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Rachel Ruysch est la dernière des fleuristes hollandais. Du moins elle mourut un an après van Huijsum, juste au milieu du dix-huitième siècle, en 1750, - quoiqu'elle fût née dix-huit ans avant lui. Elle, en ces temps de décadence, pratiquait toujours une peinture large, que van Huijsum ne connaissait plus. Le faux goût de plusieurs générations d'amateurs a mis bien au-dessus d'elle van Huijsum, dont les tableaux se payent encore des sommes folles. Il faut oser dire que Rachel lui est supérieure. Un véritable artiste aimerait mieux son Bouquet de fleurs de la Galerie Suermondt que les dix van Huijsum du Louvre, y compris quatre misérables petits paysages dans un style mythologique.

Ces fleurs de Rachel sont liées par un ruban bleu : cinq roses y donnent le ton. Des papillons et des insectes voltigent alentour. De la finesse, de l'harmonie, de la grâce, de la simplicité, tout y est. Peint par une main de femme, mais avec la palette d'un grand coloriste.

1 Voir sur Rachel Musées de la Hollande: Amsterdam et la Haye, p. 164-166.

W. BURGER.

DE L'ISTHME DE SUEZ

AU POINT DE VUE HISTORIQUE ET GÉOGRAPHIQUE.

Analyse de l'ouvrage du professeur Schleiden ‘.

I.

LE SOL.

Par la route de Bab-el-Mandeb, un bras étroit de la mer Indienne s'enfonce entre l'Arabie et l'Afrique c'est la mer Rouge. Baignant la côte occidentale de l'Arabie dans toute sa longueur, il remonte dans la direction du nord-nord-ouest jusqu'au ràs (cap) Mohammed, où le Horeb, le Sinaï des Juifs, le Gebel (montagne)-Tûr des Arabes, le divise en deux branches, à peu près à 27° 40′ de latitude nord. La branche droite se dirige au nord, avec une légère inflexion à l'est, jusqu'à 29° 30′ latitude nord, où il rencontre la terre, près d'Akabah; de là, une profonde dépression du sol en marque la continuation par le Wadi' Arabah, la mer Morte et la vallée du Jourdain jusqu'à la pointe

1 L'isthme de Suez, d'après les sources anciennes et nouvelles, pour servir à l'appréciation du projet de canal et de la sortie des Israélites d'Égypte, par J. Schleiden. Un vol. in-8o, XIV, 202. Leipzig, Engelmann, 1858. Au moment où l'attention est de nouveau ramenée sur l'isthme de Suez, nous avons cru que l'analyse de cet ouvrage, qui fait autorité en Allemagne, serait de nature à intéresser nos lecteurs. M. Schleiden ne se prononce ni pour ni contre le projet actuel. Homme de science avant tout, il a uniquement étudié l'isthme au point de vue historique et géographique, et il passe pour avoir résolu un certain nombre de questions restées obscures jusqu'à présent. On n'a voulu qu'indiquer ici les résultats auxquels il est parvenu; ceux qui voudront connaître son argumentation et ses preuves se reporteront à l'ouvrage même.

sud de l'Anti-Liban. La branche gauche conserve la direction de la mer Rouge et pénètre entre le Sinaï et les monts arabes de l'Égypte jusqu'à 30o de latitude nord, où elle se termine près de Suez (Suweis): c'est le golfe de Suez. Comme l'autre branche, elle se continue sur la terre ferme par un vallon, et atteint ainsi, aux environs de Tîneh, par le lac Menzaleh, la mer Méditerranée. Ce vallon, courant au nord-nordouest, forme la frontière naturelle entre l'Asie et l'Afrique, et porte aujourd'hui le nom d'isthme de Suez. Juste au milieu, se trouve l'enfoncement du lac Temsâh, d'où un vallon uni, le Wadi-Tumilât, court droit à l'ouest jusqu'au bras le plus oriental du Nil.

Le vallon qui forme l'isthme et qui, à l'endroit le plus resserré, est large de cent treize kilomètres, est borné à l'est par le plateau désert d'E'Tih qui forme la base de la presqu'île du Sinaï, et descend vers l'isthme en pente insensible coupée de l'est à l'ouest par quelques fentes d'eau. Au nord, le vallon de l'isthme est, comme le désert E'Tîh luimême, occupé par des collines de dunes isolées. A l'ouest, au sud-ouest de Suez, le Gebel-Atakah descend droit dans le golfe, tandis que ses versants septentrionaux, formant le Gebel-Auêbid, continuent la paroi occidentale du vallon, laquelle vient mourir dans la plaine vers le milieu de la longueur de l'isthme. C'est de ce point que le vallon latéral, Wadi-Tumilât, court vers la plaine du Delta. Au nord, ce vallon latéral est encore bordé de collines de dunes, qui terminent en même temps la paroi ouest de la vallée principale; mais la bordure de la vallée est moins longue à l'ouest qu'à l'est, car ces dunes vont bientôt se perdre dans les terrains marécageux autour du lac Menzaleh. Sur la lisière nord de ce désert de sable est la ville de Salilieh, qui peut donner son nom au plateau qu'elle termine. Les dunes de ce plateau se réunissent en un renflement assez considérable qui traverse de l'ouest à l'est la vallée principale, et forme un pont pour aller au désert E'Tih. C'est le renflement d'El-Gîsr, élevé de dix à quinze mètres au-dessus de la Méditerranée, et qui divise l'isthme en deux moitiés, septentrionale et méridionale. Sur la lisière nord de ce renflement se trouve le lac Ballâh, qui communique par une étroite route d'eau avec le lac Menzaleh, lequel n'est séparé de la Méditerranée que par une mince barre de sable, interrompue en quatre endroits. Ce dernier lac s'étend à l'ouest jusque près de Damiette; au sud et à l'est, ses limites sont variables et dépendent de la hauteur du Nil. Plus loin, sur ia route de Syrie, le long de la mer, se trouve le lac Sirbonis.

Au sud du renflement d'El-Gisr est le birket Temsâh ou lac des Crocodiles, que les grandes inondations du Nil, aujourd'hui fort rares,

remplissent entièrement, mais qui habituellement ne contient de l'eau que dans sa partie nord, dont le niveau est, par suite de l'évaporation, bien au-dessous de la Méditerranée. Le lac des Crocodiles forme l'embouchure orientale du Wadi-Tumilât. Son fond méridional se compose d'une nouvelle série de dunes, dont le sable est mobile à la surface et qui sont coupées par des endroits marécageux. La largeur de cette ligne de dunes est d'environ seize kilomètres; M. Schleiden l'appelle barre du Serapeum, du nom des ruines qui se trouvent dans le voisinage. Suit une dépression du sol, longue de quarante kilomètres, et qui forme deux bassins, les lacs Amers. Le deuxième de ces lacs en partant du nord est séparé de la mer Rouge par une plaine de sable large de vingt kilomètres, et qui ne s'élève pas d'un mètre au-dessus du niveau de cette mer.

Ainsi la vallée qui forme l'isthme est coupée par trois bandes transversales dont la plus importante est le renflement d'El-Gîsr que M. de Lesseps appelle dans son projet le point de culmination du canal. Le nom que les Arabes lui ont donné signifie le pont ou la digue. Le sable qui l'a formé est fixé et agglutiné, et a de la végétation. Les coquillages fossiles qu'on trouve dans le lac Temsâh, au sud d'El-Gîsr, ont des analogues dans la mer Rouge, qui s'est donc évidemment étendue jusque-là dans les temps primitifs, tandis qu'au nord du renflement les lacs Menzaleh et Ballâh attestent le séjour des eaux de la Méditerranée. Le renflement lui-même est, jusqu'à la profondeur de vingt-trois mètres, c'est-à-dire jusque bien au-dessous du niveau de la Méditerranée, uniquement composé de terrain d'alluvion. Ces circonstances sont de nature à prouver que l'isthme a été primitivement un détroit, opinion qui s'était déjà répandue dans l'antiquité; mais, dit M. Schleiden, il n'est pas possible que cet état primitif ait duré longtemps. Figuronsnous le détroit ouvert : aussitôt les flots du golfe Arabique s'y précipitent, entraînant avec eux le sable de la mer; ceux de la Méditerranée y sont poussés également par les vents du nord et du nord-ouest, les vents étésiens des anciens, dominants dans ces parages, et amènent également du sable. Au point où les deux mouvements se rencontrent et se neutralisent, le sable se dépose et forme une barre qui se trouvera naturellement un peu plus au nord, comme l'est en effet le renflement d'El-Gisr, parce que l'action constante des flots de la mer Rouge l'emportera en énergie sur celle des flots de la Méditerranée amenés par le vent. Mais avant de se heurter, à la hauteur d'El-Gîsr, contre ceux de la Méditerranée, les flots de la mer Rouge ont rencontré d'autres obstacles par suite de la direction du détroit. De Suez, où le golfe semble

finir, une étroite langue de mer le prolonge au nord, en infléchissant un peu à l'est. C'est le reste de l'ancien détroit, qui, jusqu'aux lacs Amers, allait droit au nord. Au commencement de ces bassins, le thalweg tournait autour du Gebel-el-Raye, ramification du Gebel-Auêbid, assez brusquement au nord-ouest; un peu au-dessus du Serapeum, il revenait à la direction nord, se resserrait beaucoup, et tournait ensuite soudain au nord-est, jusqu'au lac Temsâh. Il y a donc aux deux extrémités des lacs Amers deux points qui ont dû ralentir le mouvement des flots, déterminer des dépôts de sable et former ainsi, quoique plus lentement que la barre d'El-Gisr, celle de Suez et du Serapeum, qui séparent les lacs Amers de la mer Rouge et du lac Temsah. Coupés de la mer, ces bassins ont dû perdre peu à peu leur eau par l'évaporation. Il résulte du témoignage de Strabon que sous Ptolémée Philadelphe, trois siècles avant notre ère, ils contenaient encore de l'eau, et, l'évaporation étant très-rapide dans ce climat, il faut dès lors qu'au temps d'Hérodote ils aient encore été complétement remplis, ce qui devait faire des barres du Serapeum et de Suez des marais infranchissables, et ne permettre une communication par terre entre l'Asie et l'Afrique qu'au nord du lac Temsâh, c'est-à-dire au renflement d'El-Gîsr.

M. Schleiden admet que l'action des flots a pu être secondée dans la formation des barres par un soulèvement graduel du sol. Nous savons, dit-il, par les recherches exactes de la commission internationale que les bords des lacs Amers se composent de trois lignes de rivages superposées, ce qui ne peut guère s'expliquer que par un exhaussement graduel, lequel aurait eu lieu pendant le temps où la mer Rouge était encore en communication avec les lacs Amers, car les trois lignes sont marquées par des coquillages de mer. Depuis les temps historiques, il s'accomplit un mouvement contraire dont M. Schleiden reproche à M. de Lesseps et à ses collègues de n'avoir pas paru tenir compte dans leurs travaux. C'est un abaissement continu et insensible. Strabon place une foule de localités dans le bassin du lac Menzaleh, qui est aujourd'hui une plaine marécageuse, couverte pendant la majeure partie de l'année par l'eau de la mer. La description d'Alexandrie et des environs ne cadrerait pas non plus avec l'état actuel du terrain, si on n'admettait un affaissement considérable. Pococke mentionne en plusieurs endroits des citernes, des piliers, des ruines, des grottes artificielles, des catacombes et toutes sortes d'ouvrages taillés dans le roc, qu'il a observés sur le fond de la mer près d'Alexandrie. M. Schleiden cite encore d'autres témoignages. Pour ce qui est de la partie méridionale de l'isthme, au sud d'El-Gisr, le voyageur Rüppel a vu, aux environs

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