître Adam de Cambrai et ses consors exigeaient déjà à Lyon le paiement de l'aide. Le Lyonnais avait été taxé à 15.000 livres et la ville de Lyon à 4.600 comme nous l'avons vu. Il y avait longtemps qu'un pareil effort n'avait été demandé à la ville. Aussi le 31, une Assemblée

remise des 1000 livres dues à cause du fouage des États précédents et des 4.600 livres du présent aide, moyennant remise immédiate de 800 écus d'or. V. aussi P. justif. no CXVII. Ces 800 écus équivalaient à peu près à 1.000 livres. L'écu d'or est une monnaie dont le titre et le poids ont beaucoup varié sous le règne de Charles VII (il a passé de 24 à 16 carats; de 72 à 64 au marc); mais sa valeur a été en général de 25 s. t. Il est descendu à 20 s., et à la fin du règne a valu 27 s. 6 d. (V. M. Prou dans le t. XV de la Grande Encyclopédie au mot Ecu et de Sauley; (Écu à la Couronne dans l'Annuaire de la Société française de Numismatique de 1877), t. V.

1 lbidem

* Voir A. Thomas. Cabinet historique de 1878 (p. 168 note 2). Cette lettre a été publiée in-extenso par G. du Fresne de Beaucourt. Histoire de Charles VII, L. II, p. 514-515.

3 Monsieur E. Cosneau (le Connetable de Richemont, p. 163 note 1) rapporte que le ms. lat. 9177 contient une copie des requêtes des États, exposées d'abord dans le cahier des doléances, puis oralement par les députés des pays de Languedoc, d'accord avec ceur des pays de Languedoil, comme on le voit dans la septième demande relative au rappel du connétable. On voit par là que les députés de Languedoil demandèrent comme leurs collègues le rappel de Richemont. M. Cosneau a dabord publié la demande, à la suite des autres à la page 537 de son ouvrage. (Appendice LIII bis.)

générale décida-t-elle d'envoyer trois ou quatre notables auprès de maître Adam de Cambray pour le prier « d'admodurer la cocte de la ville 1». Le 12, il fut encore question d'envoyer une délégation plus nombreuse pour la même affaire2.

et

Cette délégation devait offrir pour le moment une somme de 1.500 francs. Au cas où elle ne serait pas acceptée, on en appellerait au roi. On ne fut cependant pas obligé d'en venir là les représentants de la ville finirent par s'entendre avec ceux du roi avant le 16 novembre. A cette date, il fut convenu qu'on lèverait 2.000 francs que les 2.600 autres ne seraient pas réclamés avant le retour d'une ambassade chargée d'obtenir du roi leur suppression. Les commissaires royaux promettaient même d'écrire au roi en faveur des habitants de Lyon3. Ce fut encore Aynard de Villenove qui le 31 décembre fut chargé de cette mission: il venait justement de partir pour ses affaires après avoir refusé de représenter la ville, mais on décida de lui courir après et de faire tomber ses objections par l'offre d'une forte somme1. Quelque temps auparavant, le 3 décem bre, les Lyonnais avaient reçu du roi une demande de secours sous une autre forme. Ne pouvant envoyer aucun subside aux habitants d'Orléans assiégés par les Anglais, il pria les Lyonnais de leur envoyer « pouldres à trer» et comme on ne faisait jamais en vain appel à leur patriotisme, les consuls n'hésitèrent pas à déférer à cette

1 9 novembre. BB 2, fol. 70. V. Pièces justificatives no XXXVI.

2 BB 2, fol. 70°, «Ilz ont conclus que l'on aille presenter en plus grant nombre de gens que fere se pourra aux segneurs, commisseres estans a present a Lion sur l'aide de mTM vie fr. qu'ilz demandent à la ville de l'aide dernierement octroyé a Chinon, la somme de xve fr. et s'ils ne la vuellent accepter, que l'on leur die que l'on envoyera par devers le roy et leur baillera on une requeste contenant appellacion a fin d'obvier aux contrariétés qu'ilz vouldront fere entre deux ».

3 Délibération du 16 novembre. n° CXIV.

BB 2, fol. 70 vo. Voir Pièces justificatives

4BB 2, fol. 74. «Ilz ont conclus que l'on envoye par la Barbe a Aynart de Villenove qui est aujourd'ui partis pour aler par devers le roy pour son fait propre, c'est assavoir lettres et mémoires necesseres a obtenir du roy remission des im et vic livres deues de reste de l'aide de Chinon, combien que le dit Aynart n'en a point voulu prendre charge, mes afin qu'il y vueille entendre s'ils ont conclus qu'ilz lui donront deux écus nuefs corans a present pour centene de livre de ce qu'il pourra obtenir de la dite somme et lui payera l'en avecque a ce que lui couteroit lettres et scaulx de ce qu'il obtiendra ».

5 BB 2, fol. 72. « Ilz ont receu unes lectres de Charles Monseigneur par lesquelles il prie que l'on aide a ceulx d'Orléans assiégés des Englois de pouldres a trer et trait pour résister sur quoy ilz ont conclus de leur envoyer par le porteur des lettres qui s'en est chargée de la dicte fournison desus dicte de tout ce qui sera possible ».

« AnteriorContinuar »