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contre la liberté de l'industrie, et de l'autre, l'impôt le plus odieux sur les consommateurs qui la payent. En faisant acheter à l'artiste la permission de pratiquer son art, vous commettez une criante injustice, vous étouffez le talent, vous renchérissez le travail. Les six corps, leurs subdivisions, et toutes les corporations de commerçans et d'ouvriers quelconques ne peuvent donc plus exister sous un régime libre. On n'auroit pas besoin d'une grande sagacité pour prédire la ruine prochaine de Paris, si le commerce s'obstinoit à vouloir les conserver dans son sein.

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Mais il faut distinguer les profession en deux classes: celles de la première exercent des travaux ou font des négoces, toujours appréciables par le public, et sur lesquels ses erreurs ne sont nullement dangereuses ; elles doivent être livrées à toute la liberté possible : celles de la seconde ou vendent au public des matières dont il ne peut évaluer la qualité, ou font pour lui des travaux qui passent la sphère de ses connoissances, et sur lesquelles les méprises mettent souvent en péril la vie d'un très-grand nombre d'individus ; cette se conde classe est très-bornée; c'est la seule qu'il soit nécessaire de soumettre à la vigilance immédiate du pouvoir public. Elle comprend les médecins, les chirurgiens, les apothicaires, les droguistes, je pourrois ajouter les orfévres, les notaires, et peut-être aussi les boulangers.

Les métaux, travaillés par les orfévres, ont un titre et un prix que la loi doit déterminer, parce que

l'acheteur est rarement en état de les fixer lui-même avec précision. Quant au prix de la main-d'oeuvre l'ouvrier est en droit de la taxer comme il lui convient. L'acheteur, de son côté, doit en trouver le tarif dans ses goûts ou dans ses fantaisies; c'est à lui de bien évaluer l'argent qu'il donne et le travail qu'il reçoit la société ne peut le mettre à l'abri de toute erreur à cet égard.

Les notaires (1) chargés de recueillir et de légaliser les conventions, dépositaires de la confiance des citoyens et souvent de leur fortune, sans autre garantie que le caractère sacré de leur profession, se trouvent dans une classe intermédiaire entre les fonctionnaires publics et le commun des hommes d'affaires. Ils ne peuvent être choisis, comme les uns, par le suffrage du peuple ou de ses représentans ; ils ne doivent pas être abandonnés, comme les autres, à l'exercice libre de leur art sans aucune surveillance, sans formalité préliminaire qui constate leurs lumières et leur morale scrupuleuse.

Voilà, dis-je, même dans le régime le moins réglementaire, des genres de travaux dont la loi doit fixer le mode, que le magistrat ne peut perdre de vue, et dont il est absolument nécessaire de soumettre l'ap

(1) ( Note de l'éditeur.) Mirabeau avoit rédigé, peu de temps avant sa mort, un plan d'organisation du notariat. M. Frochot, qui l'avoit aidé dans ce travail, se chargera sans doute de sa publication.

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prentissage et la pratique ultérieure à des formes de police invariables autant que sévères.

En parlant de boulangers ou des marchands de farine et de blé, je n'ai pas prétendu décider affirmativement que le législateur soit tenu de faire fléchir encore à leur égard les grandes maximes de la liberté indéfinie. Cette question tient à plusieurs autres; elle ne me paroît pas avoir été suffisamment débattue; aussi ne fais-je qu'énoncer un doute, et ce n'est pas ici le lieu de le résoudre.

Mais ceux qui veulent exercer quelques-unes de ces. professions, seront-ils donc tenus de faire les mêmes. avances? Pour que cela ne fût pas souverainement inique, il faudroit que cela fût indispensable: or il n'en est rien. Assurez-vous de leur probité, de leur capacité; surveillez toutes leurs opérations, vous le pouvez facilement et à peu de frais; mais voilà tout.

Quand vous, dirigerez, Messieurs, les regards du magistrat sur quelque genre d'industrie, ce sera, non pour en gêner l'exercice, mais pour en prévenir les fraudes et les contraventions. Comme vous n'avez que cet objet en vue vous vous en tiendrez aux moyens qu'il exige, et vous ne laisserez pas subsister des réglemens par lesquels on prétend obvier à certains abus mais qui réellement en produisent une foule d'intolérables.

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Si vous n'admettez aux emplois civils que des hommes instruits dans les lois; si vous donnez les places ecclésiastiques au concours, vous pouvez, dans le fait,

vous passer d'écoles de droit et de théologie. On apprend aussi bien l'un et l'autre dans de bonis livres, que dans les cahiers d'un professeur. Mais les sciences ou les arts, dont l'étude demande l'aspect de certains objets qu'on retrace mal dans les livres, ne peuvent être enseignés qu'en présence de ces mêmes objets, mis dans un ordre convenable pour la plus grande facilité de l'instruction.

La législation de l'orfévrerie et sur-tout du notariat sont des objets d'une haute importance; mais les considérations qu'elles présentent ne rentrent point immé→ diatement dans mon sujet, déja trop vaste par luimême.

Quant à la médecine, la chirurgie, la pharmacie, et tout ce qui tient à l'art de guérir, c'est la partie la plus considérable des études que la loi doit surveiller, et des travaux dont le magistrat ne peut abandonner l'exercice au hasard ; j'ai dû principalement insister sur ce point. Dans toutes les autres parties de l'éducation nationale, on pourroît, à la rigueur, s'en rapporter à l'intérêt des maîtres, à l'émulation des élèves, à la surveillance des parens, à la censure publique. Il suffiroit d'encourager, et le maître qui donne à son enseignement plus d'étendue et de perfection, et l'élève qui se distingue par des progrès rapides, par des succès multipliés. Dans celle-ci, le législateur a des abus criminels à prévoir, des formes régulières à leur opposer; la police des lois à maintenir en vigueur, des négligences à prévenir, des frau

des à châtier; et les partisans les plus zélés des franchises de l'industrie, admettent ici des réglemens après les avoir bannis de partout ailleurs.

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Vous ne serez donc point étonnés, Messieurs, que la médecine occupe une place considérable dans mon plan d'instruction publique. Les motifs sur lesquels je me fonde, et les vues que je vais vous soumettre, n'exigent aucune connoissance du positif de cet art qui m'est presqu'entièrement étranger. En me bornant à des considérations générales et philosophiques, j'ai pu croire que le raisonnement sévère guideroit mes pas avec quelque fidélité. Mais je ne m'en suis pas reposé sur moi seul; j'ai sollicité la censure de juges plus compétens; et c'est leurs opinions autant que les miennes dont j'énonce ici le résultat.

La médecine, la chirurgie, la pharmacie, s'apprennent par une suite d'observations et d'opérations qu'il faut faire soi-même. Si leur pratique, ou du moins les formes par lesquelles on acquiert le droit de s'y livrer, doivent être attentivement surveillées par le pouvoir public; leur enseignement, pour lequel il seroit coupable de témoigner de l'indifférence, doit être encouragé, facilité par tous les moyens que l'expérience et la raison suggèrent.

L'emploi du pharmacien est de préparer les remèdes ; il a besoin de les bien connoître et de n'ignorer aucune des manipulations auxquelles on les soumet. Or, pour connoître les remèdes, il faut les avoir vus souvent, les avoir comparés, s'être fait des

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