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ARTICLE I V.

Que le plan que je donne du Maris est confirmé par ce qu'en disent les anciens, et par l'état actuel des lieux qu'il parcouroit.

J'AI placé l'embouchure nord du Moris ou son entrée, ainsi qu'on l'a vu, conformément à ce qu'en disent Diodore de Sicile et Strabon, puisque c'est d'après leur récit que j'en ai déterminé la situation. Son embouchure sud y est aussi indiquée conformément à ce que rapporte Diodore, qu'elle recevoit les eaux du Nil; ce qui prouve qu'elle étoit la plus élevée vers le midi.

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Le Moris, d'après ce qu'Hérodote dit de sa grande dimension nord et sud, est encore par là, selon mon explication, conforme à son récit; et son circuit, que j'ai dit être de quatre cent deux milles romains, cadre de plus parfaitement avec les trois mille six cents stades d'Hérodote, évalués, comine ils doivent l'être, chacun à cinq cents de nos anciens pieds, ou à environ cent soixante-six mètres.

Strabon, après avoir si bien décrit le canal du Moris, parlant de son autre partie, du lac, dit qu'il ressembloit à la mer c'est encore l'idée que donné la vue du lac de Kern.

Si on jette les yeux sur toute la partie du canal qui étoit jointe au lac, on verra aussi qu'elle confirme absolument tout ce que Strabon en dit, en faisant sur-tout le stade de ce géographe plus grand que celui

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d'Hérodote, dans le rapport de 4 à 3, ainsi que je l'ai dit plus haut.

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La définition que Ptolémée donne des deux parties du Moris, qu'il étoit composé d'un canal et d'un lac ajoute un nouveau degré de vraisemblance à ce qu'en dit Strabon, et au plan que j'en ai tracé.

Les sept journées de navigation qu'on employoit, selon Hérodote, pour remonter de la mer au Moris, se retrouvent aussi sur ce plan, particulièrement en considérant que, quand on remonte un fleuve, l'espace parcouru dans une journée est plus court que quand, naviguant en mer, on n'est pas contrarié par un fort

courant.

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Pline compte soixante-douze milles pour la distance de Memphis à l'entrée du Moris, et Diodore dix schones: si ces dix schones sont évalués en stades de Diodore, qui étoient de huit au mille, comme je l'ai fait voir, elle étoit de soixante-dix milles, et ainsi à très-peu près la même que celle de Pline.

On trouve dans cet auteur deux mesures du circuit de tout le Moris, l'une de deux cent cinquante milles, l'autre de quatre cent cinquante: les plus savans critiques préfèrent la dernière; mais ils ne la regardent que comme la mesure exagérée d'Hérodote, évaluée en stades plus grands. Je suis d'une autre opinion sur la source de cette erreur, et je pense qu'elle résulte de la mesure exagérée de Diodore, qui donne, comme Hérodote, trois mille six cents stades au contour du Mæris, et dont le stade plus grand étoit, comme je l'ai

prouvé (1), contenu huit fois dans le mille; car, si on divise 3600 par 8, le produit est précisément 450, ou les quatre cent cinquante milles que Pline donne au circuit du Moris.

Quand Pline dit, Inter Arsinoïten autem ac Mimphiten lacus fuit, il désigne manifestement cette partie du Moris décrite par Strabon, qui alloit de l'est à l'ouest, passoit près du tombeau de Mendès et d'Arsinoé, et alloit se jeter dans le lac de Kern. Je l'ai indiquée dans mon plan par les lettres A, D, B, C; et il y a d'autant plus lieu de le croire, que cette partie du Moris, étant une partie du canal creusé par la main des hommes, et seulement de la largeur et de la profondeur qu'il falloit lui donner, dut très-promptement se remplir de vase, quand on négligea de l'enlever.

par

J'ajouterai encore que le circuit seul du canal de cet ouvrage immense étant, comme on l'a vu, de trois cent vingt milles romains, et le tour du lac qui en faisoit partie, et qui n'avoit que quatre-vingts de ces milles, ayant pu être régularisé et embelli divers travaux, les anciens, sans une forte exagération, ont pu dire que le Moeris avoit été fait de main d'hommes. C'est vraisemblablement aussi de la profondeur de ce lac, creusé par la nature, que Strabon compare à la mer par son immensité, par la couleur de ses eaux, comme par ses rivages, qu'Hérodote a dit, et que d'autres ont répété après lui, qu'elle étoit dans quelques endroits d'un demi-stade.

() Dissertation sur la longueur du pied grec.

A l'égard de ce que cet historien raconte, que les deux pyramides élevées par Mendès s'enfonçoient dans l'eau du Moris d'un demi-stade, ce qui prouvoit qu'il avoit été construit de main d'hommes, cette preuve, il en faut convenir, n'auroit été sensible que pour les plongeurs. Son récit devient d'autant moins croyable, que j'ai prouvé que les pyramides étoient sur les bords du canal, et non pas dans le lac : aussi les traducteurs les plus éclairés ne traduisent-ils qu'avec peine, et cependant comme le texte l'exige, cet endroit si peu vraisemblable d'Hérodote.

ARTICLE V.

Que le grand ensemble du Maris, et les avantages qu'il offroit aux navigateurs, ont été méconnus par Gibert, qui a tenté de l'expliquer. (Voyez, pl. II. la figure qu'il en donne.)

La partie du canal de quatre-vingts stades de longueur, indiquée par Diodore, qui terminoit le Moris au midi, et que j'ai marquée dans ma carte par les lettres FE, étoit un premier réservoir qui recevoit les eaux du Nil. A son embouchure dans ce fleuve il y avoit une porte, comme il y en avoit une semblable, à l'embouchure de l'autre partie du canal, qui le terminoit au nord. Les eaux du Nil descendoient du sud vers le septentrion par différentes chûtes qui avoient lieu, ou dont on suspendoit l'action. J'ai cru devoir diriger la très-grande ligne qu'elles parcouroient, sur le lieu où Strabon place le

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T, 2,

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tombeau de Mendès, marqué D dans ma carte. Ce lieu étoit spacieux. On y arrivoit, comme le dit ce géographe, en venant du Nil: on y arrivoit également en venant du lac. Il étoit comme au milieu et à la réunion des principales parties du canal creusé par l'ordre de ce prince. Il y a donc tout lieu de présumer que ce fut là qu'on construisit ces deux pyramides égales, dont l'une, qui étoit son tombeau, portoit sa statue, et l'autre, consacrée au même usage, étoit couronnée par celle de sa femme.

Cette très-grande partie du canal qui descendoit de E jusqu'en D, se divisoit en deux branches en approchant d'Arsinoé : l'une reportoit dans le Nil les eaux qu'elle en avoit reçues; l'autre les déposoit sur l'immense surface qu'offroit le lac de Kern.

La seconde porte du canal, qui le terminoit au nord, étoit en A, lieu où on commença à le creuser toute cette partie, comprise entre ADCCCC, étoit donc d'un même niveau dans tous les temps de l'année. Quand la porte A étoit fermée, l'eau dans toute cette partie pouvoit être plus haute que celle du Nil qui couloit près de cette porte. Quand elle étoit ouverte, alors l'eau dans toute cette partie, de niveau avec celle du Nil, permettoit d'entrer, en naviguant, du fleuve dans le Moris, et Arsinoé devenoit port, comme nous l'apprend Cellarius. Ainsi le Moris, qui fertilisoit toutes les terres du nome Arsinoïte, dont la pêche rendoit de si grandes sommes, donnoit encore le magnifique spectacle que produit une belle et grande navigation, et tous les

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