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Je demandai à M. le prieur la permission de jouir sous ses yeux des richesses renfermées dans ces mannequins. Il y consentit, mais les obstacles qu'il fit naître, me firent sentir qu'il ne cédait que pour ne pas me faire éprouver la dureté d'un refus, et j'ai agi comme s'il eut proféré un non positif.

« J'obtins de l'archiviste la communication clandestine de l'inventaire, j'en copiai les notices qui me parurent les plus intéressantes, et je n'ai presque rien de bon. Il me dit qu'il n'avait inséré que ce qui était purement nécessaire, et qu'il n'avait point été assez payé pour faire le dépouillement de toutes les chartes et titres primitifs qu'il avait mis au rebut. C'est par cet ouvrage, monsieur, que je désirerais qu'il me fut permis de commencer mes travaux, et il me faudrait un ordre de S. M. ou de M. le garde des sceaux, pour obtenir la libre entrée et le travail dans ce dépôt. »

On voit ici que le baron de Joursanvault n'était nullement au courant des travaux faits à Cluny sur l'ordre de la chancellerie, par Lambert de Barive, qui travaillait depuis une quinzaine d'années déjà aux archives de cette abbaye, et avait envoyé plus de trois mille copies de chartes, classées au dépôt central à Paris et dont l'historiographe Moreau avait la direction.

Que de mystères dans tout cela. Lambert de Barive travaille à Cluny à l'insu de tout le monde et Moreau n'en prévient pas ses correspondants qui travaillent dans la même localité. Le prieur y met la même discrétion, pour ne pas dire plus, et montre des papiers insignifiants au lieu de ces archives considérables rangées dans des meubles et dans un local spécial,

dont Lambert de Barive nous a laissé une description détaillée (1).

Continuons le curieux rapport du baron de Joursanvault :

"..... En 1749, l'historien de Beaune, l'abbé Gandelot, cita à quelques chanoines un fait dangereux à réveiller, sur la fondation de leur chapitre et prébendes, et leur assura que le titre primordial existait dans leurs archives, dans lesquelles il n'avait jamais pu pénétrer.

« Ce titre primitif avait tort, il pouvait déposer contre eux, il fallait le séquestrer, mais il était nécessaire de le connaître, et aucun de ces messieurs ne savait lire que son bréviaire.

« On assemble plusieurs titres, qui par leur forme, leur caractère, leurs sceaux, portaient l'empreinte de l'antiquité, on en forme des liasses, et pour punir le coupable que l'on ne pouvait distinguer, dès le lendemain, au milieu d'une vaste cour, on fait un autoda-fé du tout.

« Le même esprit de défiance subsiste encore et quoiqu'on dût trouver dans ce dépôt des matériaux rares du xr siècle, je suis persuadé, monsieur, que notre chapitre non-seulement ne permettrait pas les recherches, mais même qu'il réclamerait et protesterait contre un ordre, fût-il de Sa Majesté.

Qu'on juge des richesses diplomatiques que devaient contenir, en 1765, les différents dépôts de la ville de Dijon seulement, par l'énumération de dom Ville.

(1) Bibl. nat., Fonds Moreau, t. 338-339, correspondance de Lambert de Barive avec Moreau.

vieille (1), qui a pris soin de noter les fonds qui avaient été visités et les noms des visiteurs.

Il y avait à Beaune, en 1789, au dire de Joursanvault (2), quatre dépôts importants, sans compter le sien le chartrier du prieuré de Saint-Etienne, fondé par le vicomte Eudes et alors occupé par des C armélites; le chartrier de l'abbaye des Bernardines, fondée au Lieu-Dieu-des-Champs; le chartrier de l'hôtel-deville et celui du chapitre.

Il est bien certain que le vandalisme et l'ignorance n'ont pas été moins funestes aux archives en général que le vandalisme de la Révolution contre lequel on a tant crié. Car si la Révolution a fait anéantir beaucoup de parchemins et de titres de noblesse, la perte en est fort regrettable sans doute; si quelques vingt milliers de parchemins ont été sans discernement enlevés par les commissaires de la marine, en 1793, et employés à faire des gargousses, nous avons la consolation de penser qu'ils n'ont pas été étrangers à la défense de la patrie menacée par les armées ennemies. Toutefois, la centralisation de tous les chartriers dans chaque chef-lieu de département, a été un grand service rendu et la protection assurée de ces archives. Nous ne pouvons regretter qu'une chose, c'est que les ordres de centralisation n'aient pas été alors exécutés partout d'une manière assez rigoureuse.

(1) Bibl. nat., Fonds Moreau, t. 386, fol. 17-18. vieille à Moreau. La biographie de ce savant ayant que sa correspondance par M. Passier depuis que ce nous ne reproduisons pas cet inventaire.

(2) Mémoire déjà cité.

Lettre de Villeété éditée ainsi travail est fait,

Malgré de regrettables lacunes dans le dépôt des archives de la Côte-d'Or, et les dilapidations dont elles ont été l'objet, elles sont encore, avec celles de Lille, les plus considérables de France, après les archives nationales. Nous avons passé de longues années à étudier les richesses de ce fonds inépuisable, et nous avons copié sur les originaux ou analysé toutes les pièces inédites qui pouvaient avoir de l'intérêt pour la période qui nous occupe.

Dans les titres de la Chambre des comptes, les titres du xr et du commencement du xe siècle sont peu communs, et beaucoup d'entre eux ont été édités. Les incendies de Dijon en 1137 et en 1227, ont dû anéantir une foule de pièces qui seraient pour nous d'une inestimable valeur. Ce fonds de la série B est le plus connu et le plus généralement consulté; les volumineux recueils de Peincedé, dont nous parlerons ailleurs, en rendent la recherche facile.

Une autre série du même dépôt, la série H comprenant les fonds ecclésiastiques, dont les inventaires ne sont pas encore publiés, offre des ressources nouvelles bien plus précieuses pour l'époque ancienne. Là sont centralisées toutes les archives des monastères antérieurs à la Révolution, et qu'il n'était pas facile autrefois de consulter. Ce que renferment ces divers fonds de chartes inédites et inconnues est incalculable. En dehors de quelques érudits, qui a étudié ces cartulaires et parcouru les dossiers de ces documents originaux ?

Nous n'avons pas à donner ici la nomenclature des fonds de quatre-vingts abbayes ou prieurés dont les documents sont versés dans une trentaine de cartons

de notre collection, renfermant les pièces justificatives des Ducs de Bourgogne, et qui seront signalées dans nos preuves. En dehors de certains monastères moins importants, nous avons été obligés de ne pas scinder les fonds plus considérables de plusieurs abbayes qui forment des cartons séparés.

Outre ces trente cartons, nous avons la copie intégrale des titres de Citeaux, de 1098 à 1250, fournissant cinq volumes; ceux des diverses commanderies du xre au XIIIe siècle, quatre volumes; l'abbaye de Molême, deux; l'abbaye de Fontenay, trois ; Saint-Bénigne de Dijon, quatre; Saint-Etienne de Dijon, un; Saint-Seine, un; Quincy, un; quatre cartons de chartes françaises de 1214 à 1299; deux volumes (1) contenant tous les actes de la duchesse Alix de Vergy, de 1197 à 1251. Les archives de la Côte-d'Or nous ont encore procuré les obituaires de Notre-Dame de Beaune (2) et de Saint-Denis de Vergy (3), dans lesquels se trouvent nombre de documents qui ne se rencontrent pas ailleurs.

Les archives de la Haute-Marne qui comprennent une partie de l'ancien diocèse de Langres, fournissent un certain nombre de documents inédits. La copie des cartulaires de Longuay et d'Auberive assez importants forment deux cartons entiers de notre collection.

M. l'archiviste de Saône-et-Loire a bien voulu copier et analyser les chartes concernant les Ducs qui

(1) En 250 fol., mar. bleu., aux armes des Vergy.

(2) No 123 de notre collection, d'après les orig. du xive siècle, nos 92 et 98 de la série G., Arch. Côte-d'Or.

(3) No 364 de notre coll., d'après l'orig. G. 49, Arch. Côte-d'Or.

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