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note cette tradition, car elle montre qu'alors les Chinois, comme les autres peuples anciens, avaient une grande vénération pour la virginité. »

Les Chinois forment un peuple d'une sagacité fort minutieuse, comme chacun sait; cette qualité, ou ce travers, leur a fermé le sentiment de l'infini, et c'est là ce qui en a fait, et qui, selon toute apparence, continuera d'en faire des Chinois. En morale, cela va sans dire, ils ne cessent pas d'être Chinois, si même ils ne le sont plus qu'ailleurs. M. Martin a relevé, avec le soin exigé par un travail semblable, tous les préceptes de détail, tantôt excellents et tantôt bizarres, qui ont formé l'inextricable réseau de règles et de pratiques où la vie s'est prise chez eux, et où elle est restée étroitement enlacée. L'âme cherche inutilement l'air, et la pensée les larges horizons du ciel infini dans tout ce détail, d'où se dégage seulement de temps à autre, avec la parole d'un homme qui eût été grand sous d'autres latitudes, quelque grande et belle vérité morale; mais, semblable à un lingot d'or qui brillerait un instant aux yeux, cette vérité est immédiatement livrée à l'esprit médailleur de ce peuple trop scrupuleusement intelligent, et mise en petite monnaie à l'effigie de son esprit.

M. Martin nous a fait entrer dans le temple par la petite porte, mais elle s'élargira à mesure qu'il se rapprochera davantage, dans ses consciencieuses recherches, de la morale chez les peuples de l'Occident.

La tolérance religieuse ne s'établira jamais que sur la liberté philosophique. M. Ad. Schæffer, dans son « Essai sur l'avenir de la tolérance 1», compris que, pour " régénérer » l'individu, il fallait avant tout dégager sa conscience, lui restituer, par la liberté de son être moral, la faculté de se donner à une conviction ou de s'y refuser. La sincérité envers soi-même exige l'indépendance individuelle, et hors la sincérité il n'y a pas de foi réelle, il n'y a pas de religion. Sur ce fondement capital, on peut le dire, le protestantisme et la philosophie aspirent de plus en plus à se rencontrer. Une révolution morale sera accomplie quand cette rencontre sera un fait universellement accepté des deux côtés; car ce jour-là le protestantisme lui-même, et pour mieux dire encore, le christianisme, devenu une des émanations de la libre conscience, s'offrira à son tour comme l'un des résultats de cette libre conscience, qui est, je le redis encore, la philosophie, toute la philosophie, dans sa racine et dans son identité permanente.

Je ne puis que mentionner aujourd'hui la publication d'un travail qui est le fruit d'une pensée à la fois savante, laborieuse, originale et hardie: « Paris, Rome, Jérusalem 2 », par M. Salvador, l'auteur de « Jésus-Christ et sa doctrine ». La prochaine chronique réparera cette lacune, avec quelques autres qu'il ne nous est pas possible de combler dès aujourd'hui.

Avant de terminer néanmoins, et puisque tout récemment la mémoire de Schiller a occupé Paris, je veux signaler encore une traduction de Guillaume Tell 3, par M. François Sabatier-Ungher. Cette traduction est faite tout entière dans le mètre original. Il faut savoir gré à l'auteur d'une aussi vaillante tentative, par laquelle, non sans y avoir réussi en maints passages, il a voulu nous sortir de l'ornière de l'alexandrin.

Nous avons également ouï parler d'une traduction complète des œuvres de

'Paris, Joel Cherbuliez,

2 Michel Lévy.

3 Koenigsberg, J. H. Bon, libraire-éditeur.

Schiller, par M. Régnier, de l'Institut. Les deux premiers volumes viennent fort à propos pour donner à l'Allemagne une preuve de plus, après tant d'autres, de l'assiduité toujours plus générale avec laquelle les esprits distingués abordent chez nous ses grandes personnifications, et cherchent à s'approprier ce qu'elles ont d'universel.

CHARLES DOLLFUS.

Errata du numéro du 31 octobre.

Page 15, ligne 5, au lieu de Nervii, lisez Aduatici.

Page 20, ligne 35, au lieu de situés, lisez située.

Page 21, ligne 20, au lieu de Hungtington, lisez Huntingdon.

CH. DOLLFUS. A. NEFFTZER.

PARIS TYPOGRAPHIE DE HENRI PLOX, 8, RUE GARANCIÈRE.

VOYAGES ET DÉCOUVERTES.

L'EUROPE DANS L'ASIE ORIENTALE.

Reise um die Erde nach Japan, an Bord der Expeditions-Escadre unter Commodore M. C. Perry, in den Jahren 1853, 1854 und 1855 unternommen. Von Wilh. Heine. Leipz. 1856. 2 volumes.

Narrative of the Expedition of an American Squadron to the China Seas and Japan, performed in the Years 1852, 1853 und 1854, under the command of commodore M. C. Perry, U. S. N., by order of the Government of the United States. Compiled from the original notes and journals of Commodorc and his officers, by F. D. Hawks. With numerous illustrations. New-York, 1856. Gr. in-8°.

Die Expedition in die Seen von China, Japan und Ocholzk, unter Commando von Commodore C. Ringgold und Commodore J. Rodgers, Deutsche original Ausgabe, von Wilh. Heine. Fortsetzung der Reise um die Erde nach Japan. Leipz., 1858-59. 3 volumes.

The North Pacific Surveying and Exploring Expedition; or, My last Cruise. Where we went, and what we saw.... By A. W. Habersham, Lieut. U. S. N. Philadelphia, 1857. In-8°.

Acht Monate in Japan nach Abschluss des Vertrages von Kanagawa. Von Fr. A. Lühdorf, Supercargo der Brigg Greta. Bremen, 1857. In-8°.

Notes on the late Expedition against the Russian Settlements in Eastern Siberia (1855). By Capt. B. Whittingham, Royal Engineers. Lond. 1856, In-8°.

TOME VIII.

31

J. M. Tronson, R. N. Personal narrative of a Voyage to Japon, Kamtschalka, Siberia, Tartary, and various parts of coast of China, in H. M. S. Barracouta. London, 1859. In-8°.

Sherard Osborn, R. N. A Cruise in Japanes Waters, London, 1859. In-8°. Renseignements hydrographiques et autres recueillis à bord de la corvette la Constantine (1855), par M. Tardy de Montravel, capitaine de vaisseau (Annales hydrographiques du Dépôt de la Marine, t. X).

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L'Asie orientale est jusqu'à présent restée en dehors du mouvement de l'Occident. Habitée par des nations d'une autre race, vivant d'une autre civilisation, ayant d'autres idées, un autre esprit, d'autres rapports et d'autres intérêts, elle ne touche à l'Europe ni par son passé ni par son présent. C'est un monde absolument à part, concentré dans sa vie propre, ne se portant pas au dehors et se refusant à en rien recevoir. La propagation religieuse de nos missionnaires du seizième siècle devait donner à la civilisation chrétienne une action tout à la fois puissante et salutaire sur ces civilisations imparfaites de l'extrême Orient. Ce lien a été violemment brisé dès que les gouvernements indigènes y ont cru voir un danger politique. Le commerce lui-même, cet intermédiaire universel du rapprochement des peuples, a été ici entouré d'entraves et de restrictions; s'il n'a pu être entièrement anéanti, il a été réduit et limité de manière à supprimer pour ainsi dire tout contact extérieur.

Nous n'avons pas à examiner maintenant si ceux d'entre nous qui ont représenté à divers titres, depuis les temps de Gama et d'Albuquerque, la civilisation européenne vis-à-vis des civilisations asiatiques, n'ont jamais compromis, ne serait-ce que par trop de zèle, la cause qui reposait sur eux; toujours est-il que le système d'exclusion et d'isolement, dont les gouvernements de l'Asie orientale s'étaient un moment départis, est devenu depuis deux siècles plus rigoureux, plus absolu que jamais. L'Europe avait dû s'y soumettre; pour ne pas perdre entièrement les profits qu'elle trouvait encore dans ces rapports ainsi limités, elle en avait accepté les conditions.

Cependant une réaction s'est produite, soudaine, énergique, impérieuse. Dans l'état actuel des communications entre tous les pays de la

terre, telles que les ont faites de nos jours les merveilleux progrès de la science européenne; quand les distances, prodigieusement réduites par la vapeur, sont annulées par l'électricité; quand l'homme peut jeter instantanément sa parole et sa volonté, à travers les continents et les mers, jusqu'aux extrémités du monde, et se transporter lui-même aux contrées les plus lointaines avec une rapidité que ne retardent plus les éléments; quand le globe tout entier tend ainsi à vivre de la même vie, à respirer du même souffle, à s'inspirer de la même pensée, on s'est indigné que deux ou trois peuples qui nous sont si fort inférieurs par l'intelligence et par la force, se tinssent seuls en dehors du mouvement universel. Puis on s'est demandé si ces peuples avaient le droit, vis-à-vis du reste de l'humanité, de se retrancher ainsi dans leur isolement; et au nom du code naturel qui relie, dit-on, dans une même communauté d'obligations et d'avantages, tous les membres policés de la famille humaine, on a prononcé qu'ils n'avaient pas ce droit.

Des faits bien connus expliquent et justifient d'ailleurs les mesures que les grandes nations européennes ont adoptées à l'égard des États de l'extrême Orient.

Dans l'Annam, dont la famille aujourd'hui régnante a dû son élévation, il y a soixante-dix ans, à l'appui des canons français, nos missionnaires ont été l'objet de cruelles persécutions; sur plusieurs points du littoral de la Chine, il y a eu de sanglantes collisions où les Européens ont été plus d'une fois victimes de la trahison et de la surprise; enfin, c'était naguère encore une loi du Japon que tout naufragé sur ses côtes, à quelque nation qu'il appartînt, y fût condamné à un esclavage perpétuel. Cette dernière coutume, dont on ne retrouve l'analogue que chez les tribus les plus barbares, appelait surtout une répression tout à fait légitime.

Ces diverses causes ont amené depuis cinq ans dans les mers orientales des négociations et des événements dont s'est préoccupée l'attention publique. Les États-Unis ont envoyé au Japon, sous le commandement du commodore Perry, une forte expédition dont le résultat final a été la conclusion d'un traité de commerce qui prépare au moins, s'il ne les établit pas encore, de véritables relations internationales. Des traités analogues ont été obtenus par la Russie, l'Angleterre et la France. La France, l'Angleterre et l'Union américaine ont également obligé le gouvernement chinois d'élargir les bases de leurs rapports commerciaux avec l'empire, et d'ouvrir à nos vaisseaux un plus grand nombre de ports. Nos démêlés avec l'Annam viennent aussi de se terminer par une transaction favorable. D'autres faits sont venus dans le même

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