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qu'aucun autre, en serait l'éditeur; le comité joindrait à l'ouvrage une publication correspondante des actes municipaux de la haute Allemagne, de telle sorte que les deux travaux, joints à la collection des chroniques urbaines, embrasseraient dans leurs limites un des aspects les plus importants de la vie allemande tout entière. Sur la proposition de Jacob Grimm, on recommanda une collection de poëmes en haut allemand d'un contenu historique ces deux entreprises seraient dirigées par le vénérable maître, auquel les années n'ont pas su ravir la séve et l'activité de la jeunesse. Sous la rédaction de Waitz, Stählin et Häusser, il sera fondé un organe périodique sous le titre de « Recherches pour l'histoire allemande »; ce recueil renfermera des dissertations critiques et des monographies, abandonnant les traités, les inscriptions, les renseignements et tous les documents écrits, en tant qu'ils auront un intérêt scientifique, au comité luimême, qui les fera publier dans un supplémeut à la fenille périodique de Sybel. Les frais de toutes ces entreprises, discutées au sein du comité, seraient prélevés sur les revenus réguliers de l'année. Le comité a proposé encore à l'agrément de Sa Majesté le prélèvement sur les fonds extraordinaires d'une allocation pour des prix à accorder à plusieurs travaux mis au concours : la première de ces allocations, pour les biographies d'illustrations germaniques; la seconde, pour les biographies de célébrités bavaroises; la troisième, accordée à un manuel de l'his toire allemande à l'époque du moyen âge; la quatrième, destinée à la publication d'un manuel concernant les antiquités germaniques jusqu'au temps de Charlemagne.

>> Enfin, M. le professeur Ranke appela encore l'attention de l'assemblée sur un projet de la plus haute importance: il s'agirait de provoquer la rédaction d'une histoire des sciences en Allemagne, qui embrasserait dans un coup d'œil général les temps du moyen âge et de la renaissance, et présenterait un tableau développé d'après les différentes spécialités, pour les deux derniers siècles. Comme il va sans dire, l'activité du comité se limiterait ici à fixer les lignes du plan général de l'entreprise, à lui attirer des collaborateurs capables et à allouer à ce travail une rémunération digne de lui; l'exécution elle-même resterait l'œuvre absolument personnelle de son auteur. Le comité a approuvé l'entreprise et l'a recommandée à l'approbation royale, etc. »

L'importance de ce document n'échappera à aucun de ceux qui comprennent le rôle immense que les sciences historiques ont pris dans notre époque et celui plus grand encore qui leur est destiné. L'histoire est la véritable épopée des peuples modernes; quand elle s'élève jusqu'à la hauteur philosophique, où elle atteint avec l'historien véritable, elle domine les fluctuations, elle devient un miroir où le passé réfléchit de lui-même sa leçon, où le présent trouve son guide le plus infaillible, l'avenir, son plus ferme espoir. Honneur donc à tous ceux qui, en tous pays, se rassemblent dans un effort sincère pour faire parler le passé au profit du présent, sans fausser sa voix incorruptible en la faisant passer à travers les clameurs d'un parti!

C. D.

CHRONIQUE PARISIENNE.

Nous venons déjà un peu tard pour parler de la Légende des siècles, et nous avons bien peu de place pour parler convenablement de cette œuvre nouvelle d'un génie que la fécondité n'épuise point et qui ne fléchit sous nul effort.

Livre, qu'un vent t'emporte
Eu France, où je suis né!
L'arbre déraciné

Donne sa feuille morte.

Telle est la mélancolique dédicace que le poëte a inscrite au frontispice de son livre. Heureusement elle n'est exacte qu'à moitié jamais l'arbre n'a été plus droit, le feuillage plus souple et plus vigoureux; jamais la puissante inspiration de M. Victor Hugo ne s'est donué carrière en de plus vastes horizons. Le sujet, c'est l'histoire tout entière, l'humanité sous toutes ses faces et à toutes ses époques, dans ses luttes, dans ses épreuves, dans son laborieux effort vers le bien, marchant des terreurs et des misères du passé aux grandeurs promises de l'avenir. En se proposant une telle matière, M. Victor Hugo n'a pas trop présumé de ses forces, en même temps qu'en vrai poëte il a subi et exprimé la préoccupation générale des esprits de notre temps. Le mouvement de la pensée nous porte aujourd'hui et nous portera de plus en plus vers l'histoire et la philosophie de l'histoire. Avançant toujours sur une route qui lui paraît déjà longue, bien que l'espace parcouru soit peu de chose dans la carrière infinie, l'esprit se recueille, réfléchit sur lui-même et regarde en arrière pour se rendre compte de ce qu'il a fait, se connaître par ses œuvres et puiser dans le passé des indications et des leçons pour l'avenir. Graves et hautes méditations dont la poésie a le droit de s'emparer pour les traduire en son langage. La Légende des siècles, c'est de la philosophie de l'histoire en une série de tableaux poétiques, et, comme dit le sous-titre que nous préférons au titre principal, de petites épopées. Le mot de légende est ici un peu détourné de son sens traditionnel, qui éveille plutôt l'idée d'une conception naïve et inconsciente, d'une formation spontanée, impersonnelle; les vraies légendes, pour employer une figure dont s'est servi l'auteur, sont des empreintes naturelles qui se déposent en quelque sorte d'elles-mêmes dans le cours des siècles, et qui rendent en histoire les mêmes services que les vestiges des créations disparues rendent en géologie. La « galerie de la médaille humaine » que forme M. Victor Hugo ne pouvait rien avoir de commun avec ces premiers bégayements de l'esprit. La couleur légendaire de quelques-uns des poëmes n'est qu'un caractère purement extérieur, un ornement poétique, et la Légende des siècles est véritablement de l'histoire résumée, condensée, et saillant en relief sons l'étreinte du poëte. C'est la réalité figurée, interprétée et fortement revêtue, comme il ne pouvait être autrement, de l'individualité de l'auteur.

On a prétendu que cette succession de tableaux, généralement violents, navrants, sanglants, n'est point l'effigie de l'humanité. L'effigie tout entière, assurément non, mais certainement l'une de ses faces. Le poëte a usé de son droit en choisissant. Il nous avertit d'ailleurs que, dans le plan général qu'il a conçu, ces deux volumes ne sont qu'une publication fractionnée : « Ce qui peut sembler » anjourd'hui un développement excessif s'ajustera plus tard dans l'ensemble. » Mais est-il donc vrai que la tristesse règne seule en ces chants fiers et puissants?

On ne saurait l'admettre ni pour le détail, ni surtout pour l'impression de l'enşemble, éminemment consolante et fortifiante. Comme l'homme qu'elle veut représenter, la poésie de M. Victor Hugo s'élève

Des fanges aux clartés, des gouffres aux sommets.

Le poëte se complaît, il est vrai, dans l'âpre peinture du mal, mais du mal châtié, redressé par la justice, et finalement transformé et absorbé par le bien. Nous sommes

Poussés vers l'idéal par nos maux, par nos vœux.

Et la conclusion de l'œuvre, c'est la prophétie de la Rédemption universelle:

On voit l'Agneau sortir du dragon fabuleux,

La Vierge de l'opprobre, et Marie aux yeux bleus

De la Vénus prostituće.

Le blasphème devient le psaume ardent et pur,

L'hymne prend, pour s'en faire autant d'ailes d'azur,
Tous les baillons de la huée.

Et pour citer des morceaux isolés, quel épanouissement de sérénité dans cette étonnante fantaisie du Satyre qui symbolise la Renaissance et bien plus que la Renaissance, la nature, la vie universelle et toutes les aspirations infinics de l'homme! Et dans un autre ordre d'idées, quelle grâce et quel attendrissement dans les Pauvres gens, une des plus belles et plus complètes inspirations, à coup sûr, et qu'on s'étonne d'avoir vu si peu citer jusqu'à présent :

Il est nuit. La cabane est pauvre, mais bien close.
Le logis est plein d'ombre, et l'on sent quelque chose
Qui rayonne à travers le crépuscule obscur.

Des filets de pêcheur sont accrochés au mur.

Au fond, dans l'encoignure où quelque humble vaisselle
Aux planches d'un bahut vaguement étincelle,

On distingue un grand lit aux longs rideaux tombants;
Tout près un matelas s'étend sur un vieux bane;
Et cinq petits enfants, nid d'âmes, y sommeillent.
La haute cheminée, où quelques flammes veillent,
Kougit le plafond sombre, et, le front sur le lit,
Une femme à genoux prie, et songe, et pâlit,
C'est la mère. Elle est seule. Et dehors, blanc d'écume,
Au ciel, aux vents, aux rocs, à la nuit, à la brume,
Le sinistre Océan jette ses noirs sanglots.

Le mari, pêcheur, est en mer, au milieu de la tourmente.

Son homme est seul!

Seul dans cette âpre nuit! Seul sur ce noir linceul!

Pas d'aide! Ses enfants sont trop petits.

O mère !

Tu dis: S'ils étaient grands! -Leur père est seul! » Chimère!
Plus tard, quand ils seront près du père, et partis,

Tu diras en pleurant : « Oh! s'ils étaient petits!

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Cependant la désolation est plus grande dans une cabane voisine: une mère est morte, laissant deux enfants sans ressource. La femme du pêcheur s'arrache à ses soucis et va recueillir ces petits êtres. Mais que dira le mari? Ce qu'il dira, après un court moment où le calcul, bien permis en pareille occurrence, lutte avec l'impulsion de la bonté, le voici :

Ouvrons aux deux enfants. Nous les mêlerons tous,
Cela nous grimpera le soir sur les genoux;

Ils vivront. Ils seront frère et sœur des cinq autres.
Quand il verra qu'il faut nourrir avec les nôtres
Cette petite fille et ce petit garçon,

Le bon Dieu nous fera prendre plus de poisson;
Moi, je boirai de l'eau; je ferai double tâche.

C'est dit. Va les chercher. Mais qu'as-tu ? Ça te fáche ?
D'ordinaire, tu cours plus vite que cela.

- Tiens, dit-elle en ouvrant les rideaux, les voilà!

Comme peinture et comme sentiment, il nous semble qu'on ne peut aller au delà. Et que dire de cette autre pièce, de ce drame de souffrance et de charité dont les héros sont un crapaud et un âne fourbu? Ces pauvres hères nous touchent sans que nous nous étonnions, tant la magie du poëte est merveilleuse, et aussi tant est vrai ce qu'il dit :

Pas de bête qui n'ait un rayon d'infini,

Pas de prunelle abjecte et vile que ne touche

L'éclair d'en haut, parfois tendre et parfois farouche;
Pas de monstre chétif, louche, impur, chassieux,
Qui n'ait l'immensité des astres dans les cieux!

Mais si nous étions obligé de faire un choix dans toutes ces magnifiques et émouvantes choses, nous avouerions peut-être notre préférence pour le Régiment du baron Madruce, parce que nous y trouvons comme une synthèse de toutes les facultés descriptives et lyriques, comme un résumé de l'évolution entière du poëte, depuis les Orientales jusqu'à ses dernières œuvres. Le régiment du baron Madruce est un régiment de mercenaires suisses au service de l'Empereur d'Allemagne. Rien de plus achevé, de plus éclatant comme coloris que la description des mercenaires, mais l'auteur a habitué le public à tout attendre de lui en ce genre. Ce qui suit est plus beau: d'abord l'invective contre ces enfants d'une libre patrie qui prostituent ainsi leurs services à l'étranger; puis surtout la manière dont le poëte console et relève la Suisse humiliée en évoquant à la fois les gloires de son histoire et les splendeurs majestueuses de sa nature. La Suisse porte bonheur à tous ceux qu'elle inspire. Comme Schiller, comme Rossini, Victor Hugo, dans les pages qu'il lui consacre, a su fondre en une merveilleuse unité la double grandeur des Alpes et des héros de la légende helvétique, des libérateurs de la Suisse et de ces monts par lesquels

Sa blanche liberté s'adosse au firmament.

On voit que son inspiration plane à l'aise sur ces hauteurs, au milieu de ces souvenirs. C'est de là qu'elle a rapporté cette belle devise:

La liberté dans la lumière !

A. N.

Les bois jaunissent; le Paris oisif et qui se proclame élégant rentre chez lui, après avoir joui, selon ses capacités esthétiques, des beautés de la campagne. Le signal est donné; les théâtres vont nous découvrir avec un merveilleux ensemble tous les chefs-d'œuvre qu'ils tiennent sans doute en réserve pour l'hiver.

Le Théâtre-Italien nous a donné ce mois-ci « Il Giuramento », de Mercadante, une œuvre à laquelle, comme à toutes celles du même maitre, on contestera volontiers la sincérité originale, mais qui n'en reste pas moins une partition facile et très-mélodique, d'une orchestration vigoureuse et abondante, trop abondante peut-être au regard du chant, dont la part est un peu sacrifiée dans l'ensemble. Un nouveau ténor, M. Morini, débutait dans le rôle de Viscardo. Sa voix a de la grâce, de la douceur; il chante avec méthode et avec sentiment sans fausse note, ce qui est aussi un mérite. Il nous a paru être surtout l'homme des adagios; car, autant qu'on en peut juger par une première audition et en faisant le compte inévitable du souci attaché à un début, les notes inférieures manquent chez lui de puissance, de largeur, et surtout de vibrant. C'est de ce côté-là évidemment qu'il aura à se compléter. Le fausset et les sons mixtes laissent beaucoup moins à désirer; la voix de M. Morini possède dans sa région supérieure une suavité qui ne manque pas de distinction. En somme, nous ne doutons pas, étant à si bonne école, que M. Morini ne se fasse adopter comme un chanteur très-agréable.

M. Graziani a emporté son public d'assaut dans le strette du troisième acte : Tremi cada l'altera Agrigento. L'assistance, qui l'a couvert avec raison d'applaudissements réitérés, ne s'est-elle pas montrée en revanche un peu trop rigoureuse pour madame Penco, chargée d'un rôle assez ingrat, dont elle a tiré le meilleur

parti? Serait-ce donc une hérésie d'avoir du mouvement et de l'âme, d'être actrice enfin au Théâtre-Italien en même temps que cantatrice? S'il en est ainsi, madame Alboni mérite de plus en plus les suffrages des dilettantes émérites, car elle atteint le degré suprême de la passivité. Elle se laisse chanter. Ce n'est pas d'hier que l'on s'extasie sur la perfection de ses vocalises, et l'on n'a certainement pas tort. Nous sera-t-il permis néanmoins d'avancer humblement que cette perfection nous paraît être devenue un peu moins désespérante pour les émules de l'éminente cantatrice? C. D.

Le défaut d'espace ne nous permet pas de parler cette fois de plusieurs publications importantes sur lesquelles nous reviendrons, notamment l'Examen des doctrines de la religion chrétienne (deux volumes), et Rénovation religieuse (un volume) de M. P. Laroque 1, et un très-curieux et très-intéressant ouvrage de linguistique, la Part des mères dans l'enseignement de la langue maternelle, par M. Chavée 2.

Nous signalerons aux bibliophiles, de plus en plus nombreux, les Principes pour l'organisation et la conservation des grandes bibliothèques, par M. Sobolstchikoff, bibliothécaire de la bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg. Ils y trouveront de précieuses indications et un véritable système.

Recommandons enfin les Aventures parisiennes, de M. Paul Deltuf, un jeune romancier de la bonne école. Ce volume contient des nouvelles fort agréables et une étude fine et vigoureuse, la Famille Percier.

Bohne et Schultz, 2 Truchy.

3 Jules Renouard. 4 Michel Lévy.

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Erratum. Dans la livraison de septembre, article Clément de Rome, page 157, ligne 7, au lieu de « si Clément », lisez « mais si Clément ».

CH. DOLLFUS. A. NEFFTZER.

PARIS. TYPOGRAPHIE DE HENRI PLON, 8, RUE GARANCIÈRE.

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