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l'opinion, vous a confié le soin d'effacer jusqu'aux moindres vestiges de son ancienne servitude,. vous avez senti que les abus formoient un systême dont toutes les ramifications s'entrelaçoient et s'identifioient avec l'existence publique ; que pour tout reconstruire, il falloit tout démolir; qu'une machine politique avoit besoin, comme toutes les autres, de l'accord de ses parties; et que plus votre ouvrage seroit parfait, plus le moindre vice laissé dans ses rouages pourroit intervertit ou embarrasser ses mouvemens.

Ainsi donc, messieurs, avant de mettre la main à l'œuvre, vous vous êtes environnés de ruines et de décombres; vos matériaux n'ont été que des débris : yous avez soufflé sur ces restes qui paroissoient inanimés tout-à-coup une constitution s'organise ; déja ses ressorts déploient une force active; la monarchie françoise recommence; le cadavre qu'a touché la liberté se lève et ressent une vie nouvelle.

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Ce concert d'approbations et d'éloges, qui vous a constamment soutenus dans vos travaux, prouve assez que les principes dont vous êtes partis sont à-la-fois les plus solides et les plus féconds. L'abolition de toutes les tyrannies qui pesoient sur nos têtes; l'organisation du meilleur système de liberté que les penseurs aient encore imaginé dans leurs rêves bienfaisans ; l'établissement d'une véritable morale publique tels sont en résumé les dons inappréciables que la France a reçus de vous. La restitution des droits de la nature humaine, le germe impérissable du

salut et de la félicité de l'espèce entière: tels sont les biens que vous devront et tous les climats du globe et tous les siècles à venir. Car, messieurs, malgré les résistances impies que le génie du mal vous oppose, ce grand ouvrage s'achèvera: l'imprimerie, dont la découverte a prononcé dès long-temps l'arrêt des tyrans et des imposteurs, ira promulguer par-tout vos lois philantropiques toutes les langues les répéteront à toutes les nations: et si le cours orageux des événemens pouvoit priver de leurs fruits le peuple auquel elles sont destinées, et qui s'en montre digne par son courage, croyez, et j'en atteste ici les progrès que l'homme a déja faits dans tous les arts, dans toutes les sciences, et cette perfection, sans doute indéfinie, dont il est susceptible, et les idées les plus douces à son esprit, et les passions les plus puissantes sur son cœur; croyez que vos travaux, perdus pour nous, ne le seroient pas pour des contrées plus sages ou plus heureuses, et que du moins nos descendans recueilleroient bientôt cet héritage sacré pour le partager avec tous leurs frères,, Mais non, tant d'espérances ne seront pas vaines : nous ne laisserons pas échapper le fruit de tant de sollicitudes, de tant d'efforts, de tant de sacrifices : en léguant au genre-humain le premier de tous les bienfaits, une organisation sociale, fondée sur la nature et les vrais rapports des hommes, nous voudrons jouir nous-mêmes de notre ouvrage ; nous voudrons en jouir pour le perfectionner; nous voudrons en jouir pour donner un grand exemple: et c'est encore

vous, messieurs, qui, après avoir été les organes de d'opinion publique, en établissant les grands principes de la liberté, hâterez, par l'influence active de quelques nouvelles lois, le développement ultérieur de cette même opinion c'est vous qui, après avoir créé la plus imposante de toutes les organisations politiques, et posé des principes dont le développement 'né peut qu'améliorer de jour en jour le sort de l'espèce humaine; c'est vous encore qui chercherez le moyen d'élever promptement les ames au niveau de votre "constitution, et de combler l'intervalle immense qu'elle a mis tout-à-coup entre l'état des choses et celui des habitudes."

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Ce moyen n'est autre qu'un bon systême d'éducation publique: par lui votre édifice devient éternel; "sans lui, l'anarchie et le despotisme, qui se donnent secrètement la main, n'auroient peut-être pas de longs efforts à faire pour en renverser toutes les colonnes et peut-être aussi vous auriez à vous reprocher cette perfection elle-même, que vous ne perdez jamais de vue, et à laquelle vous tâchez d'atteindre.

Dans l'esclavage, l'homme ne peut avoir ni lumières *ni vertus ; mais tant que la cruelle nécessité l'y retient, il n'a besoin ni des unes ni des autres : les lumières aggraveroient sa situation les vertus y seroient déplacées. Mais sous le régime de la liberté, ses rapports deviennent plus étendus ; tous ses mouvemens prennent une activité singulière, ses passions: acquièrent © une énergie qui veut être dirigée : ce n'est plus cet en

gourdissement et cette paix de mort qui nous présentent de grands empires sous l'image de vastes tombeaux. Les peuples libres vivent et se meuvent : il faut qu'ils apprennent à se servir des forces dont ils ont recouvré l'usage. La science de la liberté n'est pas si simple qu'elle peut le paroître au premier coup-d'œil : son étude exige des réflexions, sa pratique des préparations antérieures, sa conservation des maximes mesurées, des règles inviolables et plus sévères que les caprices même du despote. Cette science est intimement liée à tous les grands travaux de l'esprit et à la perfection de toutes les branches de la morale. Or, messieurs, c'est d'une bonne éducation publique seulement que vous devez attendre ce complément de régénération qui fondera le bonheur du peuple sur ses et ses vertus sur ses lumières.

vertus,

Il est inutile de vouloir faire sentir l'importance de l'éducation en général. L'on a vu dans tous les temps, et l'on a dit dans toutes les langues, que les habitudes gouvernent le genre-humain. Or, l'art de l'éducation n'est que celui de faire prendre aux hommes les habitudes qui leur seront nécessaires dans les circonstances auxquelles ils sont appelés. Tous les législateurs anciens se sont servis de l'éducation publique comme dụ moyen le plus propre à maintenir et à propager leurs institutions. Quelques-uns d'entr'eux ont regardé la jeunesse comme le domaine de la patrie, et n'ont laissé aux pères et mères que la satisfaction d'avoir produit des citoyens. C'est dans le premier âge qu'ils ont voulu

jeter les semences de la moisson sociale. Les sectaires de tout genre, pour effacer des opinions déja reçues ou pour étendre et perpétuer celles qu'ils prêchoient aux hommes, se sont adressés d'abord aux ames mobiles, susceptibles, comme les enfans, de nouvelles impressions. Bientôt ils se sont emparés des enfans eux-mêmes, qu'ils ont façonnés d'après leurs vues, et plus ou moins habilement, suivant les époques.

Mais les législateurs anciens cherchoient tous à donner à leurs peuples une tournure particulière, et ne prétendoient souvent à rien moins qu'à les dénaturer, pour ainsi dire, et à leur faire prendre des habitudes destructives de toutes nos dispositions originelles. D'autre part, les sectaires, pour mettre leurs intérêts à l'abri de tout examen, et n'ignorant pas que leur empire, fondé sur les émotions superstitieuses, devoit être maintenu par les mêmes moyens qui servoient à l'établir, se sont efforcés de prévenir tout développement de la raison ; et pour la retenir à jamais dans leurs chaines, ont environné de prestiges cet âge tendre dont les impressions gouvernent toute la vie.""

23 Quant à vous, messieurs, vous n'avez pas d'opinions favorites à répandre ; vous n'avez aucune vue particulière à remplir; votre objet unique est de rendre à l'homme l'usage de toutes ses facultés, de le faire jouir 'de tous ses droits, de faire naître l'existence publique de toutes les existences individuelles librement déve loppées, et la volonté générale de toutes les volontés privées, constantes ou variables, suivant qu'il plaira

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